L’acteur cartonne dans Top Gun : Maverick. Cela ne l’empêche pas d’être pointé du doigt pour son appartenance à l’Église de la scientologie.
Avec 1 milliard de dollars de recette au box-office mondial, il est clair que Top Gun est le film le plus rentable de Tom Cruise depuis qu’il a débuté sa carrière. Et encore ce n’est qu’un début. Une fois atteint sa vitesse de croisière, cette super-production aéro-militaire pourrait bien donner le tournis en générant bien plus de profits. La star américaine a donc, c’est évident toutes les raisons d’être au septième ciel.
Seulement voilà, récemment deux personnalités sont venues plomber les états de services et le tableau de chasse professionnel du « bogosse » sexagénaire. Deux braves qui n’ont jamais craint d’afficher publiquement le rôle de Mr Cruise dans l’Église de la scientologie et qui ont mis en garde celles et ceux qui avaient tendance à dresser des portraits dithyrambiques de l’action man yankee. Ainsi, Claire Headley, une ancienne membre de la scientologie, publiait récemment un message en forme de Scud sur les réseaux sociaux dans lequel elle rappelait « les crimes contre l’humanité » de l’acteur. « Vous trouvez mes propos extrêmes ? Détruire des familles est pour moi un crime contre l’humanité. C’est mon opinion. […] Tom fait la promotion d’une secte dangereuse qui a détruit ma famille, la même secte qui m’a presque coûté mon mariage et ma vie », a-t-elle écrit. Des propos validés par Leah Remini, qui a partagé le message de Claire Headley, en torpillant, à son tour Tom Cruise sans faire de sommation. « Merci à mon amie Claire Headley pour ton courage. Tu continues à t’exprimer malgré les attaques constantes de la scientologie. Et comme Claire l’a dit dans son message, Tom Cruise sait exactement ce qu’il se passe dans la scientologie. Ne vous laissez pas avoir par son charme de star de cinéma. » Rappelons qu’en 2015, deux ans après avoir quitté l’Église, l’actrice américaine avait publié un livre intitulé : Leah Remini, Troublemaker : Surviving Hollywood and Scientology, dans lequel elle racontait son expérience pour le moins traumatisante lorsqu’elle faisait partie du mouvement.
En mars 2018, nous avions rencontré celle qui ose braver cette organisation controversée. Force est de constater qu’elle était déjà en mode commando et qu’elle ne retenait pas ses coups.
Qu’est-ce qui vous a poussé à abandonner l’église de la Scientologie ?
« Cela a commencé au mariage de Tom Cruise avec Katie Holmes. Comme c’était le mariage du siècle aux yeux de l’Église, je me suis retrouvée au milieu des plus haut ‘dignitaires’de la scientologie. Y compris David Miscavige qui en est le dirigeant actuel. Comme je ne voyais pas l’épouse de David Miscavige, une amie de longue date, qui était toujours à ses côtés d’ordinaire, j’ai commencé à poser des questions. Personne ne me répondait. Je me suis donc rendue par la suite à l’Église et j’ai demandé au porte-parole de l’époque, Tom Davis : ‘Mais où est Shelly ? Je pense que c’est bizarre qu’elle ne soit pas là.’ Il m’a répondu : ‘Vous n’avez pas le rang pour poser des questions sur la femme du chef.’ J’ai été envoyée ensuite… pour une reprogrammation. Tout ça pour avoir demandé où était l’épouse de Miscavige. Je venais d’ouvrir une boîte de Pandore. J’ai quitté la scientologie en 2013 et jusqu’à aujourd’hui je n’ai jamais revu mon amie. J’ai même déposé un rapport de personne disparue auprès du département de police de Los Angeles, mais la LAPD (police de Los Angeles, NdlR.) a déclaré qu’il était ‘sans fondement’et le dossier a été classé. »
Cela vous a amené à vous poser encore plus de questions ?
« J’ai commencé à chercher sur Internet ce qui est interdit. Il faut savoir que si vous effectuez des recherches sur la Toile ou si vous lisez des livres et des articles qui s’opposent ou qui dénoncent la scientologie, vous êtes mise à l’index. Si vous posez des questions ou dites du mal de David Miscavige ou de Tom Cruise, vous êtes immédiatement envoyé en interrogatoire. Tom Cruise est bien plus qu’un acteur, c’est l’un des plus actifs et plus fidèle dignitaire de l’Église. Il est vénéré, idolâtré, car, grâce à son aura, il est un des ambassadeurs les plus charismatiques également. Très vite, j’ai compris qu’il y avait une énorme disparité entre la vitrine et ce qui se passait dans les cuisines. Ce qui est censée être une organisation religieuse est en réalité une entité qui punit ses membres quand ils se montrent trop curieux. En effectuant mes recherches, j’ai découvert que parmi les anciens cadres de la scientologie, certains affirmaient qu’ils avaient été maltraités. D’autres, qu’ils avaient été retenus contre leur gré. Des femmes expliquaient qu’on les avait forcées à avorter. J’ai commencé à interroger la scientologie sur ces allégations. Ensuite, je me suis intéressée à ces sites Web qu’ils publiaient contre ces personnes qui dénonçaient la scientologie. Il m’a fallu six ans pour sortir et comprendre dans son ensemble ce que cette organisation faisait aux gens depuis sa création en 1950. Tapez ‘Paulette Cooper’sur Google (née en 1942 dans le camp de concentration d’Auschwitz, en Pologne, c’est une écrivaine américaine connue pour avoir été la première personne à dénoncer dans un livre les pratiques de la scientologie ainsi que d’avoir souffert des répercussions que sa lutte contre cet organisme a occasionnées, NdlR.). Tapez aussi ‘Gabe Cazares’, ce maire de Clearwater en Floride, qui critiqua ouvertement la scientologie. L’organisation avait alors mené une campagne visant à détruire sa réputation et sa vie personnelle. »
Comment êtes-vous devenue scientologue ?
« Ma mère, Vicki, est devenue scientologue parce qu’après son divorce, elle cherchait quelque chose à quoi se raccrocher. Il faut croire que les préceptes de L. Ron Hubbard l’ont séduite. Elle nous a embarqués, ma sœur et moi, dans cette aventure. J’étais encore une enfant quand nous avons déménagé à Clearwater, en Floride, au siège de l’Église de la scientologie. Ma sœur Nicole et moi avons dû arrêter l’école traditionnelle pour étudier la foi des scientologues. Et à plein temps s’il vous plaît. À la même époque, nous avons dû signer un contrat qui nous obligeait pendant… un milliard d’années à servir l’Église. Il faut savoir que la scientologie croit en la réincarnation. Ils voulaient donc s’assurer que nous étions ‘corvéables’jusqu’à la nuit des temps. Un peu plus tard, avec ma sœur, nous avons été pointées du doigt par des responsables scientologues. On nous reprochait d’avoir fréquenté des garçons. Nous avons évité de justesse d’être envoyées dans le Réhabilitation Project Force, le camp de rééducation ou de redressement de l’Église. Les membres qui n’ont pas agi selon les attentes de l’Église de la scientologie, qui ont échoué à une inspection de sécurité ou qui ont violé certaines politiques doivent en passer par là. C’est une punition assez sévère pour un adulte, sans parler d’un enfant. Cet épisode a conduit ma mère à nous retirer de la Sea Org. La Sea Org est comme une organisation militaire. Vous vivez dans des locaux exigus et vous travaillez de 8 h 30 le matin jusqu’à 23 h 30 pour un salaire de misère. »
Est-il vrai que la scientologie vous a demandé un jour de donner des cours de danse à Tom Cruise ?
« Oui. J’ai été convoquée par le secrétariat de Tom Cruise car ce dernier voulait que je lui apprenne, ainsi qu’à sa petite amie de l’époque, Katie Holmes, à danser la salsa. Je me suis rendue chez lui et, là, j’ai trouvé un Tom Cruise aussi exubérant que ce jour où, au cours d’une émission, il a sauté sur le canapé de Oprah Winfrey. Il n’arrêtait pas d’embrasser de force Katie. À un moment, je lui ai balancé : ‘Prends une putain de chambre.’. Mon Dieu, qu’est-ce que je n’avais pas dit. J’ai été dénoncée par un officiel qui était présent parce que j’avais enfreint les règles. Dites-vous bien que critiquer Tom Cruise, cela revient à critiquer la scientologie elle-même. »
Avez-vous pu garder des relations cordiales, même distantes, avec Tom Cruise et John Travolta ?
« La politique de la scientologie est qu’une fois que vous vous exprimez contre eux, ils ne sont pas autorisés à vous parler. Donc, on ne me parle pas, on ne fait que m’attaquer. »
Vous laissez entendre que la scientologie n’hésite pas à traquer celles et ceux qui ternissent l’image de leur organisation ?
« Ils s’en prennent systématiquement à quiconque s’exprime publiquement contre eux. Quiconque s’exprime contre ‘l’Église ’est considéré comme un ennemi. Tous les moyens sont bons pour déstabiliser. Cela va de la violence physique à la violence sexuelle en passant par la violence mentale. Il est interdit aux anciens scientologues de communiquer entre eux. Les ex-scientologues n’ont pas le droit non plus de m’approcher. Certains membres sont même obligés de signer des accords qui ne leur permettent pas de parler aux anciens membres. Le fait qu’ils continuent à m’attaquer ainsi que celles et ceux qui dénoncent leurs pratiques ne fait que me démontrer que j’ai pris la bonne décision. Il faut bien comprendre que la scientologie ne veut pas abandonner une structure qui vaut trois milliards de dollars. Quoiqu’ils fassent, je suis sûre que leur temps est compté. »
“Je ne me considère pas courageuse”
Depuis qu’elle a quitté le mouvement et écrit son livre en 2015, Leah Remini est la cible des scientologues qui ne manque pas une occasion pour s’en prendre à elle, explique-t-elle. Ce qui ne l’empêche de dire tout haut ce qu’elle pense.
Vous avez toujours été si courageuse ?
“Je ne me considère pas courageuse. Les gens qui ont eu le courage de publier mon livre le sont, en revanche. Ils sont d’autant plus courageux qu’ils avaient pleinement conscience des répercussions. Quiconque est prêt à dénoncer un Goliath tel que la scientologie, ainsi que celles et ceux qui tirent les ficelles, est un brave. Moi, j’ai la chance d’être une personne connue. Ma célébrité, le fait que j’ai des relations avec les médias et que je reçoive de l’amour du public me protège un peu. Si j’ai dans mon for intérieur cet ‘hutzpah’(Audace en hébreux, NdlR.), cela provient probablement de ma mère qui toujours été une battante et qui a toujours remonté ses manches. Cela a commencé le jour où elle a voulu que ma sœur et moi ayons une vie meilleure. C’est en fait pour cela qu’elle est entrée en scientologie, parce qu’elle voulait une vie meilleure pour nous.”
Vous dites que le chef de l’Église, David Miscavige, sait pertinemment que la scientologie est une arnaque…
“Il le sait certainement. Cependant, je crois que la plupart des paroissiens et des membres de la Sea Org – les gens qui travaillent pour la scientologie – sont dans le noir, dans l’ignorance. Ils croient sincèrement qu’ils font des choses incroyables pour le monde. David Miscavige est directement responsable de cette fraude.”
À votre avis jusqu’à quel point la scientologie vous a affecté ?
“Comment cela m’a affecté ? J’ai l’impression que lorsque vous grandissez dans une culture de haine envers la majeure partie du monde – c’est en tout cas que l’on m’a enseigné -, il est très difficile de se sortir de ce jugement, de ne plus être en colère. Il m’a fallu des années pour reprendre confiance dans l’humanité. Ce qu’il faut savoir, c’est que la scientologie est très forte pour brouiller les pistes et pour vous donner l’impression que nous avons de l’empathie pour les gens et que nous sommes des êtres tolérants. Tout ça, c’étaient des apparences car, dans la réalité, nous n’étions pas ces personnes bienveillantes et ouvertes d’esprit. Nous étions très critiques, très haineux envers ceux et celles qui ne faisaient pas partie de notre groupe. J’ai dû apprendre à… désapprendre tout ce que m’avaient inculqué ces gens.”
Que ce soient en Belgique, en France et d’en autres pays de l’Union européenne, la scientologie est considérée non pas comme une religion, mais comme une secte. Est-ce que cela sous-entend que les Européens sont plus “smart” que vos compatriotes ?
“Vos gouvernements sont beaucoup plus intelligents. Aux États-Unis, nous n’avons pas de protection, d’organismes qui statuent sur l’utilité publique comme le font d’autres pays. Les religions doivent prouver que ce qu’elles font doit profiter in fine au public. C’est pourquoi, une organisation telle que la scientologie bénéficie d’un statut d’exonération fiscale. Parce que, fondamentalement, l’argent pour lequel ils ne paient pas d’impôts est rendu en tant que service au public, n’est-ce pas. Mais ils ne sont pas obligés de montrer ce qu’ils font vraiment et comment est redistribué cet argent. Il y a un manque de transparence totale. Ce n’est pas normal de considérer la scientologie comme une religion quand on sait à quel point leurs méthodes sont abusives et destructrices.”
Publié le 03-07-2022 à 19h58 – Mis à jour le 03-07-2022 à 20h02
source : https://www.dhnet.be/medias/cinema/2022/07/03/leah-remini-actrice-et-ex-membre-de-la-scientologie-denonce-critiquer-tom-cruise-revient-a-critiquer-la-scientologie-KCQ4BAPFZ5AUXB2X6O7P5PHTSA/