Le nom de cette communauté catholique traditionaliste, fondée en 1970 par Mgr Marcel Lefebvre, est souvent associé aux parents Lambert.
L’affaire Vincent Lambert a connu un incroyable rebondissement, lundi soir, avec la décision de la cour d’appel de Paris. Contre toute attente, la juridiction a ordonné la reprise des traitements sur ce patient tétraplégique en état végétatif depuis onze ans. À l’origine de ce recours, les parents de Vincent Lambert, Viviane et Pierre, de fervents catholiques aux liens multiples avec les milieux traditionalistes.
Parmi ces connexions, un nom intrigue plus que les autres, celui de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX). Si cette communauté religieuse n’est pas publiquement intervenue dans le débat, son nom revient souvent quand il s’agit d’évoquer les réseaux « tradi » du couple Lambert. Enfant, c’est dans un établissement catholique fondé par la Fraternité à Saint-Joseph des Carmes, près de Carcassonne, que Vincent Lambert a effectué une partie de sa scolarité.
Quel rôle joue cette Fraternité dans l’affaire Lambert ? Difficile à dire. L’un des avocats des parents de l’ancien infirmier, Jean Paillot, assure qu’« aujourd’hui, Pierre et Viviane Lambert sont traditionalistes, mais pas de la mouvance lefebvriste (NDLR, du nom du fondateur de la Fraternité en France) », comme il l‘a expliqué à l’hebdomadaire La Vie. Manière de dire qu’il n’en a pas toujours été ainsi ?
Pour comprendre ce qu’est cette communauté religieuse traditionaliste, Le Parisien a interrogé des spécialistes.
Qu’est-ce que la Fraternité Saint-Pie-X ?
La Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX) est un mouvement catholique traditionaliste, fondé en 1970 à Fribourg (Suisse) par l’évêque Mgr Marcel Lefebvre. Elle est née en opposition au Concile de Vatican II (1962-65), que l’on appelle l’aggiornamento (la « mise à jour »). Une réforme jugée condamnable par Mgr Lefebvre, qui rejette les concepts de liberté religieuse et de liberté de conscience.
La Fraternité est en état de schisme avec l’Église depuis 1988, lorsque Mgr Lefebvre décide d’ordonner quatre évêques, sans l’accord du pape. Son objectif : perpétuer l’Église d’avant Vatican II, « dans une représentation très absolutiste, occidentalo-centrée, anti-libérale et anti-moderne », explique au Parisien Jean-François Colosimo, historien des religions. Une provocation qui vaut aux cinq hommes l’excommunication immédiate.
En 2009, Benoît XVI lève l’excommunication qui pèse sur les quatre évêques. Une commission est créée. Mais aucun accord n’a jamais été trouvé. À ce jour, l’ordination des 637 prêtres de la Fraternité reste considérée comme illicite par le Vatican. « Cette idée de réconciliation est un serpent de mer, qui semble de plus en plus improbable sous le pontificat de François », observe Jean-François Colosimo.
Où sont-ils implantés ?
Très présents en France, les membres de la Fraternité sont implantés dans 37 pays, sur les cinq continents. Ils ont beaucoup essaimé dans certains pays d’Amérique latine et d’Afrique, ainsi qu’en Suisse. Le mouvement revendique aujourd’hui entre 150 et 200 000 fidèles, dont 35 000 en France.
Un chiffre très modeste, quand on sait qu’il y a 1,3 milliard de catholiques dans le monde. « L’Église catholique a longtemps craint que le mouvement devienne un schisme très important. Mais il est resté très contenu », note Jean-François Colosimo.
Quels sont ses rapports avec l’extrême droite ?
Plutôt marginal, ce mouvement n’en est pas moins « très activiste », selon Jean-François Colosimo. « Ses membres représentent un type d’Église intransigeante, anti-moderne, ultra-conservatrice en termes de mœurs et de politique », ajoute-t-il. « Si les membres de la Fraternité ne sont pas tous d’extrême droite, il est évident que beaucoup de gens d’extrême droite s’en revendiquent et qu’un certain nombre de leaders catholiques d’extrême droite sont aussi lefebvristes », observe Jean-François Colosimo.
La congrégation religieuse a pendant un temps bénéficié d’un puissant relais médiatique avec l’institut Civitas (fondé en 1999). Cette association satellite de la Fraternité Saint-Pie-X est devenue parti politique en 2016, ce qui a provoqué une mise à distance de la part de la congrégation religieuse.
La FSSPX est-elle une secte ?
La Fraternité est un sujet d’interrogation pour la Miviludes, « sans qu’il n’y ait, à ce jour, de signalement de dérives sectaires avérées à son encontre », nous précise l’administration. Cependant, la Miviludes reste « très vigilante sur ce mouvement ».
« Une dizaine de témoignages reçus ces dernières années » font en effet mention , chez des fidèles, de « changement de comportement », de « changements relationnels » et de « changements d’habitudes de vie », mais aussi de « participations récurrentes à des retraites spirituelles, des camps ou rencontres », de « suivi strict de règles » avec une « attitude intransigeante », voire de « perte de son esprit critique », ainsi que de « ruptures familiales » et de « changements professionnels radicaux », précise la Miviludes.
Enfin, plusieurs témoignages font état de « pressions très fortes exercées sur les adeptes ou les enfants d’adeptes » qui, devenus « adultes, souhaitent prendre leur distance avec le mouvement ».
Combien la FSSPX a-t-elle d’écoles en France ?
La Fraternité compte aujourd’hui une trentaine d’écoles privées « hors contrat » sur tout le territoire, selon la Miviludes. Quelque 4000 enfants y seraient scolarisés, dans la majorité des cas en pensionnat. La FSSPX a sa propre maison d’édition, nommée Clovis, qui édite ses manuels scolaires.
À ce sujet, la Miviludes dispose de témoignages sur le « vécu traumatique de méthodes éducatives extrêmement rigoureuses » et sur la « très forte identité religieuse », qui « incite les enfants qui grandissent au sein de la FSSPX à ne pas nouer de relations à l’extérieur de la communauté ». Autre source d’inquiétude, pour la Miviludes : « les réticences à la vaccination ».
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Caroline Piquet| 22 mai 2019, 11h33 | MAJ : 22 mai 2019, 14h18 |5