Fini, les vidéos qui promettent la guérison d’un cancer grâce… À des tisanes, pendule, ou autres protocoles toujours plus douteux ? YouTube a annoncé ce 15 août la suppression de vidéos contenant de fausses informations médicales, dont le volume a explosé depuis la pandémie de Covid-19, sur la plateforme comme sur les autres réseaux sociaux. Un exemple ? Des centaines de vidéos vantant les bienfaits de la chloroquine y sont apparues, même après que l’efficacité et la dangerosité de ce traitement contre le coronavirus ont été démontrées.
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Objectif affiché du site : « Garantir que, lorsqu’il s’agit de domaines de consensus scientifique bien étudiés, YouTube n’est pas une plateforme de diffusion d’informations susceptibles de nuire aux personnes ». Le plan d’attaque est clair : les contenus « contredisant les autorités sanitaires locales ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS) » seront tout bonnement supprimés.
MESURE RADICALE
Les liens potentiels entre les affections évoquées et « un risque élevé pour la santé publique » seront également évalués. Youtube assure aussi que« les contenus qui contredisent les directives des autorités sanitaires sur la prévention et la transmission de conditions de santé spécifiques » disparaîtront évoquant notamment les contenus faisant la promotion d’une substance nocive. Les vidéos encourageant « les remèdes non éprouvés au lieu de consulter un médecin pour des conditions spécifiques, comme la promotion du chlorure de césium comme traitement du cancer »sont aussi dans le viseur.
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En France, plusieurs pseudo-thérapeutes sont justement sous le coup de la justice après avoir fait la promotion de « protocoles » dangereux, à l’instar du naturopathe crudivoriste Thierry Casasnovas – récemment placé en garde à vue pour « emprise mentale », « exercice illégal de la médecine » et « escroquerie » – alors que d’autres sont même visés après les décès de clients qu’ils avaient détournés de leur traitement. La plateforme dit vouloir s’attaquer aux fausses informations médicales de manière générale, prenant pour exemple les contenus « qui nient que des personnes soient décédées du Covid-19 ».
Cette évolution devrait permettre d’éviter que ces vidéos ne convertissent de nouveaux adeptes à des pratiques dangereuses pour la santé, estime Pierre de Brémond d’Ars, président du collectif No FakeMed, qui alerte sur les pratiques médicales non conventionnelles. « Ceux qui vont déjà chercher ce genre de contenus pourront les trouver ailleurs », argue le médecin, ajoutant que « l’objectif est surtout que des internautes n’y étant pas encore sensibles ne tombent dessus ». « Mais il y a aussi un risque de radicaliser certaines personnes avec cette décision extrême, qui pourraient se braquer et se ranger définitivement du côté des pratiques alternatives », prévient Francine Caumel, vice-présidente nationale du Centre contre la manipulation mentale (CCMM).
CENSURE OU DÉCISION AVANT-GARDISTE ?
Il n’en fallait pas plus pour donner du grain à moudre à la sphère complotiste, qui crie à la « censure » et à la « propagande ». La mesure radicale de YouTube a même fait réagir le nouveau patron de Twitter – pardon, X. « !! » a répondu Elon Musk en commentaire à une succession de tweets déplorant que « cette politique sera appliquée de manière arbitraire ». Connu pour sa défense de la liberté d’expression, Elon Musk est loin d’avoir fait de la lutte contre la désinformation sa priorité.
« Voilà que YouTube veut effacer tout contradictoire sur sa plate-forme », écrit un autre internaute sur le même réseau, mentionnant Silvano Trotta, devenu égérie de la désinformation à la faveur de la crise sanitaire. « Le harcèlement de l’Ordre des Médecins contre les médecines naturelles redémarre de plus belle », se plaint un internaute sur une boucle Télégram « de soutien à Thierry Casasnovas ». Le gourou du cru comptabilise près de 600 abonnés sur Youtube, auxquels il promet guérison grâce à des jus.
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Un article à propos de la décision a été partagé sur un autre fil Télégram qui porte le nom de la chaîne Youtube de Thierry Casasnovas, RGNR. S’ensuivent des dizaines de commentaires : « Censure quand tu nous tiens… ! » ; « Quelle honte… Ils sont à vomir », s’échange-t-on, tout en appelant au « courage » face à « l’autoritarisme ». Réponse du responsable du fil : « vous les trouverez toutes [les vidéos de Thierry Casasnovas] sur Crowdbunker [site d’hébergement de vidéos « alternatif »] notamment ». Quand la lutte contre la désinformation prend son temps, les charlatans prennent les devants.
De leur côté, les acteurs de la lutte contre la désinformation scientifique et médicale félicitent la plateforme pour sa décision et son « engagement ». De fait, lors des Assises des dérives sectaires qui se sont tenues en mars dernier, plusieurs associations et collectifs avaient insisté sur la nécessité de réguler la transmission d’informations à caractère douteux en matière de santé sur les réseaux sociaux. « C’est une position avant-gardiste » se réjouit de son côté Pierre de Brémond d’Ars. Les autres réseaux sociaux suivront-ils le même chemin ?
source : marianne.net