En matière d’hébergement d’images pédocriminelles, la Suisse occupe la quatrième place mondiale en raison d’une lacune juridique, que le Conseil fédéral souhaite désormais combler.
Jour après jour, ils scrutent les chambres virtuelles de l’horreurLes enquêteurs parcourent Internet à la recherche de traces de pornographie enfantine. Le commerce et la production de contenus pédocriminels représentent un gigantesque marché de plusieurs milliards. Interpol estime le chiffre d’affaires mondial à 18 milliards de dollars.
En Suisse aussi, le nombre de cas signalés est en augmentation. En 2023, les autorités ont reçu 14 420 annonces de pornographie interdite. Selon la Fondation Suisse pour la Protection de l’Enfant, il faut en moyenne trois minutes pour qu’un enfant reçoive des avances sexuelles claires sur des forums de discussion ou des jeux.
Malgré cette évolution, le Conseil fédéral a jusqu’à présent omis de combler un vide juridique. Au grand dam de la conseillère nationale fribourgeoise du Centre Christine Bulliard-Marbach. Et de demander:
«La Suisse doit suivre le rythme des mesures législatives prises dans le contexte européen»
Sinon, les enfants et les jeunes ne pourraient pas être aussi bien protégés contre la violence sexuelle numérique et les auteurs ne seraient pas systématiquement tenus de rendre des comptes.
Le Conseil fédéral y va doucement
Christine Bulliard-Marbach a donc déposé une motion en septembre pour que le Conseil fédéral comble ce vide juridique. Le Conseil fédéral est favorable à cette demande, comme il ressort de sa réponse à l’intervention publiée jeudi. Néanmoins, le gouvernement national ne semble pas être très pressé. Dans l’UE, la nouvelle base légale est déjà en vigueur depuis le début de l’année.
Concrètement, il s’agit de l’obligation de signaler les contenus pédocriminels. Aujourd’hui, cette obligation ne s’applique en Suisse qu’aux fournisseurs de services de télécommunication comme Swisscom. Ils doivent transmettre les sites interdits aux autorités de poursuite pénale et bloquer leur contenu.
La situation est différente pour les fournisseurs d’hébergement qui stockent le site web d’un client sur un serveur. Ils ne sont pas tenus de bloquer les contenus illégaux et de faire une déclaration. Certes, la branche a élaboré un code de conduite à ce sujet. Mais celui-ci ne va pas au-delà d’une autorégulation volontaire.
La Suisse au quatrième rang mondial
L’hébergement est d’une grande importance pour tout site web. En effet, ce n’est que grâce à lui que n’importe qui sur Internet peut accéder aux contenus. Les conséquences de cette lacune juridique sont d’autant plus graves. Dans un classement mondial, la Suisse occupe une quatrième place «déshonorante», pour reprendre les termes de Christine Bulliard-Marbach. Et d’ajouter:
«Seuls les Pays-Bas, les Etats-Unis et Hong Kong hébergent encore plus de pornographie interdite et d’images d’abus»
La centriste s’appuie sur une statistique de l’Internet Watch Foundation. Selon celle dernière, le nombre d’adresses de sites web hébergés dans notre pays sur lesquels des abus sexuels sur des enfants ont été découverts est passé de 637 en 2022 à 22 569 l’année dernière. Cela correspondait en 2023 à une part mondiale de 8%.
L’ONG basée en Grande-Bretagne attribue cette augmentation principalement à deux sites web qui hébergent tous deux des milliers d’images interdites.
L’organisation résume:
«Cela montre l’influence qu’un ou deux mauvais hébergeurs peuvent avoir sur la diffusion de matériel sur l’abus sexuel d’enfants attribué à un pays particulier.»
Le plus haut responsable de la cyberpolice a également apporté son soutien à la réforme de la loi.
«Si l’on est témoin de contenus suspects sur la toile, il doit y avoir une obligation de les signaler. Comme le ferait n’importe qui dans une cour de récréation en observant une maltraitance d’enfant.»
source : WATSON ch