Paris, France — Dans le cadre de la loi sur les dérives sectaires, députés et sénateurs ne sont pas mis d’accord au sujet de la création du délit de provocation à l’abandon de traitements. Les députés sont passés outre l’avis des sénateurs.
Le Sénat contre
La loi sur les dérives sectaires a de nouveau été débattue à l’Assemblée nationale, faute d’accord en commission mixte paritaire, les 19 et 20 mars dernier en seconde lecture. Pour rappel, cette loi avait été amputée par le Sénat d’articles considérés comme capitaux par les députés. Lesquels articles ont été réintroduits par les députés en février dernier.
Les députés ont rétabli le nouveau délit de sujétion psychologique ou physique de même que la nouvelle circonstance aggravante de sujétion psychologique ou physique. Ils ont également rétabli l’article 4 du projet de loi dédié aux dérives thérapeutiques et qui institue un délit de provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins.
Sur ce point, députés et sénateurs en commission mixte paritaire n’ont pas réussi à s’accorder. Ainsi, selon Lauriane Josende, rapporteure pour le Sénat, « s’il est incontestable que la promotion croissante de l’abandon de soins nécessaires à la santé ou l’adoption de certaines pratiques présentées abusivement comme bénéfiques à la santé appelle une réponse ferme des pouvoirs publics, nous avons été frappés par la fragilité juridique et les difficultés constitutionnelles qu’emporte la disposition proposée par le Gouvernement. Nous estimons que la nécessité de légiférer sur ce point n’est pas suffisamment établie.».
Aussi, malgré le fait que les lanceurs d’alerte aient été exclus du dispositif, « un équilibre satisfaisant [n’a pas été atteint] dans la conciliation entre l’exercice de la liberté d’expression et la liberté de choisir et de refuser des soins, et l’objectif de protection de la santé publique », souligne la rapporteure.
Particulièrement sévère, la rapporteure du Sénat juge que « les tentatives du Gouvernement pour répondre aux critiques du Conseil d’État et du Sénat aboutissent à des dispositifs soit trop larges soit inefficaces. Il apparaît particulièrement difficile de réunir des preuves permettant de caractériser et d’établir une provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins dans les conditions définies par cet article dans sa rédaction initiale ».
Un second point de blocage a été relevé par les sénateurs de la CMP, concernant les articles 1er et 2 du projet de loi : « La création d’un délit autonome réprimant le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d’altérer gravement la santé, indépendamment de tout abus éventuel, nous semble révélateur de deux défauts de conception de ce projet de loi. Celui-ci considère, d’une part, que les équilibres atteints dans la loi About-Picard visant à réprimer les conséquences des abus seraient obsolètes et insuffisants ; et, d’autre part, que l’ensemble des formes d’assujettissement ou d’emprise doivent être traitées de la même manière, au risque de fragiliser les dispositions pénales existantes, notamment en matière de violences conjugales. »
Pas question pour Brigitte Liso de brader le texte
Face à tant de blocages, l’Assemblée nationale a donc dû de nouveau débattre de ce texte, tout en considérant que les points de vue du Sénat et de l’assemblée à ce propos étaient irréconciliables. « Force est de constater que les positions de chaque chambre étaient trop éloignées pour qu’un compromis soit trouvé, ou même envisagé. J’avais fait de l’article 1er, qui crée un délit autonome de sujétion, et de l’article 4, qui sanctionne la provocation à l’abandon de soins, des lignes rouges. Je ne pouvais pas renier mes convictions et mettre à mal tous les efforts entrepris depuis six ans pour défendre les victimes en cherchant un accord à tout prix et en bradant le texte – je n’ai pu m’y résoudre, c’était impossible ! », a notamment déclaré Brigitte Liso , membre de la CMP et rapporteure du texte, à l’Assemblée nationale ce 19 mars.
Pour Brigitte Liso, « l’article 4 est encadré et borné par des critères stricts : le traitement proposé doit être présenté comme bénéfique pour la santé ; les pressions et manœuvres doivent être réitérées ; les chances de guérison du malade doivent être avérées ; l’intentionnalité du délit doit être appréciée par le juge ».
Nouveaux amendements
L’Assemblée nationale a donc débattu de son texte, sans tenir compte des remarques de la commission mixte paritaire. Toutefois, comparé à la version adoptée en février par l’Assemblée, ce texte a de nouveau été enrichi.
Dans le cadre de la mise en œuvre d’une politique de prévention et de lutte contre les dérives sectaires, un amendement adopté intègre la sensibilisation aux dérives thérapeutiques et sectaires dans les programmes de l’enseignement secondaire.
Dans l’article 4A, les députés ont supprimé la peine de bannissement des services de communication en ligne, pour exercice illégal de la médecine.