La secte Raël a annoncé vouloir cloner une petite fille décédée il y a quelques mois et dont les cellules ont été conservées. Une cinquantaine de mères porteuses seraient prêtes à participer au projet.
Vêtu de blanc, ses cheveux dégarnis regroupés en un chignon au sommet du crâne, le chef d’une secte obscure se tenait devant une poignée de curieux dans un hôtel de Montréal. Il était sur le point de faire une déclaration qui, affirmait-il, prendrait valeur d’événement : son groupe, convaincu que le clonage humain est la clé de la « vie éternelle », avait trouvé un couple de riches Américains disposé à financer ses recherches visant à cloner pour la première fois un être humain.
La technologie est déjà au point pour les animaux
Leur chef, un Français qui se présente sous le nom de Raël, était ensuite rejoint par sa conseillère scientifique et par cinq jeunes femmes, quelques-unes des cinquante candidates de la secte prêtes à jouer les mères porteuses pour des embryons clonés. Le premier cloné, poursuivit Raël, serait l’enfant d’un couple d’Américains, une petite fille de 10 mois morte peu auparavant lors d’un accident médical et dont des cellules avaient été conservées. Brigitte Boisselier, directrice scientifique des raéliens, ajoutait : « Nous espérons pouvoir commencer dans les dix prochains jours. »
Les raéliens, qui pensent que les humains sont des clones d’extraterrestres, n’ont avancé aucun élément qui permettrait de savoir s’ils disposent des capacités médicales requises pour atteindre leur objectif ou s’il ne s’agit de rien d’autre que d’une opération publicitaire. Leur déclaration du 21 septembre dernier est pour ainsi dire passée inaperçue.
Mais, si nul ne sait si le groupe essaiera effectivement de cloner un humain, selon certains spécialistes familiers des récents développements dans ce domaine, tout le monde ou presque s’accorde à reconnaître que la technologie existante pourrait permettre une telle opération. Et une secte comme celle des raéliens est sans doute l’une des mieux placées pour la mener à bien.
Cela tient au fait que le principal obstacle n’est pas une question de capacité technique, mais plutôt qu’il faudra plusieurs grossesses avortées pour enregistrer un seul succès. S’ajoutant au malaise que le sujet provoque dans la société, cela a poussé la plupart des autorités scientifiques à rejeter l’idée. Mais une congrégation de fidèles convaincus prêts à accepter quelques dizaines de fausses couches en cours de route pourrait peut-être finir par cloner une personne en moins d’un an, reconnaissent certaines sommités du monde scientifique. « C’est une question de probabilités », explique George Seidel, spécialiste du clonage de l’université d’Etat du Colorado, à Fort Collins. « Il est tout à fait possible qu’à force de répétition ça finisse par marcher. »
20 donneuses et 50 mères porteuses pour un seul bébé
Le calcul est simple : une donneuse peut produire environ vingt ovules fertiles après un mois de traitement hormonal. Partons du principe que cinq seulement de ces ovules puissent se transformer en embryons clonés et viables, que deux soient transplantés sur chaque mère de substitution et qu’un embryon sur cent survive jusqu’à la naissance, autant de suppositions raisonnables fondées sur les données tirées d’expériences sur les animaux, toujours selon les scientifiques. Cela signifie qu’avec vingt donneuses et cinquante mères porteuses on a largement de quoi produire un clone humain. Ces chiffres ont amené certains experts à une conclusion surprenante : si l’on considère généralement les groupes religieux comme les adversaires les plus acharnés du clonage humain, c’est peut-être bien une secte qui, en fin de compte, constituera l’équipe idéale pour y parvenir. D’après les spécialistes, les humains seraient peut-être encore plus faciles à cloner que les autres animaux parce que la chimie de la reproduction humaine est parfaitement maîtrisée. « Des gens qui ont l’expérience de la fécondation in vitro seraient probablement à même de le faire », suppute Michael West, directeur de l’Advanced Cell Technology, une entreprise de biotechnologie du Massachusetts qui rejette le clonage humain à des fins de reproduction, mais clone des cellules d’embryons humains dans l’espoir de développer des traitements médicaux. « Tout est indiqué dans les publications scientifiques. Ça n’a rien d’ultrasecret. »
Le clonage implique la production d’un jumeau génétique à partir d’une cellule unique, comme une cellule de l’épiderme, prélevée sur un adulte. Depuis que des scientifiques écossais ont annoncé la naissance de la brebis Dolly, en 1997, premier mammifère cloné à partir d’un adulte, on a cloné du bétail, des souris et des cochons. La technique la plus simple consiste à avoir recours à un choc électrique pour fusionner une cellule de l’épiderme de l’animal que l’on souhaite cloner à un ovule dont les gènes ont été retirés. Cette cellule fusionnée commence à se transformer en un embryon génétiquement identique au donneur, et cet embryon est ensuite transplanté dans l’utérus d’une mère porteuse.
source courrier international .com