Lors de son audition par la Commission d’enquête sur la surveillance des filières djihadistes, Dounia Bouzar, présidente du Centre de Prévention des Dérives Sectaires liées à l’Islam, explique comment les radicaux utilisent les codes du jeu vidéo pour manipuler de futures recrues.
Jeudi matin, la Commission d’enquête sur la surveillance des individus djihadistes de l’Assemblée auditionnait Dounia Bouzar, docteur en anthropologie spécialisée dans « l’analyse du fait religieux » et présidente du Centre de Prévention des Dérives Sectaires liées à l’Islam.
Face aux députés, Dounia Bouzar a détaillé l’une des stratégies utilisées par les filières djihadistes sur les réseaux sociaux pour séduire les jeunes.
Le premier volet de Assassin’s Creed, distribué par Ubisoft en 2007, a pour héros un assassin appartenant à une société secrète, inspirée des Nizârites, une communauté mystique chiite ismaélienne qui a existé entre le XIe et le XIIIe siècle. Dans le jeu, le joueur doit assassiner des représentants du pouvoir, corrompus car infiltrés par les Templiers qui veulent asseoir leur domination sur le monde.
Selon Dounia Bouzar, ce discours entre en résonance avec celui des djihadistes qui dénoncent la société actuelle, infiltrée par les Illuminatis.
Autre « avantage », selon elle : l’iconographie du jeu est bien connue des jeunes adeptes des jeux vidéo : « C’est un personnage asexué (ndlr : pourtant, le héros du premier Assassin’s Creed,, Altaïr, est un homme) qui permet aux garçons de s’identifier autant que les femmes. Parce que les femmes y voient une femme voilée et les garçons y voient les personnages d’Assassin’s Creed. »
L’anthropologue clôt cette parenthèse sur Assassin’s Creed en montrant aux députés cette photo, tirée du dernier jeu de la série, sorti fin 2014, ayant pour cadre la Révolution française.
Dounia Bouzar poursuit : « Le dernier jeu d’Assassin’s Creed consiste à décapiter les gens au pouvoir. Et la publicité a été de décapiter la tête du roi français… et ça a été le dernier jeu sorti à Noël, ça tombait un peu mal. » Certes, cette photo montre bien celle d’une décapitation – le jeu se déroule à Paris pendant la Révolution française et lors des années qui suivent -, néanmoins ce n’est pas le joueur qui décapite ses adversaires (la décapitation est même impossible dans le jeu, suite à un choix des développeurs). Le héros reste spectateur des ces exécutions, telles qu’elles étaient pratiquées à l’époque, bien que le premier principe du jeu reste in fine l’assassinat d’ennemis « corrompus » par les Templiers.
Ce n’est pas la première fois qu’Assassin’s Creed Unity fait parler de lui. En novembre dernier,Jean-Luc Mélenchon avait déjà fustigé le jeu d’Ubisoft. « Le dénigrement de la grande Révolution, disait-il, est une sale besogne pour instiller davantage de dégoût de soi et de déclinisme aux Français. Si l’on continue comme ça, il ne restera plus aucune identité commune possible aux Français à part la religion et la couleur de peau… »
Thibaud Le Floch (@thibaudlf)
source : http://www.lcp.fr/actualites/politique/168450-assassin-s-creed-l-arme-de-seduction-des-djihadistes