La Roumanie le réclame à cor et à cri, il invoque des «persécutions».

L’affaire est «compliquée», admet le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Dans le box, il y a un réfugié et un fugitif. Mercredi, Gregorian Bivolaru, l’air hagard, barbe blanche et grosses lunettes, a une nouvelle fois refusé d’être remis à la Roumanie où il a été condamné pour relations sexuelles avec une mineure.

Pour cette nouvelle audience, une poignée de partisans et pas moins de six avocats sont derrière le maître yogi de 64 ans, théoricien du complot et fondateur du Misa (Mouvement d’intégration spirituelle dans l’absolu), une organisation qui encourage la pratique du yoga, une secte selon ses détracteurs. Depuis des années, Bivolaru, considéré comme un ennemi public au yeux des autorités de Bucarest, est au coeur d’un feuilleton judiciaire qui fait les choux gras de la presse roumaine.

«Il n’a rien fait de mal, il s’est battu dans la vie (…) ce qui pose problème aux autorités roumaines, c’est qu’il y a des milliers d’adeptes qui pratiquent sa spiritualité», a défendu à l’audience l’un de ses avocats, Me Dominique Tricaud.

Ses avocats estiment qu’il ne peut être remis à la Roumanie en vertu de la protection que lui offre son statut de réfugié politique obtenu en Suède en 2006. La justice française tranchera le 11 mai.

– «Most wanted» –

En attendant, il reste en détention provisoire, en raison d’«incertitudes» sur ses garanties de représentation, selon la cour. Il avait été arrêté le 26 février alors qu’il venait visiter le salon du livre et des papiers anciens, en possession de faux papiers d’identité. «Il regrette mais il savait que sa vie était en danger», justifie Me Elodie Journeau, l’une de ses autres avocates. «Il est devenu parano, il se méfie de tout», justifie son autre avocat Me Dominique Tricaud.

Aujourd’hui, le gourou revendique des dizaines de milliers d’élèves et sympathisants dans le monde. Une histoire commencée dans les années 70 au coeur du régime de Ceausescu, racontée par le président de la cour. A 20 ans, Bivolaru fonde en 1972 la première école de yoga en Roumanie. C’est le début de «poursuites, condamnations et même d’internements en hôpital psychiatrique» jusqu’en 1989. A la fin du régime communiste, son mouvement Misa va cependant se libérer et prendre de l’ampleur, auréolant son fondateur d’«une notoriété internationale».

Les affaires se corsent au tournant des années 2000. Nouvelles poursuites, écoutes téléphoniques, des domiciles de membres sont perquisitionnés. Il est inculpé en 2004 en Roumanie pour agression sexuelle sur mineure et trafic de mineurs. Il tente une première fois de fuir vers la Hongrie, un échec. Sa seconde tentative l’emmène en Suède en 2005. Le pays refuse toutefois de l’extrader vers la Roumanie, considérant qu’il y était privé du droit à un procès équitable. La Suède lui offre alors l’asile et un nouveau nom: Magnus Aurolsson.

Relaxé deux fois, il est finalement condamné en 2013 par une cour suprême à six ans de prison pour relations sexuelles avec mineure, ce qu’il conteste. Visé par un mandat d’arrêt européen émis par la Roumanie, il était inscrit dans le fichier Europol des «most wanted» (les plus recherchés).

Lors de son arrestation à Paris, il avait 11.000 euros en poche. «Il adore les livres», a relevé son avocate.

Lui-même en a écrit 125. Le dernier, «Réflexions sur la justice, une vue de l’intérieur», a été rédigé ces dernières semaines durant sa détention provisoire.

source :

http://www.liberation.fr/societe/2016/03/23/adule-et-deteste-le-gourou-roumain-du-yoga-gregorian-bivolaru-face-a-la-justice-francaise_1441593