Dans une lettre diffusée vendredi 6 octobre par les Légionnaires du Christ, le Père Oscar Turrión, ancien recteur du séminaire international de cette congrégation à Rome, reconnaît être le père de deux enfants et demande pardon pour le « mauvais exemple » qu’il offre.
Un nouveau scandale pour la congrégation des Légionnaires du Christ. Le père Óscar Turrión, recteur jusqu’à cet été du Collège Pontifical International Maria Mater Ecclesiae, où résident une centaine de séminaristes venus du monde entier pour étudier à Rome, a reconnu avoir demandé à quitter le sacerdoce afin de pouvoir vivre avec la mère de ses deux enfants.
Alors que la rumeur commençait à s’ébruiter, les Légionnaires du Christ ont décidé de prendre les devants en publiant, vendredi 6 octobre, une chronologie des faits ainsi qu’une lettre personnelle du prêtre concerné.
Le 27 mars dernier, indique le communiqué, le père Turrión, âgé de 49 ans, a informé ses supérieurs qu’il venait d’avoir une fille, demandant que soit maintenue la plus grande discrétion à ce sujet. En apprenant les faits, la hiérarchie de ce prêtre a demandé au Saint-Siège la nomination d’un nouveau recteur du séminaire. Ce dernier a commencé sa mission au mois d’août.
De son côté, le père Turrión a demandé l’autorisation de « vivre un temps hors de la communauté afin de réfléchir et de prier », ce qui lui a été accordé à la condition de ne pas exercer son ministère en public.
Intention d’abandonner la prêtrise
Le 5 octobre, le prêtre a reconnu avoir un autre enfant, né de la même femme il y a quelques années et manifesté son intention d’abandonner la prêtrise. Le communiqué des Légionnaires du Christ rappelle des propos tenus au mois d’août par le cardinal Sean O’Malley, archevêque de Boston : « si un prêtre a un enfant, il a l’obligation morale de laisser de côté le ministère et de pourvoir aux besoins de la mère et de l’enfant ».
Le père Turrión était formateur au sein du séminaire depuis 2007 et avait été nommé en 2014 recteur pour trois ans. « En tant que responsables d’une institution en charge de la formation des candidats au sacerdoce, nous sommes conscients de l’impact que l’exemple négatif d’un formateur et recteur peut avoir parmi eux et parmi les fidèles de l’Église », soulignent les Légionnaires du Christ dans leur note. « Nous sommes profondément attristés que l’histoire récente de notre congrégation ait été la cause d’un refroidissement spirituel pour certains. (…) Nous renouvelons notre engagement sur le chemin de renouveau que nous poursuivons, main dans la main avec l’Église », poursuivent-ils.
Dans une lettre au ton très personnel, le père Turrión raconte avoir rencontré une femme lorsqu’il vivait dans son pays, sans toutefois avoir eu de relation avec elle à ce moment-là. Après son ordination en Espagne, le prêtre est parti pendant plusieurs années dans le nord du Mexique afin de prendre en charge le groupe des femmes du Regnum Christi, la branche laïque des Légionnaires du Christ. Il a ensuite passé un an en Terre Sainte avant d’arriver à Rome.
« À cause de certains faits survenus au sein de la congrégation et à de nombreuses autres choses de l’Église, j’ai petit à petit perdu mon enthousiasme et ma motivation, et dans un discernement conscient et tranquille j’ai cherché ce qui me conviendrait le mieux », écrit-il. C’est là que le père Turrión a repris contact avec la femme dont il est progressivement « tombé amoureux ». « De cette relation est né d’abord un fils puis, il y a quelques mois, une fille », indique-t-il.
L’ancien recteur se défend d’avoir utilisé l’argent obtenu dans l’exercice de ses responsabilités pour pourvoir aux besoins de ses enfants et affirme s’être servi des dons versés par ses amis « pour son usage personnel » afin d’aider la mère. Le père Turrión reconnaît avoir tardé à faire la vérité sur cette histoire par « faiblesse », se disant désormais « en paix et harmonie avec Dieu ».
« Contre-témoignage »
« J’ai pris la décision de quitter le sacerdoce lorsque j’étais déjà recteur (…) et par affection envers mes camarades, les séminaristes et leurs évêques, ou aussi par faiblesse et honte, je n’ai pas demandé à être relevé de mes responsabilités. J’ai attendu que s’écoule le délai de trois ans. Je demande pardon à chacun pour le manque de confiance que cela pourra susciter, affirme le père Turrión. Je demande pardon pour le mauvais exemple et le contre-témoignage que je donne ».
Ce n’est pas la première fois qu’un membre de premier plan de la Légion du Christ quitte ainsi le sacerdoce. En 2012, le père Thomas Williams, prêtre très connu notamment aux États-Unis en raison de ses nombreuses apparitions médiatiques, avait avoué avoir eu un enfant et demandé un temps de réflexion. Un an plus tard, ce théologien moraliste épousait la mère de cet enfant, la fille d’une ancienne ambassadrice américaine près le Saint-Siège. Ses supérieurs étaient au courant depuis 2005 mais avaient autorisé le prêtre à poursuivre ses activités.
La puissante congrégation, fondée en 1941 au Mexique, vit depuis plusieurs années un processus de réforme, à la suite de la découverte des agissements immoraux et criminels de son fondateur, Marcial Maciel Degollado, mort en 2008, père de plusieurs enfants de différentes femmes, toxicomane et accusé d’avoir abusé de nombreux jeunes garçons.
Marie Malzac