Othman, un Montpelliérain de 19 ans, parti au Moyen-Orient avec sa famille, a été reconnu dans une vidéo de l’organisation Daesh où trois Français lancent un appel au jihad.
Sur les images, les passeports sont jetés un à un dans les flammes. Autour du feu de camp, des hommes en arme écoutent le message de vengeance déclamé par un autre combattant. En français. Cette scène ouvre la dernière vidéo de propagande que l’organisation État Islamique a mise en ligne le 19 novembre dernier. Le film est destiné aux musulmans francophones invités à faire leur « hijra » – leur exil – et à participer au jihad en Irak et en Syrie. Tour à tour, trois jeunes Français présentés sous leur patronyme arabe, prennent la parole à visage découvert. En quelques jours, cette apologie de Daesh fait le tour d’Europe et provoque l’indignation du ministre de l’Intérieur.
{{« La famille était déjà partie au Maroc. C’est là-bas qu’elle a changé »
« Le temps d’une prise de conscience »}}
Installé à la grande mosquée de La Paillade, l’imam Farid Darrouf a été l’une des premières personnalités à mettre en garde contre le phénomène de l’exil des jeunes musulmans – et notamment les convertis récents – vers les zones de guerre en Irak ou en Syrie. « Il est temps d’avoir une prise de conscience. Nous avons un devoir de réagir. On tire le signal d’alarme », expliquait-il récemment à l’adresse de l’ensemble des acteurs de la société, services de l’Etat compris.
« Un jour, le problème syrien s’arrêtera mais le problème c’est en France, c’est la place des musulmans avec ses différentes composantes », insiste Farid Darrouf. Certains responsables musulmans s’inquiètent, entre autres, de la multiplication incontrôlée des petites salles de prières, des dérives sectaires organisées par des petits groupes. Un fidèle qui observe les mêmes phénomènes souhaiterait, lui, l’instauration de prises en charge quasiment individuelles dans les mosquées. « Avec des entretiens en face à face dès qu’on sent que la personne s’éloigne. »
A La Paillade, dans les extraits des journaux télévisés ou sur les photos, l’attention de certains habitants est attirée plus particulièrement par le plus jeune des jihadistes présumés, le dernier à s’exprimer. Celui qui apparaît ainsi sous le nom d’Abu Salman al-Faranci est connu dans le quartier comme Othman G., un garçon de 19 ans. Il est inscrit au registre du commerce avec l’objectif de faire les marchés et « bricole », comme beaucoup d’autres de son âge. La surprise est importante car peu d’éléments visibles laissaient imaginer ce cheminement vers la radicalité sinon, peut-être, le contexte familial.
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Un exil organisé en famille}}
Selon différents témoignages, Othman a quitté Montpellier pour le Moyen-Orient il y a plus d’un an. Un exil organisé en famille avec ses frères, dans le sillage de sa mère marocaine et d’un père d’origine espagnole converti à l’islam puis devenu salafiste. « Il y a plusieurs années, la famille était déjà partie au Maroc, à Tanger, avant de revenir ici il y a trois ans environ. C’est là-bas qu’elle a changé », indique-t-on dans le quartier. Dans le film de sept minutes, le jeune Pailladin appelle à commettre des actes violents sur le territoire français. Il est celui des trois islamistes qui développe le discours le plus radical envers les « ennemis d’Allah ».
{{Un autre Montpelliérain apparaîtrait également sur les images}}
Dès que la vidéo a été diffusée, le parquet de Paris a ouvert une enquête confiée à la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). L’identification des participants est en cours mais sa large diffusion a déjà conduit des habitants de Labastide-Rouairoux, dans le Tarn, à reconnaître l’un des trois islamistes prosélytes : un jeune père de famille converti et qui aurait rejoint la Syrie il y a un an. Selon plusieurs témoignages, un autre Montpelliérain apparaîtrait également sur les images mais en retrait et avec le visage largement dissimulé par un cheich, ce qui rend son identification formelle plus aléatoire.
Après la mort des quatre Lunellois il y a quelques semaines, cette nouvelle histoire liée au départ de jeunes vers les zones de guerre du Moyen-Orient renforce l’inquiétude au sein de la communauté musulmane qui craint l’amalgame et une stigmatisation. Des parents dont les enfants ont choisi de partir éprouvent de grandes souffrances, difficiles à exprimer. Un désarroi qui tranche face à l’habile propagande du groupe Daesh, le soin qu’il déploie pour mettre en scène ses recrues occidentales. Othman et les autres.
{{Pionniers du jihad}}
La tentation du jihad pour de jeunes français ne date pas d’aujourd’hui. Le 26 décembre 2001, l’opinion, ébranlée par les attentats du 11 septembre et l’arrestation du Narbonnais Zacarias Moussaoui, découvre l’histoire d’Hervé Djamel Loiseau. Ce Parisien de 28 ans, né dans le XIIe arrondissement d’un père d’origine kabyle et d’une mère d’origine française, est mort de froid en fuyant les frappes américaines sur le fief taliban de Tora-Bora en Afghanistan.
En 2001, on estimait à 300 nos compatriotes qui, comme lui, combattaient avec les talibans. Les Français actuellement en Syrie et en Irak seraient aux alentours de 400 alors qu’il est plus facile de se rendre dans ces pays aujourd’hui qu’en Afghanistan à l’époque. Quant à Moussaoui, complice des pirates de l’air des attentats du 11 septembre, son profil avait surpris : issu d’une famille marocaine parfaitement intégrée, il avait eu un bon parcours scolaire, avant de basculer sur le tard, lors d’un séjour à Londres où il fréquenta une mosquée radicale.
source : http://www.midilibre.fr/2014/12/02/othman-de-montpellier,1091801.php
J.-P. LACAN