Alors que la mini-série documentaire « Keep Sweet : Obey and Pray », qui se centre sur un mouvement mormon intégriste et polygame, fait un carton sur Netflix, la plateforme regorge de documentaires plus ou moins sensationnalistes sur des faits-divers hors-normes
La mini-série documentaire Keep Sweet : Prie et tais-toi connaît un énorme succès sur Netflix.
- La plateforme de streaming a déjà produit de nombreuses séries du même ordre, avec toujours la même recette mêlant faits divers anciens et montage sensationnaliste.
- 20 Minutes a cherché à comprendre comment fonctionnaient ces enquêtes en série.
En quelques secondes, il y a de quoi être happé : un montage dynamique, des témoignages plus incroyables les uns que les autres, le fin fond d’un état américain arride et des chapeaux de cow-boys… Mais surtout, une sombre histoire de mouvement mormon intégriste et polygame (L’Église fondamentaliste de Jésus-Christ des saints des derniers jours), dont le chef multimillionaire aurait manipulé toute une communauté, exploitant femmes et enfants, notamment par des mariages forcés et des violences sexuelles. Keep Sweet : Pray and Obey, ou « Prie et tais-toi » en VF, est la nouvelle série documentaire de Netflix qui fait beaucoup réagir sur les réseaux sociaux.
Ce n’est pas le seul documentaire basé sur des histoires de sectes, de gourous, ou de mouvements flous que Netflix a produit et mis en ligne sur sa plateforme. Ces dernières années, les documentaires basés sur des faits réels ont un succès fou, de l’Arnaqueur de Tinder au Fyre Festival en passant par Grégory, sur le célèbre fait divers français. Les spectateurs se passionnent pour les faits divers, les histoires sordides, et encore plus que cela inclut du paranormal ou de l’incompréhensible, comme les histoires se centrant sur des sectes et mouvements spirituels.
Pourquoi est-on fasciné par ces histoires ?
Pour comprendre cet engouement, il faut revenir à l’essence même de ces mouvements marginaux, qu’ils soient sectaires, spirituels ou complotistes. « Quand on voit ce type de mouvements, on trouve ces gens-là un peu farfelus : on se dit qu’ils manquent de connaissances, de sens critique. Comme si pour croire à l’incroyable, il fallait être un humain diminué… Ce qui est faux » analyse Romy Sauvayre, sociologue des sciences et des croyances, professeure à l’Université Clermont Auvergne et au CNRS. Sur les réseaux sociaux, depuis plusieurs années, la mode est au True Crime, ces vidéos YouTube ou podcasts relatant des faits divers et des histoires de tueurs en série. Selon la sociologue, cet attrait pour les mouvements sectaires tiendrait de la même fascination : « Tout ce qui sort de la norme est interpellant ».
L’engouement est double quand cela inclut des histoires sordides, notamment de pseudo-guérisseurs, de violences sexuelles, de rituels macabres. « Le manipulateur, de manière générale, fascine depuis toujours. La psychologie s’y intéresse depuis les années 1950 ! Être manipulé, c’est se laisser guider à l’encontre de son bien-être et de sa rationalité » rappelle Romy Sauvayre. Souvent, ces documentaires s’appuient sur des histoires qui ont plus de vingt ans, « l’effet de génération permet l’oubli, et désormais on peut en reparler » explique la sociologue. Si on rajoute à ça un personnage charismatique, et une narration efficace, c’est le bingo assuré du bon fait divers.
Une narration à la sauce Netflix
Car on ne raconte pas une histoire sur Netflix comme dans une émission télévisée classique. Le format des documentaires produits par la plateformes est calibré pour retenir l’attention des spectateurs et les garder jusqu’au bout, en ajoutant du divertissement au réel. Le montage est ainsi hyper rapide et millimétré, des reconstitutions sont parfois mises en place, et les témoignages se mêlent aux images d’archives pour plus de réalisme.
« Les témoignages notamment rendent les choses plus réelles, donc plus immersives » note Romy Sauvayre. Si on y rajoute des histoires déjà hors-norme, jouant sur les peurs et questions existentielles de l’être humain (la vie, la mort, l’amour, la religion, l’argent), on a tout les éléments pour obtenir une production culturelle qui va fasciner les spectateurs. Cependant, la narration et le montage de ces documentaires est le fruit d’un biais de regard : de nombreuses personnes avaient critiqué la narration du documentaire sur le petit Grégory, l’accusant de donner un avis sur le présumé coupable, alors que l’affaire n’a toujours pas été élucidée par les enquêteurs. Il faut donc continuer à prendre ces documentaires pour ce qu’ils sont, c’est à dire une oeuvre culturelle avec un point de vue situé.
Et maintenant, on regarde quoi ?
Cet article a peut-être relancé votre envie de vous plonger dans des histoires vraies hors du commun, des faits divers aux enquêtes qu’on a du mal à croire. Petite sélection des documentaires Netflix qui ont retenu notre intérêt
Keep Sweet : Obey and Prey
Des dizaines de jeunes filles en robes roses, à la chevelure tirée à quatre épingles, sauvées d’un ranch du sud des Etats-Unis. Et à sa tête, un chef intégriste polygame qui a manipulé et abusé de centaines de personnes pendant plus de trente ans. Cette mini-série documentaire en plusieurs épisodes est glaçante, et nourries d’images d’archives et de témoignages poussés.
Notre Père à Tous (Our Father)
Un jour, une jeune américaine décide faire un test ADN… Et se retrouve avec plus d’une dizaine de demi-frères et demi-soeurs décimés dans le pays. Rapidement, ils se rendent compte qu’ils ont un point commun : ils sont tous le fruit d’une insémination artificielle, pratiqué par un seul et même médecin.
The Keepers
C’est l’histoire de deux quinquagénaires qui tentent, grâce à un groupe Facebook et leurs connaissances de détectives en herbe, d’élucider le meurtre d’une de leurs anciennes professeures, religieuse dans une école de jeunes filles. Et qui découvrent, sur le chemin, beaucoup de secrets cachés. Attention, ce documentaire contient des scènes de violences sexuelles.
Les Rois de l’Arnaque
C’est un personnage comme on en rencontre peu : Marco Mouly, tantôt flambeur, tantôt escroc, au bagou bien affirmé, est l’un des roi du quartier de Belleville. Ce documentaire hallucinant montre toutes les ficelles de plus de cinquantes années d’arnaques plus ou moins bien dissimulées. On rit beaucoup, et on peut même se retrouver à avoir un peu d’empathie pour celui qui a été en prison pendant plusieurs années.
Wild Wild Country
Cette fois-ci, on passe côté yoga, énergies positives et bioterrorisme : le documentaire Wild Wild Country revient sur l’installation du gourou Bhagwan Shree Rajneesh et de ses milliers de disciples dans un village conservateur des Etats-Unis.
Les femmes et l’assassin
Une histoire française pour finir, et pas des plus réjouissantes : celle du tueur en série de l’est parisien Guy Georges, qui a tué et violé plusieurs jeunes filles dans les années 1980 à 1990. Le documentaire suit sa capture à travers la figure de deux femmes, l’une cheffe de police, et l’autre mère d’une des victimes. Attention, ce documentaire traite des questions de violence sexuelle.