La commission parlementaire d’enquête sur les sectes présente, mardi matin 19 décembre, son rapport, intitulé "L’enfance volée, les mineurs victimes des sectes". Il est le troisième du genre : celui de 1995 était consacré au phénomène sectaire et celui de 1999 à l’argent des sectes. Le rapport 2006 souligne, lui, que les enfants sont une proie de plus en plus facile pour les sectes, et que l’engagement des pouvoirs publics contre les conséquences des dérives sectaires "s’avère très inégal".
La "commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs", présidée par Georges Fenech (UMP, Rhône) et mise en place en juin 2006, s’est intéressée à la fois aux enfants vivant actuellement dans les sectes et à ceux qui risquent d’être touchés par ce phénomène.
"60 000 À 80 000 ENFANTS" CONCERNÉS La commission s’alarme du nombre d’enfants concernés. Un des spécialistes interrogés parle d’un "minimum de 60 000 à 80 000 enfants élevés dans un contexte sectaire".
Elle a travaillé à partir des témoignages d’anciens adeptes, de fonctionnaires chargés de l’enfance, de magistrats, d’un pédopsychiatre. Elle met en exergue les méfaits de l’endoctinement et de l’enfermement psychologique, et insiste particulièrement sur les conditions de scolarisation et le suivi médical (profil psychologique, accès ou non aux transfusions sanguines et à la vaccination).
La commission propose cinquante mesures visant à mieux protéger les enfants. Elles concernent aussi bien l’éducation (redéfinition des critères autorisant l’instruction à domicile, contrôle des organismes d’éducation à distance), la santé publique (contrôle médical scolaire systématique quel que soit le type de scolarisation des enfants, unification des sanctions pour refus de vaccination des enfants, prise en charge des sortants des sectes, définition des "bonnes pratiques" des psychothérapeutes), l’intérieur (prendre davantage en considération l’intérêt de l’enfant dans le statut des associations cultuelles), la justice (droits des grands-parents, sanction de l’enfermement)…
PAS DE LISTE DES SECTES La commission n’a pas produit de liste des sectes mais elle en a défini les caractéristiques, dont la déstabilisation mentale, le caractère exorbitant des exigences financières, l’embrigadement des enfants, sans oublier l’"abus frauduleux de l’état d’ignorance ou de faiblesse". Des associations religieuses ont exprimé leurs réserves sur les travaux de la commission avant même qu’ils ne soient publiés, notamment l’Eglise de scientologie, qui réfute toute référence au mouvement sectaire, et la coordination des associations de particuliers pour la liberté de conscience (CAPLC), qui conteste les statistiques qu’auraient utilisées les parlementaires.
Les Témoins de Jéhovah, eux, hostiles à la transfusion, ont écrit aux membres de la commission pour rappeler qu’ils respectaient les lois de la République, que leurs enfants allaient à l’école publique, qu’il fallait respecter la liberté de culte et qu’ils estimaient devoir se trouver hors du champ d’investigation de la commission d’enquête parlementaire. Les Témoins de Jéhovah avaient été considérés comme une secte dans un précédent rapport parlementaire, en 1995.
Le monde