Audition au Sénat : le 13 novembre 2012. Annie GUIBERT : Présidente du Centre Contre les Manipulations Mentales (CCMM – Centre Roger Ikor) Jean-Claude DUBOIS :Président du CCMM- Centre Val de Loire et Laure TELO : Présidente du CCMM – Ile de France
Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs,
C’est un honneur et un plaisir pour moi de m’exprimer aujourd’hui devant la Haute Assemblée en qualité de Présidente du Centre Contre les Manipulations Mentales : Centre Roger IKOR, et sur le thème « Influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé ».
Monsieur Le président, vous avez présenté le CCMM et je vous en remercie.
• Je préciserai que sa création est déterminée dès l’origine par l’influence d’une dérive sectaire dans le domaine de la santé. En effet, en 1981, son fondateur Roger IKOR, marqué par la mort de son fils qui s’est suicidé après avoir adhéré au Zen macrobiotique, fonde le Centre Contre les Manipulations Mentales (CCMM).Roger Ikor mènera jusqu’à sa mort en 1986 une lutte contre le phénomène sectaire.
•La mission première et fondamentale du CCMM est d’aider les victimes de mouvements sectaires. Depuis sa création, l’association s’est efforcée d’apporter des outils de réflexion et d’analyse pour mieux connaître les dangers de la manipulation mentale. Je souligne que l’implication des bénévoles du CCMM est un engagement militant et citoyen.
L’association est implantée sur vingt deux points du territoire en métropole et outre-mer.
Nous avons un centre de documentation que journalistes et étudiants peuvent consulter.
•Depuis plus de trente années, le CCMM conduit une action d’information, d’éducation et de mise en garde du public fondée sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en se référant aux valeurs républicaines, et au principe de laïcité. Ces principes qui inspirent l’engagement du CCMM sont inchangés depuis sa fondation : défendre la personne humaine contre toutes les formes de manipulation et d’emprise mentales d’où qu’elles viennent. •L’action du CCMM est déterminée par le concept de laïcité. La laïcité n’est pas le masque d’une « chasse aux sorcières », mais au contraire, la garantie du libre épanouissement individuel, dans le strict respect des lois. Le législateur s’est refusé à définir le « culte », la « congrégation », « l’église », la « secte » ou « la dérive sectaire », sûrement dans le souci d’un respect profond de la laïcité et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. La France est un pays laïc dont l’Etat doit respecter tous les cultes et n’en reconnaître aucun, les mouvements spirituels sont donc a priori considérés comme licites et seuls les délits sont répréhensibles. Ce serait un profond contresens de confondre secte et religion. • Au Centre Contre les Manipulations Mentales, ce sont essentiellement les familles que nous recevons, que nous cherchons à comprendre et à aider. Les victimes s’adressent plus rarement à nous, sauf si elles sont sur le point de rompre avec leur manipulateur. Ce qui fait dire à certains qu’il n’y pas, ou peu de victimes. Victimes directes ou victimes collatérales, elles sont cependant des milliers ! Je reviendrai sur ce point. •Nous cherchons à établir la preuve de « la dérive sectaire .en liaison souvent avec la MIVILUDES, avec les Pouvoirs Publics en cas de besoin, et surtout, en nous appuyant sur notre propre expérience de plus de 30 ans et sur les critères de dangerosité déterminés sur la base de travaux et de plusieurs commissions d’enquêtes parlementaires
Pour dénoncer des activités éventuellement nuisibles de certains groupes ou individus, l’expression « dérive sectaire » est devenue, la locution répandue.
Depuis le début des années 1980, la prise de conscience sur la problématique sectaire s’est considérablement développée dans l’opinion publique ; en parallèle, les notions de manipulation et d’emprise mentale ont émergé.
L’emprise mentale constitue une cruelle réalité, sans doute difficile à objectiver, au moins pour les juristes, mais beaucoup plus clairement pour les psychologues, les psychanalystes, les médecins psychiatres et les conseillers écoutants des associations d’aide aux victimes.
L’emprise mentale est basée cliniquement sur une triple technique : cognitive, affective et comportementale, ceci à des fins perverses de conditionnement, de contrainte morale, psychologique, physique et, quelquefois, sexuelle et d’escroquerie. Ce mécanisme se développe en trois temps :
•séduction •dépersonnalisation •reconstruction d’une nouvelle identité automatisée Ce processus particulier et complexe, tend à priver la ou les futures victimes de leurs facultés de discernement et de libre décision.
Tous les secteurs d’activité humaine : santé, bien-être, développement personnel, formation, sport… favorisent malheureusement « la dérive sectaire », c’est-à-dire l’utilisation d’une activité quelconque de l’individu par un manipulateur qui a pour seul objectif d’établir son emprise sur des personnes placées « en état de sujétion », ceci à des fins perverses de conditionnement.
Cette méthode, permet de conserver au sujet une apparence de normalité dans la vie professionnelle par exemple, quand cette activité doit être maintenue afin d’offrir des subsides au gourou ou au groupe. C’est ainsi que des adeptes restés sous l’influence d’un leader peuvent poursuivre une vie professionnelle afin d’alimenter financièrement le groupe en ne manifestant aucun symptôme délirant.
Ceci est une difficulté importante pour les familles touchées par cette mécanique, car les adeptes conservent une apparence de normalité qui peut faire croire à leur consentement.
Quels sont ces critères de l’emprise mentale ? :
•Déstabilisation mentale • Exigences financières exorbitantes •Rupture de la personne avec l’environnement d’origine •Atteinte à l’intégrité physique • Embrigadement des enfants •Troubles à l’ordre public •Importance des démêlés judiciaires •Détournement des circuits économique traditionnels •Tentatives d’infiltration des pouvoirs publics •Discours clairement antisocial Tous les critères ne sont pas forcément réunis mais un seul est dans tous les cas, toujours présent : la déstabilisation mentale
La maladie est un point d’entrée facile pour les gourous de tous bords. Le phénomène nous inquiète, compte- tenu du nombre de victimes la plupart du temps en situation de grande vulnérabilité. Le caractère préoccupant de toutes ces pratiques non conventionnelles, c’est lorsqu’elles s’adressent à des malades atteints de pathologies graves notamment du cancer, de la sclérose en plaques ou de déficit immunitaire. Que dire lorsqu’elles excluent le recours aux traitements conventionnels pour soigner le malade ?
•Les grands mouvements sectaires pointés par le rapport parlementaire de 1996 sont toujours actifs et nocifs. Ces groupes structurés à dimension internationale, s’adaptent aux exigences du temps et savent sous des masques parfois difficiles à repérer, s’infiltrer dans le champ de la santé, du bien-être, du développement personnel, de la petite enfance, de la fin de vie, de l’éducation et de la formation professionnelle. •Ce qui nous semble très préoccupant aujourd’hui, c’est l’éclosion d’une multitude de petites structures qui échappent aux gardes- fous juridiques et professionnels, détournent les règles, exploitent l’absence de réglementation et de contrôle. Des pseudo- praticiens se parent de titres plus ou moins ronflants, offrent de nouvelles méthodes, de nouvelles pratiques. Ces nouveaux gourous pratiquent seuls mais fonctionnent en réseaux ramifiés. Ils exercent une véritable emprise mentale sur leurs « patients » pour souvent, mieux les dépouiller de leurs ressources •La dérive thérapeutique s’accompagne d’un mécanisme d’emprise mentale destiné à ôter toute capacité de discernement à la personne et à l’amener à prendre des décisions qu’elle n’aurait pas prises autrement. Par exemple : l’amener à rompre avec sa famille et avec son milieu de soin habituel, pouvant conduire à l’arrêt de tout traitement conventionnel. Je précise cependant, que toute dérive thérapeutique n’est pas forcément sectaire. Le praticien peut sincèrement croire en une thérapie complémentaire ou alternative.
Monsieur Jean- Claude DUBOIS peut vous expliquer rapidement, le parcours d’une jeune femme atteinte du cancer et qui vient de décéder faute de soins conventionnels : « Une femme atteinte d’un cancer du sein a été prise en mains par des dérapeutes et a été victime de pratiques médicales illusoire pour reprendre la terminologie utilisée par JP JOUGLA.
RAPIDEMENT quelques techniques et produits proposés :
De l’argile destinée à faire cicatriser un sein dont la boule cancéreuse a éclaté laissant vers l’extérieur une plaie purulente Boire de l’eau alchimique Une lampe TDP Un pendule servant entre autre à déterminer quels médicaments homéopathiques à ingérer Différents cristaux Un triangle Des boules mécaniques générant un bruit qui soigne
« En fait cette histoire ressemble à celles d’Evelyne MARSALEIX et de la maman de Nathalie DE REUCK, mais je voudrais insister sur la prise en charge par un réseau qui la caractérise :
En amont, une conférence présentée par l’un des dérapeutes concernant une fontaine à eau KANGEN pour obtenir une eau dont le ph sera favorable à la santé (3850 €).
Une autre conférence par le second dérapeute qui en sa qualité de – je cite – « bio-énergéticien holistique, Maître Reiki, géobiologue, rebirth, cristalocosmie et conférencier international » traite du sujet suivant : « Géobiologie : la santé de l’habitat pour vivre en harmonie avec soi et avec les autres ».
Il faut noter que l’objet de l’association organisatrice se précise comme suit : « promotion et partage des connaissances, des cultures et du savoir par l’organisation de manifestations (conférences, débats, concerts, dîners dansants etc.) »
Dans la même année les conférences suivantes ont été présentées :
PNL Communiquer avec son âme Psychothérapie, spiritualité, bien-être Etre dans sa juste autorité Relaxation et sophrologie Rencontres avec Marie par écrivain, éditrice – Les autres conférences étant présentées par des psychothérapeutes.
Autre aspect de la prise en main par un réseau : des voyages au Brésil avec prescription de gélules de passiflore, victime accompagnée par l’un des « dérapeutes ». Au retour du second voyage, un mois avant son décès, cette femme partie 15 jours avant avec des cannes se déplaçait en fauteuil roulant.
Enfin, dernière illustration de l’existence d’un réseau, l’achat d’un lit BEMER pour une somme de 3500€, sachant que l’on retrouve la promotion de produits BEMER au village de Bugarach avec la publicité suivante : « La médecine du 21 ème siècle sera électromagnétique. Nouveauté mondiale B.BOX classique le module d’application de luxe pour le traitement du corps entier » par BEMER GROUP. Le prix n’est pas précisé. Cette publicité a été découverte à Bugarach à l’occasion du déplacement effectué par la FECRIS ».
Annie Guibert :
•Les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutiques (PNCVT) sont présentées comme des pratiques de soins. Elles sont exercées par des non médecins qui n’ont reçu aucune formation débouchant sur des qualifications validées.
Elles ne sont pas reconnues, au plan scientifique par la médecine conventionnelle.
Malheureusement certains médecins utilisent ces pratiques préférant se faire radier de l’Ordre pour exercer en toute tranquillité.
•J’ajoute, que de nouvelles méthodes font chaque jour leur apparition, notamment sur INTERNET. •Des journaux gratuits font la promotion de techniques et de pratiques toutes plus fantaisistes voire dangereuses les unes que les autres.
•Quelques exemples donnés par Madame Laure TELO , pris dans la revue gratuite « Soleil Levant » :
Madame TELO ajoute :
« Monsieur le président,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Je voudrais attirer votre attention sur la tenue prochainement à Reims les 17, 18 et 19 novembre 2012 du 3ème congrès international des thérapies quantiques. Peut-être serait-il intéressant que cette honorable commission y fasse un tour.
Je citerai pour mémoire : un atelier proposé par Christian Cotten « l’énergie du silicium organique G5 : du sable, de l’amour et de la lumière »
Un autre atelier : « la phytembryothérapie : l’embryon de la gemmothérapie »
Des conférences sont proposées : par exemple « l’empreinte sacrée, une nouvelle vision du cerveau » par Jean-Philippe Marcoux, posturologue. Tous les intervenants s’estiment les experts et les précurseurs mondiaux de la santé ».
Annie Guibert : Au CCMM nous recevons de nombreux témoignages sur l’infiltration de plus en plus forte de techniques et médecines parallèles dans les hôpitaux et plus particulièrement pour introduire le reiki, la fasciathérapie et diverses méthodes par massage ou apposition des mains. Je tracerai à grands traits les pratiques non conventionnelles auxquelles nous sommes au Centre Contre les Manipulations Mentales, le plus souvent confrontés.
•Sous un nom bricolé dont le but est de créer un amalgame avec la kinésithérapie et la physiologie, la kinésiologie est un exemple de déviance des techniques fondées sur la « maîtrise du corps ». C’est une méthode de thérapie holistique, inspirée par la médecine chinoise. On soulignera certaines incohérences théoriques, en particulier sur le rôle du cerveau et le côté racoleur de cette technique, qui selon un document diffusé par ses adeptes, est censé s’adresser à tous ceux qui veulent éliminer les problèmes, et guérir de tout, douleurs de dos, problèmes articulaires, migraines, eczéma, colite, impuissance, stérilité, problèmes ORL, anxiété, angoisse, manque de confiance, bégaiement, dyslexie, peurs, doutes ,dépressions, troubles du comportement, fatigue, trouble du sommeil, baisse de l’immunité, obésité, anorexie, diabète, tabac, drogue, alcool, problèmes relationnels,problèmes scolaires et d’apprentissage, etc. »
L’histoire du développement de la kinésiologie est un exemple des créations de bric et de broc qui se développent depuis trente ans dans le domaine de la santé. La radicalisation de certains adeptes de cette mouvance a conduit à des dérives à caractère sectaire dans laquelle la dimension hygiéniste portée au rang de dogme a constitué un facteur déterminant.
L’affaire jugée en 2005 par la Cour d’assises de Quimper, illustre ce constat. Des parents, au nom de conceptions idéologiques inhérentes à la pratique de la kinésiologie et des lois biologiques du Docteur Hamer, avaient adopté pour eux-mêmes et leurs enfants le régime végétalien dans leur quête d’une alimentation purifiée. Cette alimentation carencée en protéines animales et en vitamines et leur extrême méfiance à l’égard d’un monde médical jugé a priori dangereux causait la mort de leur bébé.
L’enquête récente d’Olivier HERTEL « Les sectes entrent à l’hôpital » N°789 de la revue « Sciences et avenir » démontre avec force les risques de dérives sectaires liées à ces pratiques qui tentent également d’infiltrer l’Université.
•Ce qui nous inquiète ce sont les méthodes qui excluent résolument la médecine conventionnelle. D’autres thérapies plus ou moins charlatanesques servent souvent de paravent à des groupes sectaires : la psycho généalogie, le décodage biologique… les thérapies dites « chrétiennes » mise en œuvre dans les « centres chrétiens » proposant un « travail de guérison « trans- générationnelle » relèvent plus d’une religiosité -doctrine : le « psycho spirituel » que de la foi chrétienne en tant que telle. J’y reviendrai plus tard.
•Un fléau : la « médecine germanique » préconisée par un médecin allemand le docteur HAMER qui depuis la Norvège continue à exercer ses activités via INTERNET. Aujourd’hui, il s’adresse aux enfants atteints d’un cancer. Ce qui le rend encore plus dangereux. Sa méthode repose sur le postulat selon lequel, toute maladie est le produit d’un choc psychologique intense et d’un conflit intérieur non résolu.
HAMER a formé de nombreux élèves à sa méthode. L’un d’eux, Claude SABBAH avec sa technique dite de « biologie totale des êtres vivants » affirme soigner le cancer.
Un site INTERNET a été créé par les tenants de la méthode HAMER qui créée la confusion avec le site de l’INCA « e- cancer ».
Toutes les pratiques assimilées à « la nouvelle médecine germanique » sont extrêmement dangereuses. L’appellation « centre de santé en décodage biologique » induit en erreur de nombreuses personnes en quête de soins. Toutes les consultations sont très chères.
•Le CCMM enregistre de nombreux témoignages de parents accusés par leur enfant adulte, de violences qu’ils lui auraient infligées dans leur petite enfance. La pratique des faux souvenirs est utilisée par des thérapeutes qui considèrent que tous les problèmes existentiels rencontrés chez leurs patients, sont liés à un traumatisme résultant de violences survenues dans leur petite enfance. Ils induisent, volontairement ou non, par le biais de techniques d’entretiens psychothérapeutiques, de faux souvenirs d’abus ou de maltraitances chez leur patient. Le résultat est appelé syndrome des faux souvenirs, c’est-à-dire l’apparition du souvenir d’un évènement qui ne s’est jamais produit ou bien le souvenir altéré d’un évènement réel. Ces « dérapeutes » selon le terme de Guy Rouquet de « Psychologie –Vigilance » exercent leurs méfaits soit au sein d’un groupe soit à titre individuel. Dans les deux cas, il s’agit de dérives sectaires utilisant le même mécanisme de manipulation mentale ; et aboutissent le plus souvent à des drames humains. Cette technique est répandue dans toutes les sectes, il n’y a donc pas de différence entre les adeptes d’une secte et des charismatiques prétendument catholiques faisant du psycho- spirituel, à partir du moment où les uns comme les autres violent la personne humaine dans sa conscience par la manipulation mentale. Je reviendrai peut-être, plus en détail sur le psycho spirituel et l’agapè- thérapie.
Le guide « Santé et dérives sectaires » produit récemment par la MIVILUDES recense avec précision les méthodes les plus répandues et les plus toxiques.
Je ne ferai pas ici la liste de tous les cas auxquels nous avons été confrontés ces dernières années.
Nous préparons au CCMM un outil de travail qui sera opérationnel début 2013, essentiellement réservé aux acteurs de la lutte contre les dérives sectaires sur l’étude des méthodes et pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique : le concept, les dérives rencontrées, les témoignages et procès éventuels…
•Je voudrais souligner ici, la dangerosité de certaines pratiques de détoxination, notamment sur les enfants, les femmes enceintes et les personnes malades ou âgées.
Je dénonce l’utilisation de troubles psychologiques chez l’enfant par des pseudos psychothérapeutes, des charlatans. Ils proposent aux parents désorientés par des troubles hyperactifs, des problèmes de dyslexie, d’autisme, des méthodes à visée thérapeutique dites « alternatives » qui non seulement font courir des risques à l’enfant mais conduisent souvent une famille entière à être mise sous emprise (on parle de channeling, d’enfant indigo, de communication facilitée…)
En 2006, les conclusions qui se dégagent des travaux de la commission d’enquête parlementaire relative à « l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs » ont permis de dresser un double constat :
d’une part, les enfants constituent une proie de plus en plus facile pour les sectes ;
d’autre part, l’engagement des pouvoirs publics contre l’influence des dérives sectaires sur les enfants s’avère très inégal.
C’était en 2006. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Le CCMM aimerait qu’une nouvelle enquête parlementaire soit diligentée dès 2013 permettant non seulement de faire un nouveau constat mais surtout de vérifier les réponses apportées par les Pouvoirs Publics aux questions soulevées en 2006.
Par exemple où en est-on avec Tabitha’s Place ?
Dans le cadre des dérives thérapeutiques, il faut aussi parler des dérives du psycho spirituel. Le CCMM a publié en septembre 2012 un livre dit « Livre noir de l’emprise psycho- spirituelle ». Ce livre écrit par le Collectif CCMM des victimes du psycho spirituel est un signal d’alarme. C’est un appel aux responsables de l’Eglise catholique et aux Pouvoirs Publics. Il présente des témoignages circonstanciés de familles catholiques ; témoignages simples et émouvants par leur sincérité et par la détresse qu’ils dépeignent.
Si l’on applique les critères communément admis pour définir une dérive sectaire, il en ressort clairement que la réponse est déplorablement positive !
•déstabilisation mentale •exigences financières •rupture familiale •atteinte à l’intégrité physique : méthode de soins charlatanesques, dérives sexuelles, conditions de vie destructrices •embrigadement des enfants La plupart des témoignages, viennent de victimes brisées et de familles détruites par les sessions de l’Agapè du Puy en Velay. Ces sessions ont été initiées par Bernard Dubois, pédiatre, alors qu’il était berger (responsable) de la Communauté des Béatitudes de Château St Luc près de Castres. Au fur et à mesure des témoignages, nous retrouvons toujours les mêmes personnes autour desquelles s’organisent les pratiques du psycho- spirituel et des sessions dites de guérison : le Docteur Bernard Dubois, Anne Merlo, Fernand Sanchez, Philippe Madre, Gérard Croissant, les Fourchaud, tous membres de la Communauté des Béatitudes – au moins au début- et à l’origine de pratiques pour le moins douteuses et déviantes.
Est-il du rôle de l’Eglise de réaliser des psychothérapies sauvages avec des psychothérapeutes auto proclamés ?
A ce stade, le silence assourdissant de l’Eglise et des Pouvoirs Publics n’est plus acceptable. On comprend que les familles ne puissent se contenter du déni ou au mieux des prières de certains évêques !
Le CCMM demandent que les évêques de France condamnent fermement et sans ambiguïté, certaines pratiques en usage dans le renouveau charismatique, et, tout particulièrement, celles qui renvoient au psycho spirituel et à la pratique de l’agapè thérapie.
Ainsi, fidèle à ses principes qui le conduisent à dénoncer ce qui est susceptible de déstabiliser les individus et de les placer dans un état de déséquilibre et de dépendance physique et psychologique, le CCMM réclame la condamnation du psycho spirituel et de tous ceux qui continuent à le promouvoir. Le CCMM réclame instamment la condamnation et la fin des sessions dites « de guérison ». Nous comptons sur les Pouvoirs Publics pour renforcer nos exigences !
Je laisse à madame TELO membre du Collectif, le soin de conclure sur ce point :
« L’Eglise catholique doit admettre publiquement le déni dont elle a fait preuve depuis de trop longues années à l’égard de ces pratiques condamnables. Ce qui importe avant tout, c’est la prise en charge des victimes, et de leur légitime besoin de justice et de réparation. Les autorités ecclésiales doivent donc rapidement non seulement reconnaître l’ampleur des dégâts occasionnés par des pratiques psycho- spirituelles tolérées en son sein, mais aussi accepter de prendre en charge la reconstruction physique, psychologique et sociale des victimes directes et de leurs proches pour qu’elles parviennent à reconstruire leur vie et à renouer les liens familiaux qui ont été brisés ».
Annie Guibert : Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur une de nos préoccupations les plus frustrantes :
Comment sortir une personne de l’emprise mentale d’une secte ou d’un individu manipulateur ?
•Tous les acteurs de la lutte contre les dérives sectaires semblent avoir des idées pour prendre en charge les « sortants ». Encore faut-il être sort ! Tout n’est pas au point, tout n’est pas fait ! Mais tous, nous y pensons et nous faisons de notre mieux.
Mais comment répondre aux familles accablées qui s’adressent à nous ? Quel statut légal donner à ces familles. Elles ne sont pas victimes aux yeux de la loi, elles ne sont pas témoins puisqu’il n’y a pas de procès en cours. Elles ne peuvent que faire une demande auprès du RIF, d’une recherche dans l’intérêt des familles. Dans le cas ou la ou les personnes sont retrouvées et si elles refusent la mise en relation, alors l’affaire s’éteint.
Nous leur donnons des conseils, les aidons à rédiger leurs démarches auprès des pouvoirs publics ; nous les soutenons moralement et psychologiquement, nous les accompagnons parfois pendant de longues années.
Nous attendons tous « le déclic » qui permettra à leur parent ou ami de se libérer.
Mais le fameux déclic ne vient pas si souvent !
•Le constat est cruel : l’arsenal législatif actuel ne protège pas suffisamment les victimes d’emprise mentale. Sur le terrain, force est de constater, encore aujourd’hui, que les victimes sont souvent laissées pour compte ! La loi ne protège pas suffisamment les victimes ; les familles se heurtent, au plan juridique, à l’absence d’intérêt à agir.
Si le dispositif juridique français est tout à la fois exceptionnel et pragmatique, il me faut en souligner les limites.
Certes, la loi About – Picard a fait entrer l’emprise mentale dans le champ législatif, et ce texte constitue un véritable progrès.
•Dans une publication récente adressée à tous les parlementaires français, « Le Manifeste pour une législation efficace de protection des victimes d’emprise mentale », le CCMM souligne, les difficultés d’application de la loi About- Picard et ses limites.
En effet, actuellement, la quasi totalité de la jurisprudence estime que la plainte n’est recevable que par l’adepte – victime, une fois qu’elle a pris conscience du fait qu’elle était abusée… Or, pour cela, encore faut-il être sorti de l’emprise mentale. La jurisprudence est à étendre !
Ce manifeste milite en faveur de l’extension de la jurisprudence, notamment pour la recevabilité des familles à déposer plainte pour abus de faiblesse :
Les propositions formulées dans ce manifeste répondent à un constat simple et récurrent : lorsqu’un proche est placé sous emprise mentale changeant du jour au lendemain son mode de vie et coupant les ponts avec tous, au risque de se mettre en danger, les familles sont impuissantes à agir.
Il a déjà été rappelé qu’une des difficultés pour les familles face à un proche placé sous emprise mentale, réside dans le fait que leur plainte n’était pas prise en compte au prétexte qu’une personne majeure était libre de faire ce qu’elle voulait…
Les propositions du CCMM pour de nouvelles avancées législatives :
Jurisprudence à étendre : la recevabilité des familles à déposer plainte pour abus de faiblesse
Pour un nouveau mode de protection civile : le recours au juge des majeurs protégés,
L’introduction de la manipulation mentale dans le code civil comme vice du consentement
L’introduction de la mise sous emprise mentale préjudiciable comme délit autonome.
J’ajoute que le CCMM est fortement opposé au « déprogramming » cette pratique controversée, utilisant l’enlèvement et la séquestration.
Aujourd’hui, le CCMM s’intéresse aux travaux du collectif SFRAEM (Société de Recherche et d’Analyse de l’Emprise Mentale) qui semble avoir adapté à la française l’expérience d’Exit Counseling initiée aux Etats unis par Steve Hassan. Je suggère que cette commission puisse auditionner Maître Daniel PICOTIN qui encadre juridiquement cette équipe.
Je vais exprimer un regret : le CCMM déplore les différents niveaux d’interventions des conseils départementaux de prévention de la délinquance ,d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes.
Si les préfets impulsent, les affaires sont prises en compte, stimulent les différents acteurs du terrain et un certain nombre de victimes peuvent être soutenues. Trop peu de préfectures respectent les directives du Ministère de l’Intérieur.
Je laisserai à Jean- Claude DUBOIS le soin de développer cette position :
« UN VRAI PROBLEME : « Les Conseils Départementaux de Prévention de la Délinquance, d’aide aux victimes et de lutte contre la drogue, les dérives sectaires et les violences faites aux femmes » instaurées par Décret du 1er avril 2008.
POURQUOI cette création est-elle un problème au regard de la prévention et de la lutte contre les dérives sectaires ?
1.1. Parce que la problématique sectaire est noyée au milieu d’autres thèmes tels que la délinquance, les violences et incivilités de toute nature, la drogue, les violences faites aux femmes, l’insécurité routière etc.… perdant ainsi son évidente spécificité de traitement 2.2. Parce que depuis la création des ces Conseils, par circulaire du Ministère de l’Intérieur, les associations spécialisées sont exclus des groupes de travail issus de ces conseils. Circulaire Michèle Alliot- Marie du 23 janvier 2009 .VRAI PROBLEME que la MIVILUDES elle-même reconnaît lorsqu’elle évoque dans son rapport 2009 au Premier Ministre la préconisation du rapporteur de la Commission des lois du Sénat selon laquelle : « il conviendrait d’accorder une place aux associations spécialisées dans une première partie de la réunion des groupes de travail restreints (GTRDO), plutôt de les cantonner à la réunion générale des Conseils départementaux de prévention de la délinquance ».
DE L’ESPOIR A LA DECEPTION DES ASSOCIATIONS :
Suite aux remarques conjointes du Sénat, de la MIVILUDES et des Associations, une nouvelle circulaire du Ministère de l’Intérieur en date du 2 avril 2011 rappelait aux Préfets la nécessité de renforcer les liens avec tous les acteurs de la société civile dont les associations d’aide aux victimes :
Je cite :
« Vous veillerez donc à maintenir une relation soutenue avec les acteurs de la société civile en constituant, si le besoin s’en fait sentir localement, une cellule de suivi émanant du conseil départemental de prévention de la délinquance où siègent ces différents acteurs. Une telle relation permettra d’éviter le sentiment de certaines associations de voir la question des dérives sectaires diluée lors de réunions plénières du conseil départemental de prévention de la délinquance ».
ESPOIRS déçus car trop peu de Préfets appliquent cette circulaire sur le fond, comme sur la forme.
Les propos de terrain suivants émanent de responsables de différentes associations et illustrent le niveau de la désillusion ressentie : •« La lutte contre les dérives sectaires n’est pas une priorité de nos dirigeants alors qu’elles font partie de l’incivilité organisée » •« Je pense que la lutte contre les dérives sectaires n’est plus perçue par les autorités comme une priorité, ce qui donne de plus en plus d’aplomb à nos adversaires » •« Il faut que ça change, les circulaires ne sont pas appliquées » •« Alors qu’il y a quelques années j’étais sollicité… Aujourd’hui c’est un silence impressionnant, comme si les dérives sectaires et leurs victimes n’existaient plus ! »
Annie Guibert : Monsieur le Président, monsieur le Rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous ai présenté le CCMM et ses missions, j’ai donné notre conception de l’emprise mentale, évoqué les principales dérives des thérapies non conventionnelles à visée thérapeutique, stigmatisé quelques situations tragiques. J’ai insisté sur l’agapè thérapie et ses désastres humains.
Le CCMM vous a fait des propositions pour une législation efficace de protection des victimes d’emprise mentale.
Jean- Claude Dubois a insisté sur la nécessaire mise en œuvre d’une politique départementale de prévention des dérives sectaires associant tous les acteurs concernés, au sein de cellules de vigilance.
Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos interrogations.
Je terminerai par des souhaits :
•Renforcement et développement de la MIVILUDES ; •que les ARS (agences régionales de santé) qui sont dans une phase d’installation soient plus performantes et mieux préparées à la problématique sectaire ; •Que le groupe d’appui technique du Ministère de la Santé sur les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique, créé en 2009 et chargé de l’évaluation des pratiques afin de connaître les preuves de l’action thérapeutiques ou la présence de leurs effets indésirables puisse accélérer l’information au public de ses conclusions ; •Que l’encadrement du titre de psychothérapeute soit effectif ; •Une dernière difficulté doit être mise en exergue : la réduction sensible des subventions allouées par l’Etat aux associations. En conclusion, je voudrais rendre hommage au travail considérable des permanences du CCMM, à l’innovation dont certaines font preuve et au courage des familles qui viennent témoigner.
Je vous remercie.
Annie GUIBERT
Présidente