LE “COEUR DU TEXTE”, VOIRE SA RAISON D’ÊTRE
Présenté le 15 novembre 2023 et très attendu par les associations spécialisées et par les victimes, ce projet de loi provoque des remous. Examiné en première lecture par le Sénat à la fin de décembre, ce texte a pourtant été largement dénaturé et vidé de sa substance par la Chambre haute. Malgré quelques ajouts intéressants, dont l’inscription dans la loi de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), plusieurs articles importants pour les acteurs du secteur – notamment pour les victimes – ont été supprimés par les sénateurs.
Alors que l’Assemblée nationale a entamé, mardi 13 février, l’examen du projet de loi visant à « renforcer la lutte contre les dérives sectaires », le gouvernement et sa majorité relative ont été mis en minorité sur l’instauration d’un délit visant à punir spécifiquement les dérives à caractère thérapeutique. Cet article, qui constituait le cœur du texte, a été supprimé.
Par ce choix, l’Assemblée s’est ainsi inscrite dans les pas du Sénat, auquel le texte avait été soumis en premier en fin d’année dernière, qui avait lui aussi retoqué l’article 4 du projet de loi, spécifiquement dédié aux dérives thérapeutiques avec la création d’un nouveau délit visant à punir « la provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique », ainsi que « la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique », lorsque dans un cas comme dans l’autre ces incitations peuvent être dangereuses pour la santé. Après avoir été rétabli en commission le 7 février, l’article 4 a donc été supprimé dans l’hémicycle.
Tout avait pourtant plutôt bien commencé pour le gouvernement et sa majorité relative, qui étaient parvenus à rétablir l’article 1, également supprimé par le Sénat, faisant émerger un autre nouveau délit afin de réprimer « le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique ». Les sénateurs avaient notamment jugé ce délit superfétatoire au regard de celui qui concerne l’abus de faiblesse. « Avec ce délit, nous souhaitons agir en amont de l’abus de faiblesse », a indiqué la secrétaire d’Etat à la Citoyenneté, Sabrina Agresti-Roubache, en regard notamment des « nouvelles formes de dérives sectaires ».
les députés ont, en outre, adopté un amendement porté par Marie Pochon (Ecologiste) et soutenu par la rapporteure, afin d’exclure du bénéfice des dons ouvrant droit à des avantages fiscaux les organismes condamnés pour abus de faiblesse ou sujétion.
Un consensus de courte durée : une alliance de circonstance fait tomber l’article 4 spécifiquement dédié aux dérives thérapeutiques. Contre l’avis du gouvernement et contre les groupes de la majorité présidentielle, auxquels se sont joints les députés du groupe Socialistes, les amendements de suppression de l’article 4 – présentés par des députés Les Républicains, Rassemblement national, Gauche Démocrate et Républicaine, ainsi que LIOT – ont été adoptés à 8 voix près ( 116 Pour, 108 Contre ). La séance ayant été levée quelques minutes plus tard, les débats après l’article 4 ont repris dans l’hémicycle ce mercredi 14 février 2024 après-midi
À l’issue d’une seconde délibération, entrecoupée de nombreuses suspensions de séances et de rappels au règlement, l’article 4 a finalement été voté par les députés, mercredi 14 février, à l’issue d’une nouvelle rédaction, prenant en compte les critiques adressées, selon la rapporteure Brigitte Liso, par 182 voix pour et 137 contre.