Un management sans pitié obnubilé par le profit et empreint de paranoïa et de cupidité. Quatre ex-salariées de Lidl, le discounter allemand implanté en Suisse depuis exactement 3 ans, ont résumé dans Der Sonntag leurs anciennes conditions de travail dans le magasin de Weinfelden (TG). Leur mission consistait à remplir les étagères, cuire le pain et être à la caisse. «Nous étions une super équipe et nous donnions tout pour la réussite de notre filiale. Et puis à cette époque, nous croyions encore les promesses de Lidl», témoignent-elles.
Vie privée tabou
A Weinfelden, la priorité absolue était de rester professionnel, pas de familiarité. Le tutoiement était tabou. Aucune tape amicale dans le dos. Même une soirée entre collègue n’a pas de place parmi les salariés de Lidl car elle pourrait avoir un impact négatif sur la réputation de la société. «Il y a eu des employés qui se sont quand même risqués à aller boire un soir une bière ensemble où ils ont été aperçus. Le lendemain, ils ont été convoqués par le patron et sont ressortis comme des chiens battus», racontent deux ex-cadres. «Qui était le délateur? Nous ne le savions pas. Par conséquent, nous avons toujours fait en sorte de nous garer le plus loin les uns des autres avant de nous retrouver dans un bar», poursuivent-elles.
Même les appels téléphoniques après le travail sont suspicieux pour Lidl. «On doit se justifier si on a appelé depuis la filiale un collègue de facturation juste après 21 heures». Les objets privés n’ont rien à faire dans le bureau, tout comme les conversations privées, même si elles concernent la famille ou des vacances. Il est également fortement recommandé de s’habiller en noir, sans aucune fantaisie de couleur. Une employée aurait été contrainte d’enlever un simple collier.
«Lavage de cerveau»
Aucune de ces règles ne figurent noir sur blanc. «Nous entendions souvent le même refrain: vous n’êtes pas ici pour penser», dénonce une ex-cadre. Tout ce qui ne collait pas au système Lidl devait avoir un coupable, «parce que le système ne peut pas mentir». Le management se reflète dans la personnalisation des numéros de téléphone internes, aucun nom, juste une fonction.
Les ex-employés parlent ouvertement de «lavage de cerveau» et de «fonctionnement dans le mode d’une secte». La hiérarchie est au cœur du système de Lidl, à l’exemple du système d’attribution des véhicules: les cadres inférieurs reçoivent une Audi A4, les membres du Comité exécutif le modèle A8.
Le système était basé sur le succès. Or ce dernier n’a pas été au rendez-vous. «Les ventes n’ont pas décollé, le rendement n’a pas été à la hauteur des attentes», témoigne une ex-salariée. En été 2009 déjà, Lidl a dû réduire le temps de travail de ses employés et licencier les salariés les plus coûteux. L’expansion annoncée n’a pas eu lieu. Au lieu des 100 magasins espérés pour la fin avril 2011, seul 80 avaient été ouverts.
Des antécédents
La publication d’un courrier interne mentionnant l’arrêt de l’expansion de Lidl avait fait scandale. Andreas Pohl, le patron d’alors, réputé colérique, avait convoqué le personnel afin de découvrir la taupe. «Il y a une sangsue parmi nous, avait-il alors lancé. Et cette sangsue suce le sang. La tique croit qu’elle peut se cacher, mais nous allons la débusquer».
Lidl ne répond pas
Lidl n’a plus de porte-parole en Suisse. Son nouveau Country Manager Matthias Oppitz n’a toujours pas été officiellement présenté. Confronté par Der Sonntag à ces accusations, ni Lidl ni Matthias Oppitz n’ont voulu s’exprimer. L’ancien chef Andreas Pohl n’était lui pas joignable pour donner sa position.
http://www.20min.ch/ro/economie/news/story/13270131
Source :18 mars 2012
20 minutes.ch