Le moins que l’on puisse dire, c’est que les propos de Nicolas Sarkozy sur la religion, dans ses discours au Latran, à Riyad et au Crif, ne laissent pas les Français indifférents. Si 56 % d’entre eux disent désapprouver ses propos sur « le rôle civilisateur des religions », ils restent aussi très partagés sur « les racines chrétiennes de la France » : ils sont en effet autant (49 %) à lui donner raison qu’à estimer qu’il a eu tort.

Jusque chez les catholiques, il s’en trouve un tiers pour ne pas le soutenir sur ce sujet. « Ou plutôt, s’ils sont d’accord, ils estiment que le président n’aurait pas dû le dire », avance Jérôme Fourquet. Directeur du département opinion publique de l’Ifop, il souligne l’importance de « replacer ce sondage dans un contexte où Nicolas Sarkozy n’est pas au plus haut ». Plus généralement, pour lui, « les Français estiment que Nicolas Sarkozy a violé une règle non écrite de la laïcité selon laquelle le président de la République ne doit pas tenir publiquement ce genre de propos pouvant apparaître comme du prosélytisme ».

Le grand enseignement de ce sondage est en effet la place importante que les Français accordent à la laïcité au sein du pacte républicain. Si le suffrage universel demeure « le » principe républicain par excellence pour 71 % des Français (41 % le donnent en première réponse), la laïcité vient immédiatement ensuite (58 %, dont 30 % en première réponse), loin devant la liberté syndicale, la liberté d’association ou la libre constitution des partis politiques.

{{La place de la laïcité est la même pour toutes les générations.}}

« Il y a une forte stabilité par rapport à 2003 : on est donc là face à quelque chose de solide et de structuré », estime Jérôme Fourquet, qui note que cette place de la laïcité est la même pour toutes les générations, avec toutefois une pointe chez les jeunes générations (70 %). « Comme quoi, la laïcité est loin d’être une valeur du passé », insiste-t-il.

Dans cet ensemble, seuls les catholiques pratiquants se distinguent : si 41 % reconnaissent l’importance de la laïcité, seuls 19 % la citent en premier, mettant beaucoup plus en avant le suffrage universel. « Sans doute le souvenir d’une mise en place difficile de la laïcité, suppose Jérôme Fourquet. La guerre scolaire n’est pas si loin derrière nous… »

Mais, pour lui, le clivage demeure surtout politique : « Quand on regarde bien les chiffres, suffrage universel et laïcité font jeu égal chez les sympathisants du PS et du PC – environ 35 % –, ce qui n’est pas le cas à droite : on a ici l’héritage de grands principes de la gauche autour de l’école laïque. À mon sens, déduit Jérôme Fourquet, les catholiques pratiquants réagissent moins comme catholiques que comme sympathisants de droite. »

Les catholiques pratiquants ne veulent d’ailleurs absolument pas revenir sur la loi de séparation entre les Églises et l’État. Car si 71 % des Français disent souhaiter garder « telle qu’elle est » la loi de 1905, les deux tiers des catholiques pratiquants sont du même avis. Même à droite, on ne trouve que 26 % des sympathisants à vouloir « réformer certains aspects de cette loi ». Sans préciser d’ailleurs l’ampleur de cette réforme. « Il y a un vrai consensus autour de cette loi, insiste Jérôme Fourquet. Nicolas Sarkozy a ici ravivé une guerre qui n’existait plus : il n’y a pas de demande en la matière. »

Nicolas SENEZE

21/03/2008

La Croix, http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2332714&rubId=786