L’étude du radicalisme en prison nécessite qu’on situe le contexte général de recrutement avant d’aborder les spécificités de l’univers carcéral et tenter d’y faire face. Que l’on soit directeur de prison, surveillant, imam, aumônier ou simple citoyen, les analyses et les solutions proposées ne se ressemblent pas car elles sont complexes et liées en définitive à des parcours et perceptions individuels.
{{Le difficile décryptage du processus de recrutement}}
Les personnes qui se tournent vers les mouvements extrémistes y trouvent à la fois une réponse à des questions existentielles, une réponse politique active à l’injustice et un lieu accueillant et un sentiment d’appartenance (voir les recherches en référence). Dans les motivations des réseaux islamistes de recrutement, il semble acquis que la religion musulmane n’est qu’un moyen ou paravent et que la haine de l’Occident, de sa culture et de ses dérives (alcool, moeurs, etc.) accompagne un désir de revanche et une volonté de répandre la peur. Il s’agit donc bien de personnes participant à des actions terroristes et non de dérives sectaires, même si les méthodes de recrutement sont similaires.
Face au radicalisme dit musulman, les européens se sentent dépassés par l’intelligence stratégique développée et les méthodes qui peuvent désarçonner, comme l’utilisation des femmes plus discrètes dans la communication et le mode de trafic ou d’acquisition d’armes, les messages simplistes mais très bien structurés et médiatisés qui trouvent écho auprès de certains jeunes qui pensent donner sens à leur vie en s’engageant dans le Djihad.
{{En prison, un processus plus discret}}
La personne arrivant en prison est souvent en état de faiblesse et isolée : un détenu radical peut rapidement repérer celui qui constitue une «proie» facile et se présenter auprès de lui et d’un certain nombre de codétenus, comme un «imam autoproclamé». A l’instar de l’aura dont bénéficiaient autrefois certains ex-participants à des camps de préparation en Afghanistan, la présence de détenus ayant combattu en Syrie pourrait également susciter dans un avenir proche, un nouvel intérêt auprès de certains jeunes, les rencontres de face à face ou de proximité étant souvent déterminantes, plus que la lecture de sites d’Internet.
Auparavant, les surveillants se rendaient rapidement compte du changement de comportement des détenus manipulés par ces imams : le détenu se mettait à prier régulièrement, se laissait pousser la barbe, adoptait un langage plus haineux et menaçant… Toutefois, depuis quelques mois, la tendance de ces détenus radicalisés consiste de plus en plus à se faire oublier, à passer inaperçu et tenter d’obtenir une mesure de libération anticipée. Ceci rend presque impossible la détection des comportements à risque en prison.
{{Que faire pour prévenir la radicalisation en prison ?}}
Tout en insistant sur la prévention contre le terrorisme dans notre société, la lutte contre la radicalisation en prison peut prendre diverses formes qu’il s’agira d’évaluer si l’on veut éviter que la solution remède soit pire que la situation antérieure. Faut-il regrouper les détenus dans des sections à part, comme cela se fait à Fresnes actuellement et que la France veut étendre à 5 autres sections de différentes prisons ? Les directeurs de prison français ont appelé à la prudence et insisté sur les risques de créer des noyaux durs d’actions islamistes terroristes, avec des échanges d’informations sur les modalités d’action à l’extérieur, peut-être pires que des filières d’endoctrinement.
En outre, si l’on regroupe ces terroristes, la séparation doit être absolue, dans une prison spéciale, et non constituer une section à côté d’autres sections car les communications seraient impossibles à enrayer. En effet, même dans un lieu fermé, il existe des relations avec la famille (visites), différentes catégories de personnels, des servants…et rien ne fait obstacle aux échanges ou discussions entre détenus, par exemple hurlés par les fenêtres. Faut-il les répartir et les isoler dans les différentes prisons ? Cette autre hypothèse risque aussi de propager la radicalisation et de «mettre le feu aux poudres» là où tout semble sous contrôle actuel.
Il apparaît que la formation approfondie des imams plus nombreux en prison et une meilleure connaissance de la religion et de la culture musulmane chez les personnels pénitentiaires représenteraient une voie plus efficace mais aussi plus longue à mettre en oeuvre. En attendant, les responsables pénitentiaires doivent compter sur les observations des agents et communiquer celles-ci aux différents services concernés quant à la dangerosité de radicalisation (selon des critères difficiles à préciser), mais également sur l’aide des imams pour confronter les détenus fragiles à des contre-discours montrant que la religion musulmane est une religion d’amour et non de haine. Lutter contre cette idéologie radicale, souvent apprise après l’entrée dans un groupe extrémiste, doit s’accompagner d’initiatives structurelles et éducatives qui prennent notamment en compte les perceptions d’inégalité de la société.
source :
http://www.secunews.be/fr/news.asp?ID=1767
http://www.secunews.be/photos/0105_Prison%20Tournai_SPF%20Justice-FOD%20Justitie.jpg
De Coninck Gérard
Docteur en criminologie
Lire aussi: http://www.belspo