L’accord entre l’Etat et les communautés religieuses, proclamé comme un pas historique, peut être considéré comme un obstacle à la création d’un vrai Etat laïque.
Dans un Etat laïque il n’y a aucune liaison entre l’Etat et les cultes, ni du côté idéologique, ni du côté financier.
Sans nier le fait qu’il y a quelques avancées, il faut néanmoins constater qu’il y a un certain flou juridique, qui dans le futur peut donner lieu à des interprétations les plus inattendues.
Ce qui inquiète le plus les laïques c’est l’introduction d’un article « religions » prévu dans la nouvelle constitution.
L’Etat démocratique reconnaît donc des institutions non démocratiques, une aberration !
Vouloir revendiquer des cultes le respect des droits humains, alors qu’ils n’ont pas ratifié ces droits et ne les appliquent pas non plus, relève plutôt d’une illusion. D’ailleurs, les cultes l’ont démontré d’une façon éclatante qu’ils ne sont pas disposés à respecter les articles qu’ils viennent de signer. Presqu’en même temps que la convention a été signée, l’Imam de Mamer a appelé tous les cultes à dresser une charte de sujets sacrés que tout le monde doit respecter. Adieu, la liberté d’expression ! Le représentant catholique s’est exprimé favorable à cette idée, bien que le lendemain il a tenté de faire volte-face, sans pouvoir convaincre. La meilleure preuve, que les cultes de moquent royalement des droits de l’homme ! Le ministre E. Schneider a bien vouloir condamner ces propos, mais il aurait dû revendiquer une demande d’excuse en bonne et due forme de la part de l’Imam et la promesse de respecter les lois démocratiques à la lettre.
Ce n’est pas le seul exemple où les cultes s’immiscent dans les affaires de l’Etat ; rappelant la pression exercée par le Vatican lors du vote de la loi sur l’euthanasie, la campagne contre l’IVG, et l’intimidation du Premier ministre par la shoura et la finance islamique afin d’obtenir une convention pour les musulmans. Ils ont eu gain de cause et au lieu de parler du danger de d’islamisation il faudrait plutôt parler de cléricalisation ?
Pourtant en 2007 déjà l’assemblée du Conseil de l’Europe a « réaffirmé le principe de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en tant qu’une des valeurs communes en Europe » et formulé la revendication, que « la liberté religieuse n’est pas illimitée : des principes religieux qui, mis en pratique, impliqueraient une violation des droits de l’homme sont inacceptables ».
L’article 16 du document 11298 du Conseil de l’Europe est clair : « Les Etats ne peuvent pas non plus accepter la diffusion de principes religieux qui, mis en pratique, impliqueraient une violation des droits de l’homme. Si des doutes existent dans ce domaine, les Etats doivent exiger des responsables religieux une prise de position sans ambiguïté sur la primauté des droits de l’homme, tels que consignés dans la Convention européenne des Droits de l’Homme, sur tout principe religieux ».
Malheureusement, par lâcheté ou opportunisme, nos hommes politiques continuent à accorder des privilèges et dérogations aux communautés religieuses.
Cette reconnaissance des cultes dans la nouvelle Constitution, une concession au parti CSV, sans lequel il est impossible de changer la Constitution, constitue une discrimination flagrante des non croyants. Comment réaliser une stricte séparation, si les cultes peuvent se référer à la Constitution afin de revendiquer un financement et de s’immiscer dans les affaires de l’Etat ?
Dans leurs programmes de base le PSOL revendiquait un Etat laïque, les Verts une stricte séparation et le parti démocratique considéraient la croyance du domaine privé. Or, dans le programme gouvernemental on parle de redéfinir les relations Etat/Eglises, formulation qui laisse de la place à une interprétation la plus large, mais qui n’implique pas forcément un financement à l’infini. Or, la reconnaissance des cultes dans la Constitution reporte l’Etat laïque aux calendes grecques. A côté du volet idéologique, il y a le volet financier, qui ne doit pas moins intéresser les contribuables.
Au lieu de supprimer tout financement des cultes, on ajoute une nouvelle convention, avec l’argument fallacieux que le montant des subventions va diminuer. Aucun mot sur l’éventualité que d’autres communautés posent leur candidature, comme les bouddhistes, les Témoins de Jéhovah, la Scientologie et pourquoi pas la secte Mahikari d’Ansembourg ?
Le constitutionnaliste Luc Heuschling a remarqué que le terme « reconnaissance » de l’article 117 implique un financement, qui peut être diminué ou bien augmenté, mais jamais réduit à zéro. Donc la création d’un Etat laïque sans aucune reconnaissance ni financement est impossible et les laïques se voient de nouveau traités d’imbéciles. Une fois le parti CSV au pouvoir, les donnes ne vont pas tarder à changer et la ruse des juristes cléricaux aura de nouveau raison sur la naïveté et la suffisance du gouvernement en place.
L’article 7 de la convention avec les cultes justifie l’enveloppe donnée aux cultes en fonction de leur importance. Or, selon quels critères peut-on la déterminer, si le relevé de données personnelles quant à l’adhérence religieuse est interdit. Les cultes auront intérêt à gonfler le nombre de leurs adhérents, impossible à vérifier !
Ceux qui revendiquaient une séparation plus stricte sont traités de fanatiques anti- religieux, et les décideurs politiques de sages qui ont trouvé une solution équitable, propos véhiculés par les responsables politiques ! Or, est-ce que ces personnes oublient qu’il reste une discrimination flagrante envers tous les non croyants, que les cultes ne respectent pas les DH, qu’ils sont toujours mêlés à des conflits sanglants et que malgré leurs affirmations contraires, ils continuent à s’opposer à toute avancée dans le domaine des droits des femmes dans les régions où leur position de force et leur alliance avec les régimes autoritaires le leur permet. Les cléricaux de tous les bords ne désarment jamais.
Un grand nombre de citoyens sont déçus du fait que la question de la séparation soit retirée du référendum. Au lieu de demander aux citoyens, s’ils s’ont d’accord à financer les ministres du culte, on aurait dû demander leur opinion sur la rémunération des cultes tout court. Dans le cas d’un vote positif, la pression sur les cultes et le PCS aurait été telle, que la création d’un Etat laïque aurait été plus probable. Visiblement les hommes politiques ont manqué de courage, de droiture et d’honnêteté face à leur éternelle promesse d’un Etat laïque.
C. Paulus
http://www.zlv.lu/spip/spip.php?article13842
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