Aron Rosner écope de 9 mois de prison pour l’enlèvement de deux enfants en 2018. Cette affaire a conduit les dirigeants de Lev Tahor en prison et abouti à la dissolution du groupe
NEW YORK – Le complice d’un enlèvement perpétré par la secte juive Lev Tahor a été condamné à une peine de prison à domicile par un tribunal fédéral américain, vendredi.
L’affaire s’est terminée par la dispersion du groupe et l’emprisonnement de ses principaux dirigeants.
A la peine prononcée contre Aron Rosner – neuf mois en détention à domicile – s’ajoute un an de liberté surveillée, en raison de son implication dans l’enlèvement de deux enfants au domicile de leur mère, à New York en 2018.
Il avait été interpellé peu de temps après les faits, en 2018, et avait déjà passé 34 jours en prison.
Le juge Nelson S. Roman, du tribunal du district sud de New York, a parlé de « crime horrible » et de « conspiration criminelle grave » lors du prononcé de la peine de Rosner vendredi.
« Vous avez enlevé deux mineurs à leur mère. Ces enfants ont vécu quelque chose d’effroyable », a déclaré Roman.
La peine de Rosner a été sensiblement allégée à la faveur de son accord de plaider-coupable, de son attitude coopérative avec les enquêteurs, des remords qu’il a exprimés et de ses obligations familiales, compliquées par la prise en charge de jumeaux atteints de trisomie 21.
« Je suis infiniment désolé et honteux », a déclaré Rosner au tribunal.
« Les mots me manquent pour exprimer ma tristesse, considérant ce que j’ai fait. »
« Je veux être utile à la société et respecter la loi. S’il vous plaît, donnez-moi une chance de rester auprès de mes enfants et de mon épouse, et de faire de mon mieux pour leur bien-être », a-t-il déclaré.
D’autres accusés, dont des membres de la famille de Rosner, ont été condamnés à des peines beaucoup plus sévères, jusqu’à 12 ans de prison pour le chef de la secte, Nachman Helbrans. Deux autres membres de la secte ont été incarcérés à New York après avoir été extradés du Guatemala l’an dernier.
Contrairement aux autres accusés, Rosner n’était pas membre de la secte, dont les membres vivaient au Guatemala au moment du crime.
Rosner a apporté une aide logistique aux ravisseurs en mettant à disposition son bureau pour la préparation du kidnapping, en leur prêtant un véhicule pour acheter des déguisements, en leur donnant des conseils pour contacter les enfants, en les aidant à éviter les forces de l’ordre, en leur achetant des téléphones, en les aidant à communiquer pendant l’enlèvement et en leur envoyant 3 500 dollars.
Rosner était passible d’une peine de plusieurs années de prison, mais les procureurs ont finalement requis 12 mois et un jour, en raison de sa coopération partielle à l’enquête.
Il a plaidé coupable, l’an dernier, en ce qui concerne le chef d’accusation d’enlèvement international.
« Les faits sont terribles, terribles », ont déclaré les procureurs.
« Le rôle de l’accusé a été essentiel. »
Ils ont également fait valoir que, puisqu’il n’était pas membre de la secte, il ne pouvait pas arguer avoir subi un lavage de cerveau, comme d’autres accusés l’ont fait.
« Il savait exactement ce qu’il faisait », ont déclaré les procureurs au tribunal.
Des membres de la secte ont en effet enlevé une jeune fille âgée de 14 ans et un garçon de 12 ans à leur mère, dans le village de Woodridge, dans le nord de l’État de New York. Ils les ont clandestinement fait passer au Mexique pour que la jeune fille retrouve son « mari » adulte, Jacob Rosner, l’un des parents d’Aron Rosner, avec qui elle avait été mariée lors d’une cérémonie religieuse un an auparavant.
Jacob Rosner avait épousé la jeune fille kidnappée quand elle avait 13 ans et lui, 18.
Le mariage contracté au Guatemala était illégal et n’a ainsi jamais été officiellement reconnu.
Après le mariage, la mère de la jeune fille a quitté la secte et s’est enfuie à New York pour mettre en sécurité ses trois enfants.
Les procureurs américains ont déclaré que Lev Tahor organisait régulièrement des mariages illégaux entre de très jeunes filles et des hommes adultes.
La direction du groupe « exigeait que les jeunes mariées aient des relations sexuelles avec leurs maris, disent aux personnes extérieures à Lev Tahor qu’elles n’étaient pas mariées, fassent semblant d’être plus âgées et accouchent chez elles – et non à l’hôpital -, pour cacher leur jeune âge », ont déclaré les procureurs.
Certains accusés ont assuré que la mère avait indûment retiré les enfants de la communauté de Lev Tahor et qu’ils avaient ainsi tenté de les sauver. Tout le reste n’aurait été qu’une affaire de chasse aux sorcières pour des motifs religieux.
La secte extrémiste ultra-orthodoxe Lev Tahor a été fondée à Jérusalem par le rabbin Shlomo Helbrans dans les années 1980.
Le groupe s’est réfugié au Canada, puis au Guatemala en 2014, après avoir fait l’objet d’une enquête des autorités canadiennes pour des faits de maltraitance et de mariage de mineurs.
Nachman Helbrans, le fils du fondateur, a repris la direction du groupe en 2017, après la noyade de son père, au Mexique, dans des circonstances peu claires.
L’enlèvement et le procès ont plongé la secte dans un profond désarroi et ses membres se sont dispersés un peu partout dans le monde. La plupart de ses membres se trouveraient en Amérique latine, en Europe et aux États-Unis. En juillet 2022, deux de ses représentants se sont rendus au Maroc en vue d’une possible installation.
Fin 2022, une vingtaine de membres ont été arrêtés au Mexique, mais un certain nombre d’entre eux se sont échappés et d’autres ont été libérés, faute de preuves.
L’organisation Lev Tahor Survivors (NDLT : « Rescapés de Lev Tahor ») estime le nombre de membres de la secte à quelque 300/350 personnes. Un de ses membres a déclaré au Times of Israel que Lev Tahor était dirigé par une vingtaine d’ « agresseurs » qui retenaient la plupart des autres contre leur volonté.
De nombreux membres de Lev Tahor Survivors, issus de communautés juives religieuses, ont accueilli des dissidents de Lev Tahor.
Les objectifs, agissements et projets de Lev Tahor, groupe notoirement antisioniste, sont peu clairs.
Plusieurs dizaines de ses membres se sont rendus dans les Balkans en 2022 et certains ont même demandé l’asile politique en Iran en 2018 et prêté allégeance au guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei.
Les membres de Lev Tahor sont souvent qualifiés de « talibans juifs », en raison de l’obligation faite aux femmes et aux filles de plus de trois ans de porter de longues robes noires couvrant tout leur corps, et souvent même leur visage.
Les hommes passent leur journée à prier et étudier des parties spécifiques de la Torah. Le groupe fait une lecture extrême et idiosyncratique de la casheroute.
source :
https://fr.timesofisrael.com/lev-tahor-le-complice-dun-enlevement-denfants-condamne-a-de-la-prison/
The Times of Israel
Par LUKE TRESS
8 janvier 2023