Djihad : la famille disparue dans l’Isère est partie vers la Syrie

Ils pourraient avoir bel et bien pris la direction de la Syrie. Le procureur de la République de Vienne l’a indiqué lundi. « Nous avons su en fin de matinée que l’ensemble de la famille, les deux adultes et les quatre enfants, avaient effectivement quitté le territoire national et pris un vol depuis la Suisse jusqu’en Turquie, puis un vol intérieur jusqu’à la frontière turco-syrienne », a précisé Matthieu Bourrette sur la base d’investigations menées auprès des aéroports et des compagnies aériennes. Des propos qui n’ont fait qu’accroître les craintes des proches des enfants et du couple soupçonné d’avoir quitté la France en vue de participer au djihad en Syrie.

De quelle famille parle-t-on ?

Eddy L., 34 ans, converti à l’islam sous le prénom de Zayed, et sa nouvelle compagne Jihane M. sont accompagnés de trois fillettes issues de précédentes unions, Jana, Maryam et Noussayba, âgées de 3 à 5 ans, et leur bébé d’un mois et demi. Jusqu’à son départ, la famille recomposée vivait à Villefontaine, à une quarantaine de kilomètres de Lyon.

La famille semble y avoir vécu repliée sur elle-même dans un immeuble d’une petite cité. On ignore quand elle s’était installée là. « Ça ne devait pas faire très longtemps » estime Matthieu Bourrette. Ni la mairie ni les services sociaux ne les connaissait, les voisins « les voyaient extrêmement peu » et les enfants n’y étaient « manifestement pas scolarisés l’année précédente ».

« Pour nous, ils sont des inconnus » a en effet déclaré le maire Raymond Feyssaguet. Selon un voisin de la famille, Eddy L. ne fréquentait pas régulièrement la mosquée de Villefontaine, et l’imam a dit ne pas non plus les connaître, ni elle ni lui. « Il est grand, maigre, gentil. On l’appelait Zayed, je ne savais pas qu’il s’appelait Eddy. C’était un bon voisin. Il ne discutait pas avec nous de religion, il cherchait du boulot », a assuré le même voisin.

Qui a signalé la disparition de la famille ?

Ilham T.-L., ex-compagne d’Eddy L. et mère d’une des fillettes, Jana, 3 ans, a la première donné l’alerte. Sa fille, confiée à son père pour les vacances, aurait dû la rejoindre chez elle, à Malesherbes (Loiret) fin août. Mais le père de l’enfant « ne l’a pas ramenée, (…) il ne répondait pas au téléphone » a-t-elle témoigné, très inquiète, sur « RTL ». D’où sa plainte, qui a déclenché une enquête de gendarmerie et le lancement de deux mandats d’arrêt. Puis l’ouverture, par le parquet d’Orléans le 4 septembre, d’une information judiciaire pour soustraction de mineur par ascendant, « avec la circonstance aggravante que ce mineur est susceptible d’être retenu hors du territoire ».

La brigade de recherche de Pithiviers a ensuite contacté le parquet de Vienne, en Isère, l’informant de cette plainte et du lieu de résidence de la famille, à Villefontaine. « A partir de là, nous avons découvert que M. Abdel Hakim L. L., (père des autres fillettes qui vit près de Lyon), était également concerné » poursuit le procureur de Vienne. Dans le cadre d’un droit de visite, ses enfants doivent lui être présentés le 12 septembre, vendredi. « Il nous a indiqué ne plus avoir beaucoup de contacts avec eux depuis quelques semaines, mais il n’était pas juridiquement en état d’en réclamer ».

Abdel Hakim L., qui habite la région lyonnaise, a précisé ne plus avoir de nouvelles de la famille « depuis trois semaines ». Sans parler expressément de « djihad », il a plutôt évoqué un possible « exil » motivé par un climat anti-musulman en France. Et s’est dit inquiet d’imaginer ses enfants dans « un territoire où il y a la guerre ». Le parquet de Vienne a également ouvert une enquête pour « disparition inquiétante de mineurs ». Selon « Le Parisien », le couple était suivi par les services de renseignements français.

Quand et pourquoi cette famille est-elle partie ?

Selon le procureur de Vienne, la famille a probablement quitté la France pour rejoindre la Syrie « entre le 19 et le 22 août ».

Le procureur d’Orléans Yolande Renzi a également indiqué lundi s’être vue communiquer « des éléments tendant à démontrer que dès le 7 août Eddy L. a acheté a minima deux billets d’avion Genève-Istanbul, et qu’il s’est embarqué avec sa fille le 22 août » a-t-elle déclaré, ajoutant « on a la trace à Istanbul de l’achat d’un autre billet pour un vol Istanbul-Gaziantep enTurquie », rapporte notamment « La République du Centre ».

Elle a fait part d’éléments accréditant un départ anticipé. Eddy L. « avait clôturé ses comptes (…), s’était fait virer une certaine somme d’argent, avait mis en vente et vendu, semble-t-il, son véhicule et un certain nombre de ses meubles. » Rien n’est sûr, en revanche, concernant la finalité du départ. Le procureur de Vienne ne dispose à ce stade « d’aucun élément objectif de radicalisation, que ce soit via les témoignages recueillis ou lors des perquisitions réalisées au domicile du couple ». Eddy L. « n’était pas localement connu pour être fondamentaliste ou un prosélyte », a-t-il déclaré. « Mais les éléments fournis du côté d’Orléans ne vont pas dans ce sens-là ».

Eddy L. « est parti, en essayant de brouiller les pistes, en faisant croire qu’il était au Maroc », a en effet affirmé de son côté Yolande Renzi, soulignant que la dérive radicale présumée d’Eddy L. « repose sur la base des témoignages des proches ». « Il s’était converti à l’Islam il y a une dizaine d’années » et son comportement a changé « depuis environ trois ans », ce qui correspond au début des problèmes dans le couple », a-t-elle également commenté.

Que disent les proches du couple et des enfants ?

Selon la famille d’Ilham T.-L., la mère de Jana, et « France Bleu Isère », le père de sa fille aurait à plusieurs reprises clamé son intention de quitter la France, « ce pays de Mécréants ». Toujours selon la radio, Eddy L. se serait radicalisé au contact de sa nouvelle compagne, qui soutiendrait sur les réseaux sociaux une association turque prônant notamment l’instauration d’un califat en terre bénie.

Mostafa T., frère d’Ilham T.-L. et oncle de Jana, a quant à lui affirmé avoir vue Jana pour la dernière fois le 16 août. Jana « pleurait », « disait ‘je ne veux pas partir avec papa » a-t-il assuré sur « France Info ». « Son père m’a confirmé qu’il allait partir au Maroc » a-t-il aussi précisé à « i-télé », ajoutant qu’en2011, sa soeur « lui a signalé sa radicalisation », qui « se traduisait par une demande » qu’il lui aurait faite de « porter le niqab ».

source :
Le Nouvel Observateur (avec AFP)
Par Le Nouvel Observateur

http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20140909.OBS8617/djihad-ce-que-l-on-sait-de-la-famille-partie-en-syrie.html