Quelque 80% de la population du pays asiatique vit en zone rurale. De nombreux villages reculés sont dépourvus d’hôpital ou même de médecin.
Et quand bien même il en existe un, la plupart des habitants n’ont pas les moyens de s’offrir ces soins trop chers.
Il n’est donc pas étonnant que les « Kru khmers », spécialistes des plantes, soient des milliers à travers le royaume.
Mais face à un problème de renouvellement de la profession et pour mieux encadrer le secteur, la première école du Cambodge a vu le jour en 2009. Mise en place avec le ministère de la Santé, elle est entièrement financée par une fondation japonaise.
A ce jour, 345 Kru Khmers ont été formés avec notamment des cours d’hygiène et d’anatomie. « C’est bien d’avoir une formation comme celle-là car les professeurs nous enseignent les bonnes méthodes, sûres et pas dangereuses », se réjouit Kraing Dhein, étudiant.
« Je veux promouvoir la médecine traditionnelle pour aider et guérir les plus pauvres parce que les gens à la campagne n’ont pas assez d’argent pour aller à l’hôpital ou voir un médecin », témoigne une autre élève, Soung Kimsath.
Après sa formation, Tauch Sreythoeun est venue s’installer aux abords du marché Orussey, à Phnom Penh, où les échoppes des guérisseurs ont poussé comme des champignons. Plantes et animaux séchés, racines, écorces, les stands regorgent de traitements en tout genre.
« Je vends des plantes médicinales aux clients qui viennent chercher toutes sortes de remèdes. Certains veulent des plantes contre la fièvre par exemple, je fais alors un mélange à partir de plusieurs racines ».
Les patients viennent surtout pour les petits maux du quotidien, les maux de ventre ou de tête, la fatigue, les coliques qui ne justifient pas les frais d’un vrai médecin.
Mais certains accordent à la discipline des vertus telles qu’elle supplante purement et simplement la médecine moderne.
« Souffle magique »
Pov Rany va ainsi régulièrement consulter depuis qu’on lui a découvert un kyste dans la poitrine. « Je crois en la médecine traditionnelle, je pense que c’est efficace et bon pour la santé », explique-t-elle. « Je n’utilise pas la médecine moderne car les médicaments contiennent des substances chimiques et des produits contrefaits ».
Certains médecins mettent en garde, discrètement, contre les dangers d’un recours trop systématique à la médecine traditionnelle, notamment en cas de maladie grave.
Mais le poids des traditions et l’intensité des trafics dans les pharmacies du pays, où il est bien difficile de distinguer le vrai du faux et où les médicaments les plus puissants se vendent sans ordonnance, participent à la bonne santé d’un secteur traditionnel qui a fait ses preuves.
Depuis des générations, les formules sont transmises par les anciens, souvent de père en fils, et chacun les adapte un peu à sa façon. Une écorce d’arbre donne ainsi du lait à la femme allaitant, et le durian, un fruit aussi populaire que nauséabond, soigne les rhumatismes.
Dans le pire des cas, l’alcool de riz est conseillé à une femme enceinte.
Des risques que l’école est là pour limiter.
« Cette formation est plus professionnelle que ce que les élèves apprennent avec leurs ancêtres. On leur enseigne de nombreuses matières, comme la déontologie par exemple », explique Kong Sokdina, chef de projet pour CatMO, l’organisation de médecine traditionnelle qui gère la formation.
Durant les cinq mois de cours, les élèves se rendent régulièrement sur le terrain afin d’étudier les variétés de plantes disponibles dans le pays, aux effets cicatrisant, antibiotique, antiseptique… Pour leur voyage de fin d’étude, les professeurs ont emmené les élèves dans la région de Kampot (sud).
« Nous sommes venus pour montrer aux élèves les nombreuses plantes traditionnelles qui y sont encore préservées. On trouve des racines qui n’existent plus ailleurs », explique Ky Bouhang, professeur et président de l’Association des guérisseurs traditionnels cambodgiens.
Reste le pouvoir plus obscur encore des Kru Khmers, à qui beaucoup de Cambodgiens prêtent la capacité de chasser le mauvais esprit de leur corps, rien qu’en soufflant dessus.
« J’ai soigné une femme qui avait un zona grâce à mon souffle magique », raconte Ky Bouhang. « Aujourd?hui, elle peut à nouveau travailler dans sa ferme alors qu’’aucun traitement n’avait fonctionné. »
source : LE PARISIEN
http://www.leparisien.fr/flash-actualite-sante/au-cambodge-le-metier-de-guerisseur-s-apprend-dans-une-ecole-04-07-2013-2954015.php