Les discussions ont repris au Sénat belge autour d’un possible élargissement de la loi. Ses partisans font pression sur les parlementaires.
C’est une première dans l’histoire des débats de bioéthique : les dignitaires représentant les trois grandes religions monothéistes en Belgique se sont hier exprimés d’une seule voix sur la question de l’euthanasie. Dans un communiqué de presse commun, le président de l’Église protestante unie de Belgique, le grand rabbin de Bruxelles, le président du comité central de l’Église anglicane en Belgique, le président du Synode fédéral des Églises protestantes et évangéliques de Belgique, le Métropolite du Patriarcat oecuménique de Constantinople, le président de l’Exécutif des musulmans de Belgique et Mgr André-Joseph Léonard, président de la Conférence des évêques catholiques de Belgique, ont souhaité se faire entendre « en tant que citoyens s’appuyant sur des arguments philosophiques et en tant que croyants héritiers de leurs traditions religieuses respectives ».
Les sept responsables expriment leur « vive inquiétude face au risque de banalisation croissante d’une réalité aussi grave » et marquent « leur opposition à la possible extension de la loi aux mineurs ». Tout en rappelant qu’ils sont « eux aussi révoltés par la souffrance tant physique que morale, en particulier celle des enfants », les dignitaires religieux de Belgique considèrent que donner la possibilité à des mineurs de décider de leur propre euthanasie altère leur faculté de jugement et donc, «leur liberté». Concernant les personnes démentes, proposer ce choix est «un déni de leur dignité».
«Nous ne pouvons entrer dans une logique qui conduit à détruire les fondements de la société »
Ils dénoncent aussi la pression à laquelle sont soumis les médecins pour qu’ils pratiquent un acte «soi-disant médical» et regrettent que le débat tourne autour de la culpabilisation des personnes qui souffrent et non pas autour de leur accompagnement. «Nous ne pouvons dès lors entrer dans une logique qui conduit à détruire les fondements de la société », concluent-ils.
« Dans le débat que nous vivons actuellement en Belgique, il est désormais convenu d’assimiler les adversaires de l’euthanasie aux catholiques. Nous avons ainsi voulu témoigner du fait de l’unanimité des grandes religions sur ce point et interpeller les consciences », explique le P. Tommy Scholtès, porte-parole des évêques de Belgique. Ces derniers se sont déjà exprimés à plusieurs reprises sur la question cette année.
Les représentants des autres religions n’avaient jusqu’à présent pas fait véritablement entendre leur voix. « Nous ne souhaitons surtout pas nous immiscer dans le débat politique belge. Mais il nous semble que nous sommes là face à un débat de société, dans lequel la parole du religieux doit avoir sa place. Les textes révélés nous donnent des choses à dire, notamment que l’humanité doit impérativement toujours protéger la vie », explique Semsettin Ugurlu, président de l’Exécutif des musulmans de Belgique et signataire du texte.
Cette prise de position commune intervient alors que plusieurs cas d’euthanasie ou de demandes d’euthanasie ont posé de graves questions ces dernières semaines. En marge des débats politiques sur l’extension de la loi qui ont repris au sénat, partisans et adversaires de l’euthanasie s’opposent. Des voix citoyennes se sont élevées, notamment via le site internet « Euthanasie Stop », créé à l’initiative d’universitaires, de juristes et de professionnels de la santé, qui enregistre actuellement près de 300 visites par jour.
L’euthanasie représente environ 2 % des décès en Belgique
À l’opposé, les partisans de l’extension de la loi font pression sur les parlementaires. Ainsi, dans une lettre ouverte publiée hier également dans les quotidiens « Le Soir » et « De Morgen », 16 médecins pédiatres de divers hôpitaux de Belgique plaident pour que les sénateurs « sortent l’euthanasie pour mineurs de l’illégalité ». Entre temps, l’euthanasie comme « option de fin de vie » fait son chemin dans l’opinion belge. Elle représente environ 2 % des décès. Le nombre de dépôt de déclarations anticipées n’a jamais été aussi important, avec plus de 15 000 déclarations depuis le 1er janvier 2013. Selon un sondage réalisé le mois dernier par l’institut Dedicated, trois quarts des Belges seraient favorables à une extension de la loi.
« On assiste clairement à une banalisation et à une manipulation de l’opinion publique autour de la notion de « mort douce » et de la « dignité » de la mort. On joue sur les mots et l’opinion est un peu perdue entre les différentes notions, déplore le P. Tommy Scholtès. Il est urgent de s’interroger sur nos valeurs dans un véritable débat de société ! »
source : LA CROIX par Raphaëlle d’Yvoire,