Le 9 février prochain, une initiative publique du mouvement anti-vaccination, accueillie par le groupe écologiste, est organisée au Parlement Européen et plus particulièrement par la députée française Michèle Rivasi [1].
Ce n’est pas certes la première fois que cette élue ou d’autres utilisent ce lieu et cette tribune pour faire avancer des idées rejetées par la communauté scientifique concernée, on peut penser notamment aux initiatives de promotion des travaux de Gilles-Eric Séralini sur les OGM ou sur le glyphosate. Mais, c’est un nouveau cap qui vient d’être franchi sur une question majeure de santé publique : en effet, l’invité d’honneur sera Andrew Wakefield, un ex-chirurgien radié pour avoir été convaincu de fraude scientifique. Il viendra présenter son film « Vaxxed : from cover-up to catastrophe » (vaccination : de la dissimulation à la catastrophe).
En 1998, Andrew Wakefield publiait, sur commande et sans déclarer le conflit d’intérêt ainsi créé, une étude visant à montrer la responsabilité du vaccin ROR (Rougeole, Oreillons, Rubéole) dans l’apparition de cas d’autisme. Son commanditaire, avocat au Royaume-Uni, souhaitait organiser une action en justice collective contre les fabricants de vaccins ROR et avait besoin d’arguments scientifiques. Le Docteur Wakefield a ainsi construit une étude destinée à servir dans une procédure de litige lancée par 1600 familles. Cette étude a été depuis rétractée par la revue qui l’avait publiée [2]. Pire, une fraude a été mise en évidence, avec modifications de données. Pour cette étude frauduleuse, Andrew Wakefield touchera plus de 400 000 livres de son commanditaire.
Depuis, le lien entre autisme et vaccination a été complètement invalidé. Mais comme souvent, la fausse alerte a plus marqué les esprits que ses démentis, aussi irréfutables qu’ils puissent être. Aujourd’hui encore, un parent américain sur 4 serait encore persuadé de cette fausse relation de cause à effet [3] et en France, la rumeur est plus que tenace. Ainsi la couverture vaccinale recule, avec le risque que cela implique en termes de propagation de maladies que l’on a pourtant les moyens de contrôler. Santé Publique France a relevé, en 2011, au pic de la recrudescence, 15 000 cas de rougeole déclarés, avec parfois des complications graves, voire des décès [4].
L’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS) rappelle que la politique de vaccination est un outil majeur en santé publique et s’étonne que des adeptes du « principe de précaution » puissent militer contre la vaccination en s’appuyant sur de la fausse science et faire délibérément courir autant de risques inutiles à la population, notamment aux plus fragiles [5].
L’AFIS dénonce les dangers d’une initiative qui alimente des rumeurs complotistes, célèbre un ex-scientifique convaincu de fraude et, par ses effets possibles, met en danger des populations en les incitant à ne pas se prémunir contre des risques pourtant maîtrisables.
Références
[1] Sur Internet, on trouve des affiches mentionnant l’événement au Parlement Européen, d’autres dans une autre salle à Bruxelles, certaines avec le logo du groupe écologiste au parlement, d’autres sans. (exemple) . Le journal The Times dénonce aussi l’organisation de cet événement.
[2] Le rôle des lobbies anti-vaccin et les conséquences d’une fraude médicale, Hervé Maisonneuve, Science et pseudo-sciences n° 302, octobre 2012.
L’affaire du docteur Andrew Wakefield : les faits, Darryl Cunningham, Science et pseudo-sciences n° 317, juillet 2016.
[3] http://www.lemonde.fr/les-decodeurs…
[4] http://invs.santepubliquefrance.fr/…
[5] Vaccination : peurs, rumeurs et obscurantisme, Science et pseudo-sciences n° 289, janvier 2010.
Questions sur la vaccination, Pierre Bégué, Science et pseudo-sciences n° 289, janvier 2010.
Vaccination : les « alertes » et leurs conséquences, Science et pseudo-sciences n°291, juillet 2