Poudre de bois de cerf, pollen, collagène, céleri, oméga 3 et minéraux…. Autant d’ingrédients que l’on peut observer à travers ce grand verre transparent de la marque Erewhon, qui fait la couverture du New York Magazine. Cette boisson “super saine” et super en vogue aux États-Unis fait l’objet de l’enquête très fouillée de la journaliste Kerry Howley. À l’occasion de l’ouverture de la dixième boutique du pays, à Pasadena, elle a retracé l’histoire des épiceries Erewhon.
Que diriez-vous si l’on vous racontait que des centaines d’influenceurs font la queue pendant des heures simplement pour goûter à ce smoothie et le poster sur TikTok ? Et si l’on vous disait que les Kardashian jouent des coudes avec Hailey Bieber pour mettre la main sur un gel de mousse de mer censé booster leur santé ? Si cela vous étonne, attendez la suite.
Le mythe du remède miracle
Des hordes de jeunes hippies reclus dans un appartement pour suivre des conférences sur le régime alimentaire idéal pour le système immunitaire. Des travailleurs esseulés à qui l’on conseille de manger de la viande crue pour éviter le burn-out. Des femmes qui se forcent à n’uriner que deux fois par jour pour éviter un cancer. C’est la réalité de milliers de personnes charmées par le “phénomène Erewhon” aux États-Unis.
Si la plupart des clients d’Erewhon se contentent de siroter le dimanche des jus revitalisant, ce mode de vie extrême est encore aujourd’hui considéré comme un “remède miracle” contre toute forme de maladie, explique Kerry Howley. Il faut dire que le mythe ne date pas d’hier : il a cinquante-sept ans. En 1966, Aveline Yokoyama et Michio Kushi, deux utopistes japonais qui ne juraient que par les régimes macrobiotiques, ont ouvert leur toute première boutique à Boston, à base de “céréales et de graines en vrac”. Le succès n’a pas tardé. “C’était le seul endroit de la côte Est qui proposait des produits naturels, avec une bonne traçabilité”, rapporte l’article.
Fabrique de contenus TikTok
“Ça a toujours été bien plus qu’une simple épicerie. Erewhon est à la lisière du commerce et de la secte.” Kerry Howley, qui a rencontré ceux qui ont connu les débuts de l’entreprise, ne cache pas son scepticisme quant à l’image idéalisée d’Erewhon. Elle fait remarquer que son nom est d’ailleurs une référence à Nowhere, la dystopie de Samuel Butler dans laquelle les habitants sont punis lorsqu’ils tombent malades. “L’épicerie la plus en vogue des États-Unis, la Mecque américaine du bien-être, aurait-elle été baptisée en hommage à l’idée d’enfermer les malades ?” s’interroge-t-elle.
Aujourd’hui, la marque Erewhon est bien plus qu’un “repère de fanatiques de la santé” : avec une moyenne d’un million de dollars de ventes par semaine, c’est une fabrique géante de “contenus TikTok”, des boissons saines glamourisées, faites pour plaire à “l’influenceur moyen”, et donc aux foules. Et cela tombe bien, Erewhon prévoit désormais de conquérir New York.