RODEZ, 1 déc 2011 (AFP) – Le procureur a requis jeudi 10 ans de prison, le maximum de la peine encourue, contre le frère Pierre-Etienne Albert, jugé par le tribunal correctionnel de Rodez pour des actes de pédophilie commis sur des dizaines d’enfants pendant des années.
Il a refusé de croire à la sincérité du repentir « dégoulinant de bons sentiments » exprimé par Pierre-Etienne Albert depuis le début de son procès mercredi. Au contraire, « votre dernière pleurnicherie m’a un peu écoeuré », a-t-il lancé à celui qui, juste avant les plaidoiries, avait dit à ses victimes présentes dans le prétoire: « Je demande pardon à chacune. J’espère que mon pardon sera reçu ».
Depuis mercredi, ce petit homme qui ne paie pas de mine dit assumer l’entière responsabilité des faits pour lesquels il est jugé: 38 cas d’agressions sexuelles commis entre 1985 et 2000 sur des garçons et des filles alors âgées de 5 à 14 ans.
S’il n’y en a pas davantage, c’est que d’autres faits sont prescrits.
Le prévenu composait les chants et les musiques de la communauté. A ce titre, il était appelé à travers la France dans les dizaines de « maisons » de la communauté et approchait constamment les enfants.
Là, lui qui dit avoir été attiré par les enfants depuis très longtemps était comme le « renard dans le poulailler », selon ses mots, livré à une tentation permanente.
« J’ai crié au secours de très nombreuses fois. Je ne dis pas ça pour me défausser de ma responsabilité, qui est entière », a-t-il assuré pour devancer les objections des parties civiles.
C’est précisément ce que le procureur n’a pas aimé entendre. Certes, les responsables de la communauté savaient et n’ont rien dit. Certes le « fonctionnement quasi sectaire » des Béatitudes, avec des familles en situation de souffrance ou de fragilité, a rendu des enfants vulnérables aux penchants pédophiles d’un des membres de la communauté, a dit le représentant du ministère public.
Ces responsables ont bénéficié de la prescription des faits de non-dénonciation.
Ils ont été appelés comme témoins à la barre mercredi, et le procureur a jugé déplorables leurs « errements ».
Mais « ce procès est uniquement celui de Pierre-Etienne Albert », a tranché le magistrat. C’est celui d’un homme qui a non seulement assouvi ses inclinations, mais qui s’est servi de son ascendant pour le faire, a-t-il dit.
Pierre-Etienne Albert avait beau ne pas appartenir à la hiérarchie, il était une « star » aux yeux des enfants, selon leurs propres mots, avec son ministère itinérant, sa position au sein de la communauté. Il jouissait en plus de l’aura de « miraculé » qui est celle de l’ancien toxicomane désintoxiqué.
Or l’autorité dont aurait disposé le prévenu sur ses victimes constitue une circonstance aggravante.
Dans ce procès aux airs d’examen de conscience pour tout le monde, le procureur n’a pas éludé celui du système judiciaire. C’est justement parce que la justice n’avait pas retenu la circonstance aggravante de l’abus d’autorité qu’elle avait déclaré les faits prescrits au début des années 2000, quand elle avait été saisie une première fois.
Le dossier est ensuite resté en sommeil jusqu’en 2008. C’est un motif supplémentaire de souffrance pour les victimes.
La justice a « mal fait son travail », a reconnu le procureur. Mais elle n’a pas été malhonnête.
Outre les dix ans de prison, le procureur a demandé contre le prévenu 10 ans d’interdiction de ses droits civiques, un suivi socio-judiciaire pendant 15 ans et une interdiction définitive d’activité le mettant au contact des enfants.
Le jugement devait être rendu après l’audience jeudi.
Source : AFP Par Emmy VARLEY