Le prêtre mexicain Marcial Maciel Degollado a longtemps été en odeur de sainteté au Vatican. Fondateur et supérieur général de la congrégation des Légionnaires du Christ, présente au Mexique, en Espagne, en Italie, en Irlande et aux États-Unis, le père Maciel était le protégé du pape Jean-Paul II, qui le considérait comme un prêtre modèle. DansL’affaire Maciel, Franca Giansoldati présente pourtant Maciel comme « l’homme le plus malfaisant que l’Église ait connu depuis des siècles ». Son histoire, abracadabrante et diabolique, était déjà en partie connue. La journaliste italienne l’expose en détail.
Tenu pour un parangon de vertu par les autorités de l’Église, adoubé par Jean-Paul II à de nombreuses reprises, le père Maciel a multiplié les agressions sexuelles sur de jeunes séminaristes, a abusé des stupéfiants pour stimuler ses perversions, a vécu dans un luxe ostentatoire tout en prêchant les vertus de la pauvreté, a pratiqué le plagiat et a emprunté de fausses identités pour se marier avec deux très jeunes femmes — l’une mexicaine, l’autre espagnole —, avec qui il a eu des enfants. En 2008, un de ses fils l’accusait lui aussi d’agression sexuelle.
Toute la vie du prêtre sent le soufre. Fils de deux ardents catholiques engagés dans la rébellion des années 1920 contre un État mexicain violemment anticlérical, Marcial Maciel a été expulsé de deux séminaires, pour des affaires sexuelles, avant d’être ordonné prêtre en 1944. Cette même année, un père l’accuse déjà d’agression sexuelle sur son jeune fils.
Habile manipulateur, le prêtre noie le poisson et reste libre de se consacrer à la construction de son empire (universités, séminaires, écoles, agence de presse, etc.). Il reçoit l’appui des élites cléricales et économiques d’Amérique du Sud et du Vatican, qui trouvent en lui l’« anticommuniste féroce » dont elles ont besoin. Maciel, en effet, voit des complots juifs, maçonniques et communistes partout et s’oppose radicalement à la théologie de la libération. Jean-Paul II a son homme. Les Légionnaires du Christ sont nombreux (en 2010, ils comptent encore 867 prêtres et plus de 2000 séminaristes) et très conservateurs. La congrégation, qui brasse des milliards, a beau avoir toutes les apparences d’une secte, le Vatican ne peut lever le nez sur son succès.
{{Le rôle de Ratzinger}}
En 1997, huit anciens séminaristes envoient une lettre à Jean-Paul II, dans laquelle ils accusent formellement Maciel d’agressions sexuelles. Des proches du pape s’emploient à étouffer l’affaire, mais, scandalisé, le cardinal Ratzinger, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, entend faire la lumière sur ces allégations. Il faudra d’ailleurs attendre l’élection, en 2005, de Ratzinger au poste de pape pour que Maciel soit vraiment mis en cause. Le mal aimé Benoît XVI apparaît comme le héros de cette sordide histoire, selon la journaliste italienne. Contre une raison d’État qui cherche à protéger la réputation du Vatican, le pape allemand choisit la vérité et la justice.
En 2006, malheureusement, dans « un chef-d’oeuvre d’hypocrisie diplomatique », le Vatican, obligé d’agir après l’enquête sur Maciel, se contentera d’inviter le prêtre méphistophélique à faire pénitence et à renoncer à tout ministère public, sans plus. « Il continua cependant à se comporter comme si de rien n’était », note Giansoldati avec dépit. Benoît XVI, toutefois, ne lâchera pas le morceau et forcera le Saint-Siège à dénoncer officiellement les agissements de Maciel en 2010. Plusieurs lui en tiendront rigueur, et il est possible que cet épisode ait joué dans son renoncement de 2013.
Le légionnaire du diable que Jean-Paul II prenait presque pour un saint est mort en Floride, en 2008, à l’âge de 87 ans. Ses victimes, elles, toutes catholiques, vivent la mort dans l’âme. Ça fait mal à la foi.
source :
Le Devoir.com
Légionnaire du Christ ou du diable?
9 novembre 2015 |Louis Cornellier |
http://www.ledevoir.com
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