Une fois les attentats perpétrés à Paris, dans les heures qui ont suivi, les revendications djihadistes morbides et vengeresses sont arrivées en masse sur les comptes Facebook de chacun. Y compris dans le bassin minier ? Qui envoyait les messages ? Via quelles sources ? Quelques éléments de réponse.

La nuit de vendredi, pour ce petit groupe de Lensois comme pour beaucoup d’autres, se déroule devant la télévision qui commente les événements parisiens. À un moment, plusieurs « notifications » Facebook s’affichent sur les portables. En une fraction de secondes, les messages vidéo s’affichent distinctement. Aucun doute, il s’agit d’une volonté de glorification pure et simple des terroristes agrémentée de menaces à venir, en français dans le texte et sous-titrées en arabe.

{{Première question : qui envoie les messages et les vidéos qui vont avec ?}} Surprise, la source provient de deux comptes Facebook : le premier est celui d’un fan affiché de Justin Bieber, l’autre, un site identitaire… canadien.

En essayant de remonter cette piste, plusieurs autres évidences s’imposent à nous. Les vidéos embarquées ont été vues à plusieurs millions de reprises. Les commentaires et autre partages sont nombreux, un déchaînement qui part dans toutes les directions.

{{Dégoût… ou curiosité}}

Dans la petite assistance, composée d’habitants de Lens et des environs, c’est le dégoût qui prévaut mais certains sont curieux. Ils prêtent une oreille attentive. Le résumé en somme des enquêtes d’opinion qui se multiplient ces jours-ci.

Notre petite quête de renseignements suit son chemin. Il apparaît que les vidéos envoyées sur les comptes Facebook proviennent d’une source… italienne. En l’occurrence, ce qui s’apparente à une chaîne officielle de télévision et dans le menu de laquelle on peut piocher allégrement toutes les vidéos djihadistes. Une chaîne qui n’apparaît pas dans la liste officielle des TV transalpines visible sur Wikipédia. Lorsqu’on surfe un peu dessus, on découvre que ses comptes disponibles datent de 2011. Bizarre. Toujours est-il que les destinataires des messages se retrouvent aux premières loges sans que leur vrai informateur ne soit inquiété. Sont-ce seulement les deux sources citées plus haut ? N’ont-elles pas été piratées elles-mêmes ? « Rien de plus simple, explique un spécialiste des réseaux sociaux, il suffit de changer des paramètres, en quelques minutes c’est faisable. » En attendant, les vidéos sont partagées tant et plus chaque jour. Ne pas pouvoir remonter à la vraie source pose question.

{{Le danger du partage}}

On le sait pour avoir des ados à la maison, la mode du partage est presque une religion sur Facebook. Pas une journée sans faire savoir à son interlocuteur qu’il a vu un truc super, etc. etc., et qu’il le partage pour faire plaisir. C’est par ce moyen que sont diffusées les petites histoires familiales mais aussi – malheureusement – les propagandes les plus sordides. Cela explique pourquoi parfois les collégiens se montrent très critiques envers la société civile lorsqu’il s’agit de rendre hommage à des victimes d’attentats. Ils peuvent avoir en tête des propagandes arrivées directement sur leur téléphone portable, sans garde-fou.

Or, on connaît bien l’attachement des ados à leur téléphone. Difficile de le leur prendre des mains pour vérifier le contenu et c’est à peu près pareil pour leur ordinateur. Après ce qui vient de se passer, on pourrait peut-être passer aux négociations familiales pour éviter en amont toute catastrophe et en cas de doute, pourquoi pas imaginer le droit à l’ingérence téléphonique ?

{{Le Darknet veut brouiller les pistes}}

Comment recevoir un message Facebook sans pouvoir remonter jusqu’à son auteur ? On trouve un début de réponse avec quelques spécialistes locaux du web qui décortiquent les processus : « Si vous envoyez des messages et autres vidéos de votre ordinateur, l’adresse IP serait immédiatement récupérable. L’astuce pour les auteurs consiste à multiplier les étapes intermédiaires. Cela allonge les durées de recherche donc les possibilités de remonter jusqu’à la source. »

En l’occurrence, pour les films de propagande diffusés ce week-end, la source semble être Servico Pubblico (la fameuse TV italienne) et de là, la vidéo transite par Gloria-TV, un site de référence de vidéos, avant de le récupérer sur un navigateur de recherches, Tor, devenu le relais de tout ce qui n’est pas officiel. « Avec Tor, les pistes vers l’IP de réference se brouillent. C’est difficile d’enquêter par ce biais. » Ceux qui voudraient vérifier si l’application est activée sur votre ordinateur n’auront pas de difficulté à trouver des indices. La navigation y est très, très lente avant d’accéder aux publications. Un signe facile à repérer.

source :PUBLIÉ LE 17/11/2015

PAR YVES PORTELLI

http://www.lavoixdunord.fr/region/comment-la-propagande-djihadiste-arrive-sur-nos-comptes-facebook-ia35b0n3166615