Ce florissant mouvement évangélique colombien, qui chapeaute un parti en pleine croissance, le Mira, traverse depuis trois semaines une pluie de scandales. «Une véritable campagne de démolition», s’est indignée Gloria Díaz, l’une des quatre parlementaires du mouvement.
Le chemin de croix a débuté par une indiscrétion. Un proche de la famille Piraquive a diffusé mi-janvier une vidéo sur laquelle la fondatrice expliquait qu’il fallait interdire le prêche aux mutilés. «Les gens ne vont pas trouver agréable de voir un prédicateur avec un seul bras. Par responsabilité, d’autres diraient par esthétique, nous ne le mettons pas en chaire.» Sur un autre enregistrement, des fidèles insistent timidement : et ce pasteur qui a juste des doigts en moins ? Et cet autre, aveugle ? Interdit de chaire, tranche la «reine» autoproclamée. Son message a fait le tour des réseaux sociaux, en moins de temps qu’il n’en faut à un soldat colombien pour perdre un membre sur une mine de la guérilla. L’image de rigoureuse charité chrétienne des parlementaires du Mira, qui avaient défendu une loi contre les discriminations, a pris un vilain coup à cinq semaines des élections législatives du 9 mars.
Depuis, des déçus ont évoqué dans la presse les méthodes de cet empire, qui revendique plus de 800 temples dans 45 pays. Les méthodes de recrutement des fidèles par des promesses de richesse, suivies de pressions pour percevoir la dîme et militer dans le parti, ont été aussi minutieusement détaillées que les demeures luxueuses de la «sœur» María Luisa et de sa famille. La justice a rouvert deux enquêtes pour détournement de fonds et blanchiment d’argent, et n’écarte pas l’existence de liens avec des trafiquants de drogue.
Couronne d’épine sur le gâteau : le fils de la fondatrice l’a accusée d’avoir camouflé les causes de la mort de son ex-mari pour de sombres histoires d’héritage. Seule une manifestation de milliers de fidèles, fin janvier, aura apporté un peu de baume aux stigmates de la sœur.
Ces scandales ne marquent pas pour autant la fin des mouvements évangéliques dans la politique colombienne. L’ancien président de la République Alvaro Uribe (2002-2010), pourtant fervent dévot de la Vierge des catholiques, va régulièrement se faire bénir par de prospères pasteurs devant des foules en transe. Et le parti de l’actuel chef d’Etat, Juan Manuel Santos, a choisi comme tête de liste pour les législatives de mars le dirigeant d’une autre Eglise influente. Celle-ci, comme le Mira jusqu’à peu, jouit, Dieu merci, d’une parfaite image d’intégrité.
source : LIBERATION par Michel TAILLE