Têtes qui tournent, voix d’outre-tombe, convulsions, cris d’horreur: Hollywood nous montre depuis toujours une spectaculaire image de l’exorcisme. Faut-il y croire? Est-ce aussi extrême dans la vraie vie? Alors que vient de sortir le film The Rite, avec Anthony Hopkins, nous avons demandé au père Joseph-Marie Verlinde, auteur de plusieurs ouvrages sur l’occultisme, de répondre aux questions que nous nous posons tous. Dans l’une de ses rares entrevues, il remet les pendules à l’heure… et le diable à sa place. texte jean-christophe laurence
Vous êtes spécialiste de l’occultisme. Que pensez-vous de la façon dont Hollywood traite le phénomène des exorcismes?
Je le regrette beaucoup. Ce n’est que du pur spectacle ancré dans la réalité religieuse. C’est un mélange des genres qui n’est pas une réussite. Je ne dis pas que tout est faux. Mais ces combats entre lumière et ténèbres me font plus penser à du manichéisme qu’à du christianisme. Un exorcisme, c’est quelque chose de plus subtil.
Que voulez-vous dire?
Toutes ces réactions violentes, déjà… Quand le mal quitte une personne possédée, il peut y avoir un mouvement de libération, un soupir, un cri, un tremblement, mais le plus souvent il n’y a rien du tout. Ces histoires de démons qui attaquent le prêtre ou de têtes qui tournent, c’est de la pure science-fiction.
Comment savoir si une personne est vraiment possédée?
Cela exige un grand travail de discernement psychospirituel. Il faut savoir distinguer le problème psychique d’une vraie possession. C’est loin d’être facile parce que, en général, tous les symptômes de la possession se retrouvent aussi dans des cas de psychose ou de névrose aggravée: idées obsessionnelles, morosité, morbidité, pensées suicidaires, difficultés sociales… C’est pourquoi les exorcistes sont toujours aidés par des psychiatres pour établir leur diagnostic.
Y a-t-il un profil type du possédé?
La possession suppose qu’une personne a, en pleine connaissance de cause, conclu un contrat avec les forces diaboliques. J’ai connu des jeunes qui l’ont fait pour passer le bac. D’autres l’ont fait pour séduire une fille. J’en ai vu d’autres qui l’ont fait implicitement, en participant à des séances d’initiations où l’on invoquait Lucifer. Après, ils regrettent ce qu’ils ont fait. C’est là qu’ils demandent à l’Église de les libérer…
Ce qui nous mène à l’exorcisme en soi… Comment cela se passe-t-il?
L’image de l’exorciste solitaire, bardé pour le grand combat, c’est dans les films. En général, il est entouré d’un groupe de prière. On lit des extraits de l’Évangile. On invoque tous les saints, puis la vierge, avec des prières traditionnelles. On interfère avec des chants pour la dimension liturgique, puis on prononce la prière d’exorcisme (imprécative) qui ordonne au démon de sortir (le fameux vade retro, satanas). C’est une parole d’autorité, où la victoire du Christ est acquise et où le démon doit céder. Vous voyez, rien à voir avec les scènes d’hystérie qu’on voit au cinéma!
Et après, c’est: merci, bonsoir, rentrez chez vous?
On invite la personne à prier régulièrement. Si, après, l’apaisement est durable, il n’y a pas raison de la revoir.
Vous avez vous-même pratiqué des exorcismes?
Oui, mais ce n’est pas mon ministère principal. J’ai reçu ces pouvoirs de mon évêque en raison de mon travail au ministère des guérisons intérieures. Je n’exerce pas en dehors de ce contexte.
Exorciste, est-ce un «job» convoité chez les prêtres?
Ah non, alors! On a parfois du mal à trouver des prêtres qui acceptent. C’est un travail très prenant et la plupart sont déjà surchargés avec leur ministère pastoral. Ensuite, il faut une certaine maturité psychologique et spirituelle, ce qui n’est pas donné à tous.
Et cette école d’exorcisme dont on parle dans The Rite?
Là, par contre, c’est presque vrai (rires)! Depuis quelques années, les demandes de délivrance sont en croissance exponentielle, ce qui n’est pas étonnant vu l’augmentation du spiritisme, de l’occultisme, de la magie et de la sorcellerie. Du coup, les prêtres sont désarçonnés parce qu’on ne parle pas de ça dans les séminaires. Une faculté de théologie à Rome a donc proposé une formation. Mais ce n’est pas obligatoire. En général, on apprend sur le tas, en prenant le relais d’un exorciste qui va prendre sa retraite. Il y a aussi des congrès annuels, des associations d’exorcistes qui se retrouvent pour partager leurs expériences.
Qu’on y croie ou non, ce sujet fascine. Comment expliquer cela?
Il y a un engouement actuel pour le mal. On n’a qu’à voir tous les groupes qui chantent Death to Christ et que sais-je encore! C’est étonnant qu’on aille chercher du côté des ténèbres, non? Je crois que le malin est le symbole d’une sorte de pouvoir absolu. C’est cela qui fascine l’homme contemporain. Mais attention aux répercussions…
Jean-Christophe Laurence
La Presse
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