Fin mars, la NR dévoilait qu’un ex-religieux lochois est soupçonné d’abus sexuels. Coralie (1), Castelroussine, a été la première à porter plainte.
A l’été 2003, Coralie (1) vient de décrocher son bac. « Je me sentais bien, j’étais de nature curieuse, j’avais envie de trouver un sens à ma vie. » Cette Castelroussine choisit donc d’aller passer une année sabbatique auprès de la communauté religieuse Saint-Jean.
C’est là qu’elle fera la connaissance du père Rabany, le même au sujet duquel, aujourd’hui, les plaintes pour agressions sexuelles pleuvent. « Ça s’est passé très insidieusement, progressivement », se souvient Coralie. Elle montre des photos argentiques sur lesquelles apparaît une jeune fille radieuse, blonde, au sourire qui lui mange le visage. C’était elle, avant.
Entre-temps, il y a eu cette année à la communauté, « suivie » par le père Rabany. Il était son confesseur, un prêtre encadrant et ses gestes ont semé la confusion. « Ça me dépassait en fait, il disait que ces gestes, il les faisait au nom de Dieu. Ça avait parfois lieu pendant la confession, j’étais très naïve à l’époque. » Durant la même période, elle travaille pour la communauté, accueille les groupes d’enfants. « J’étais très fatiguée aussi, on n’avait très peu de temps à soi. » A l’époque, elle se voit comme une intruse dans cette communauté. « Un peu fofolle, je me sentais comme le vilain petit canard tout ça parce que j’avais bu un peu d’alcool, fumé un peu de shit au lycée. »
“ Quand le volet du confessionnal se fermait on savait ce qui se passait ”Et l’ambiance se crispe d’autant plus que le père semble entretenir des relations ambiguës avec plusieurs jeunes filles. « Quand le volet du confessionnal se fermait, on savait ce qui se passait. » La jalousie de ces jeunes filles pour obtenir l’attention de ce prêtre aux mœurs déviantes crée un surcroît de tensions.
Elle s’étonne aujourd’hui encore que personne n’ait rien dit. « Je ne comprends pas qu’aucun adulte n’ait réagi. » L’année après Saint-Jean, « je me suis renfermée sur moi, c’était l’enfer. » Ses premières tentatives de suicide se produisent, elle compte aujourd’hui une quarantaine d’hospitalisations en milieu psychiatrique. « Et puis, j’ai eu un suivi long avec la même psychologue. La première fois qu’elle a évoqué l’emprise mentale, je suis partie en claquant la porte. »
Au fil des années, Coralie voyait le prêtre par épisode, en France ou à Bologne lorsqu’il y a été muté. Elle a d’abord alerté sa mère, en 2006, qui écrira alors au prieur. Puis viendront ses plaintes, à l’été 2015. « J’ai contacté l’association des victimes de l’Église qui m’ont donné les coordonnées pour un avocat ecclésiastique et d’un avocat civil. » Sa plainte a fait un aller-retour entre Tours et Châteauroux.
Aujourd’hui, elle sait que les faits seront difficiles à juger, l’épreuve d’un procès sera dure à vivre. « Même le Cash investigation sur les secrets cachés de l’Église, je n’ai pas pu le regarder jusqu’à la fin. » Elle persiste pourtant. « Je ne peux pas me taire. Il y a encore, je pense, des victimes sous emprise. » Un combat qui commence à peine pour elle, dix ans après le début des faits.
(1) Le prénom a été changé.
source :
la nouvelle république
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