Expliquer l’engouement pour le bien-être et faire le point sur ce qui fonctionne vraiment, tel est l’objectif réussi du documentaire Cure détox: miracle ou mirage?, diffusé mardi 24 mai à 21 heures dans le magazine «Enquête de santé». Marina Carrère d’Encausse prolonge le débat.
Le printemps venu, conscients de la présence de polluants et de leurs propres excès, les Français se ruent sur les cures de détox. Pour purifier leur organisme qu’ils considèrent encrassé, ils usent et parfois abusent de jus, de jeûnes, de mono-diètes, de compléments alimentaires et n’hésitent pas à recourir à des méthodes pseudoscientifiques très lucratives pour ceux qui les proposent. La cure de détox serait-elle donc de la poudre aux yeux basée sur de la poudre de perlimpinpin?
Alors pourquoi croyons-nous éliminer les toxines de notre corps par les pieds, les bains de siège, les lavements du côlon ou par l’intermédiaire de traitements non validés en France? Dans le reportage Cure détox: miracle ou mirage? diffusé dans «Enquête de santé», sur France 5, Richard Monvoisin, enseignant chercheur en droit des sciences (Université de Grenoble), avance une réponse en forme de regret: «Ce sont les symptômes actuels de l’échec de la science médicale de type santé publique. Le monde médical sait depuis 2 500 ans qu’il faut prendre en charge les gens dans leur entièreté, dans leur affect et que cette prise en charge-là prend du temps. Nous n’en avons plus les moyens suite au choix politique de coupes de budget».
Produits et techniques détox testés par «Enquête de santé».
La détox serait donc un placebo, une consolation, une manière douce de nous faire du bien. Pour nous en convaincre, le magazine a testé plusieurs cures de détox à la mode actuellement.
Quid de l’oligoscan?
Premier dans le viseur, l’oligoscan, un petit appareil à placer dans la paume de la main, permettant de mesurer les concentrations intracellulaires en métaux lourds dans l’organisme. Son effet délétère est un risque de surdosage suite à une automédication mal maîtrisée.
La chélation en question
La chélation est une thérapie qui consiste à injecter un médicament. Le chélateur, censé capter les métaux lourds de notre corps avant l’élimination par les urines, ensuite dûment analysées en Allemagne, est une arnaque très coûteuse pour le patient. Comme l’explique le film sur France 5, le médicament augmente artificiellement la concentration des métaux lourds dans les urines! La réalisatrice, Stéphanie Rathscheck, a filmé en caméra cachée l’édifiante consultation chez un médecin.
Transpirer à grosses gouttes pour éliminer les toxines?
Dans un centre haut de gamme, des clients effectuent du sport dans un sauna équipé de lampes infrarouges censées stimuler les muscles et amplifier la transpiration. Or, cette dernière n’élimine pas de manière significative les toxines, d’après une étude scientifique. En revanche, sans surveillance médicale, cette activité intense par forte chaleur expose à des risques d’hypertension, d’hyperthermie et de déshydratation.
Les toxines ne disparaissent pas avec notre masse graisseuse
Que valent les diètes et les jeûnes de riz pour perdre de la masse graisseuse? Le professeur Robert Barouki, toxicologue (directeur de recherche à l’Inserm), répond: «On maigrit certes mais les polluants passent dans le reste de l’organisme et ce, même en cas d’amaigrissement sévère».
Halte à l’hydrothérapie?
Une autre technique fait fureur dans cette course au grand nettoyage de l’organisme: l’hydrothérapie ou irrigation du côlon, soit 50 minutes de lavement censé éliminer des restes de matières fécales bourrées de toxines. Le docteur Godegerbe, gastro-entérologue, remet à sa place cette idée de purge des entrailles: «De manière animale, cette quête de la vacuité du côlon correspond à un sentiment de bien-être physiologique mais aucune démonstration scientifique ne montre que la pratique d’un lavement améliore l’état de santé».
Les toxines ne s’éliminent pas par les pieds!
Les soins électrolytiques se répandent chez certains naturopathes. Il s’agit de bains de pied dans lequel une bobine métallique diffuse un courant électrique dans une eau chargée d’une solution saline de l’Himalaya. Au bout de 30 minutes, un jus sombre prouverait que les toxines s’en sont allées par les pieds! Un ingénieur teste la machine sans les pieds et obtient le même résultat! Il s’agit tout simplement d’un transfert chimique, les dépôts ne provenant pas du tout des pieds. Mais généralement cette technique est accompagnée de massages et de petits soins qui apportent, eux, un réel réconfort et du bien-être.
De la recherche légitime de bien-être à l’endoctrinement sectaire
Visé pour un exercice illégal de la médecine et abus de faiblesse, Thierry Casasnovas (Regenere), influenceur adepte du jeûne et de l’alimentation crudivore affirme que la maladie n’existe pas et que seule la nature nous permet d’aboutir à une guérison totale. Le manque d’écoute de la médecine classique ouvre parfois un boulevard aux croyances détox qui peuvent malheureusement masquer un endoctrinement. Le dernier rapport de la Miviludes, instance de lutte contre les dérives sectaires, note qu’en 5 ans, les signalements concernant la santé et le bien-être ont doublé. Ils représentant aujourd’hui 38% des demandes.
Comment se désintoxiquer sans arnaques?
Le magazine «Enquête de santé» nous convie à un cours de toxicologie à la faculté de médecine Paris Descartes, afin de nous apprendre à identifier les polluants et de nous expliquer de quelle manière ils pénètrent dans notre organisme.
Comme le rappelle le professeur Gabriel Perlemuter, chef du service d’hépatologie de l’hôpital Antoine Béclère (AP-HP), nous disposons tous d’un extraordinaire organe filtre, le foie: «Les enzymes du foie transforment les polluants en molécules moins toxiques en continu pour les éliminer dans les urines et dans les selles. Notre foie n’est pas une chaîne de vélo, il ne s’encrasse pas! Les compléments alimentaires ne protègent pas le foie, surtout si on mange n’importe quoi à côté».
Quelques conseils au quotidien pour se protéger des polluants:
– Éviter les papillotes d’aluminium pour la cuisson, surtout avec des produits acides (citron, tomate, rhubarbe).
– Préférer les pots en verre aux conserves qui sont doublées avec une matière plastique non stable.
– Les poêles antiadhésives doivent être changées à la moindre petite rayure.
– Le film plastique est à proscrire avec le gras.
– Se méfier des meubles neufs, notamment des canapés avec retardateur de flamme et des travaux récents qui dégagent colle, vernis ou solvants.
– Pour traquer les moisissures, il est conseillé d’utiliser tout simplement du vinaigre blanc et du bicarbonate et au quotidien du savon de Marseille. Les produits Écolabel et Écocert répondent aux standards écobiologiques.
source : https://tvmag.lefigaro.fr/programme-tv/enquete-de-sante-sur-france-5-info-et-intox-sur-les-cures-de-detox_1552ae96-d5b7-11ec-8aad-963c342992cc/