{{Acupuncture, homéopathie, phytothérapie… A quelle médecine alternative se fier ?}}
Pour répondre à cette question, le professeur Edzard Ernst, titulaire de la première chaire de médecine complémentaire au monde, a publié en 2008, en collaboration avec le journaliste scientifique Simon Singh, un ouvrage extrêmement précis et rigoureux, passant les principales thérapies non conventionnelles au crible des études d’évaluation méthodiques. Enfin traduit en français, leur ouvrage, « Médecines douces, infos ou intox ? », constitue le manuel indispensable pour toute personne qui souhaite connaître les bénéfices et les risques réels de ces « médecines douces ».
{{Comment s’assurer, de façon générale, qu’un traitement a la moindre efficacité ?}}
En comparant l’administration de celui-ci avec l’administration d’un « faux traitement », à l’insu d’un grand nombre de malades. Si le groupe de ceux qui ont reçu le « vrai » traitement va aussi bien – voire plus mal ! – que le groupe des patients qui n’ont reçu qu’un simulacre de soin, on peut conclure qu’il vaut mieux éviter de perdre son temps et son argent avec cette « thérapie ».
Tous les médicaments passent au crible de cette méthode, et leur rapport bénéfice/risque est parfois réévalué avec le temps. Sur ce modèle simple, de très nombreuses recherches ont été effectuées, depuis des décennies, sur les médecines dites « alternatives » ou « non conventionnelles ».
Le professeur britannique Edzard Ernst est probablement le plus grand spécialiste mondial en ce domaine. Premier titulaire d’une chaire universitaire en médecine complémentaire, ce chercheur formé à l’homéopathie, à l’acupuncture, à la naturopathie et aux manipulations des vertèbres s’est attaché à l’évaluation méthodique et rigoureuse de toutes les pratiques soumises à son attention.
Toute pratique médicale doit pouvoir être évaluée à l’aune de cette simple question : est-elle plus efficace qu’un simulacre de traitement ? Si la réponse est positive, elle peut légitimement entrer dans le champ de lamédecine conventionnelle – de plein droit ou, si son efficacité ne se révèle qu’en appoint de pratiques existantes, au titre de médecine complémentaire. Sinon… elle ne mérite en rien l’appellation de médecine !
L’ouvrage co-signé en 2008 par Edzard Ernst et le journaliste Simon Singh, chef d’œuvre de vulgarisation et de rigueur, est à mettre entre toutes les mains. Ecrit dans un style limpide, il est à conseiller à quiconque chercherait à en savoir plus sur l’efficacité réelle d’un traitement pour la pathologie dont lui, ou l’un de ses proches, souffre.
Fourmillant d’anecdotes historiques, ce livre n’est pas qu’un manuel médical : c’est aussi l’un des meilleurs ouvrages jamais écrit sur la façon dont la démarche scientifique permet de répondre à des questions très concrètes et quotidiennes.
Tout médecin, tout patient, tout citoyen, devrait au moins lire le premier chapitre de ce livre incontournable. Seul risque pris par le lecteur : il est alors très difficile de ne pas passer au deuxième chapitre…
{{Nos questions au professeur Edzard Ernst}}
{{Comment avez-vous débuté votre carrière de médecin ?
A partir de quel moment avez-vous cherché à évaluer les pratiques de médecines complémentaires de façon objective ?}}
Edzard Ernst : « Après mes études de médecine à Munich, le premier poste que j’ai occupé en tant que médecin l’a été dans le seul hôpital homéopathique de toute l’Allemagne. En 1993, j’ai lu dans la revue New Scientist que la première chaire de professeur de médecine complémentaire allait être créée à l’Université d’Exeter. J’avais mené quelques recherches dans ce domaine, à titre de hobby, alors que j’occupais mes postes précédents. J’ai donc proposé ma candidature.
« Le fait d’avoir déjà été professeur à temps plein dans deux universités de renom a joué en ma faveur, et j’ai obtenu le poste. A ce titre, j’avais la responsabilité officielle de mener des investigations sur les médecines alternatives d’une façon scientifique.
« Nous avons défini notre tâche en ces termes : appliquer les outils de la science à ce domaine, sans appliquer de statut dérogatoire ni promotionnel, et de mettre à profit une pensée analytique dans le domaine de la médecine alternative. C’est également l’ambition de l’ouvrage que nous avons publié en 2008 avec Simon Singh, et dont la traduction française vient tout juste de paraître.
{{Pour beaucoup de gens, les médecines « alternatives » et « complémentaires » doivent toutes fonctionner, puisqu’elles sont pratiquées et commercialisées. « Si elles n’apportaient pas de bénéfices aux gens, elles ne se vendraient pas…}}
Edzard Ernst : « La médecine n’est pas un concours de popularité ! Historiquement, nous avons une grande quantité de traitements qui se sont très bien vendus, mais qui se sont en réalité révélés inefficaces et nocifs – les saignées, par exemple. Le seul moyen de déterminer la valeur d’une thérapie est d’étudier scientifiquement son efficacité. »
{{Les promoteurs de certaines thérapies alternatives affirment que celles-ci sont si individualisées qu’elles ne peuvent être passées au crible de la méthode scientifique d’évaluation…}}
Edzard Ernst : « Ces affirmations se basent sur une incompréhension de ce que les essais cliniques peuvent tester. Il est tout à fait possible de mener un essai randomisé contrôlé (qui consiste à comparer les effets d’une thérapie à une autre – ou un placebo – dans deux groupes équitablement répartis, NDLR) avec des traitements hautement individualisés. D’ailleurs, nous avons mené de telles études, et leurs résultats ont été publiés. »
{{Les citoyens sont très vigilants et méfiants à l’égard de la sécurité des médicaments et sont très à l’écoute des évaluations scientifiques des traitements médicaux. Comment expliquer que lorsque des évaluations sont faites sur des pratiques telles que l’homéopathie, l’acupuncture, la chiropraxie, une part importante de la population en rejette vivement les résultats ?}}
Edzard Ernst : « La médecine alternative est un domaine souvent en opposition avec l’establishment. Beaucoup de leurs tenants sont profondément anti-scientifiques, certains semblant même voir leur thérapie alternative favorite comme une sorte d’ersatz de religion. Ces personnes n’accepteront jamais les résultats négatifs d’une investigation scientifique : ils n’aiment la science que lorsqu’elle confirme leurs croyances.
« La plupart des chercheurs, dans ce champ de recherche, présentent ce travers : ces « scientifiques » (en réalité, ces pseudo-scientifiques) utilisent les outils de la science non pas pour tester, mais pour confirmer leurs croyances préalables. Si cela est fait à grande échelle – et je pense que c’est le cas – ce phénomène pose des bases trompeuses pour des générations et des générations… »
{{Que pensez-vous d’ailleurs, des expressions « médecine alternative » et « médecine complémentaire » ?}}
Edzard Ernst : « On pourrait écrire un ouvrage entier juste sur ces questions de terminologies. Tous ces termes génériques ont des défauts, parce que le champ qu’ils recouvrent est très vaste. Pour éviter de tomber dans différents écueils, peut-être que le mieux est tout simplement de nommer les pratiques dont nous parlons, telle qu’homéopathie et acupuncture. »
{{A qui est destiné « Médecines douces, info ou intox » ?}}
Edzard Ernst : « Notre livre est destiné au profane intéressé. Nous avons essayé d’expliquer de notre mieux des concepts complexes de façon à ce que quiconque puisse les comprendre. »
http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-medecines-alternatives-plus-qu-un-placebo-nbsp–13631.asp?1=1
par Florian Gouthière
A LIRE : Médecines douces : info ou intox ?
Simon Singh, Edzard Ernst
Ed. Cassini, juin 2014