Si l’Eglise catholique disparaissait, qu’adviendrait-il à sa place ? Le marché des nouvelles propositions religieuses est en plein essor. L’enjeu financier est énorme, mais entre spiritualité frelatée sinon délirante, gourous en roue libre et emprises en tous genres, les dommages collatéraux risquent d’être énormes. Actuellement, 500 000 personnes seraient « concernées » par le phénomène d’emprise sectaire selon la Miviludes, Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires(1)…
C’est le cri d’alarme que poussent Timothée de Rauglaudre et Jean-Loup Adénor dans leur nouvel ouvrage, Le Nouveau Péril sectaire(2), en reliant ce phénomène à l’époque actuelle de la pandémie, de la peur du Covid-19 et du développement du mouvement antivax. La pandémie aura-t-elle servi d’incubateur à la recrudescence des délires sectaires ? C’est pour le coup un terreau inespéré pour tous les prêcheurs de la fin du monde, qu’ils soient scientologues, Témoins de Jéhovah, crudivores, intégristes de la Fraternité Saint-Pie-X… Derrière une emprise, on trouve le plus souvent à l’origine un discours complotiste, une méfiance sinon un rejet du monde actuel. En soi, il n’y a là rien de nouveau, le courant Montaniste faisait de même au IIe siècle de notre ère. Sauf que Montan ne comptait pas alors le nombre de ses followers sur Twitter. Les discours les plus « hallucinés » ont trouvés matière à s’étendre sur les réseaux sociaux. Des discours alternatifs sur la santé, le bien-être, l’alimentation. On découvre des trublions aussi dangereux que Casanovas ou Crêvecœur qui vous expliquent que le Covid peut être guéri avec le jeûne et la méditation, mais aussi que certains « bons » catholiques ne sont pas très loin de tenir des propos similaires, qu’il s’agisse du bon prêtre Zanotti-Sorkine, de Nicolas Buttet ou d’Alberto Maalouf. Une sorte de même passerelle du délire semble relier tous ces personnages, que la perspective de devenir « gourous » à temps complet semble particulièrement motiver. Dans le cas des catholiques, le plus embêtant est de constater que certains évêques ne cachent même plus une certaine complaisance envers ces discours extrémistes. Benoit-Gonnin (Beauvais) n’a jamais renié sa passion pour l’ennéagramme, Scherrer (Laval) son absence de discernement envers l’agapéthérapie, quant à Dominique Rey (Fréjus-Toulon), il accueille tout le monde dans le laboratoire des fous qu’est devenu son diocèse.
Il y a pourtant matière à s’inquiéter. Lorsqu’on lit la réponse suivante d’un adepte de l’anthroposophie dans le livre d’Adénor et de Rauglaudre : « Les gens qui meurent de faim, c’est parce qu’ils croient dans leur esprit que si on ne mange pas, on meurt. Mais c’est une croyance. Tu imagines comme on serait libres si on réalisait qu’on est toute-puissance, que nos pensées créent toute notre réalité.(3) » On pense à André Malraux à qui on prête la formule selon laquelle le XXIe siècle sera spirituel ou ne sera pas. On se demande, après avoir refermé cet ouvrage, si ce n’est pas plutôt le siècle de la folie. Celui où la raison aura définitivement abandonné la foi. Si Dieu n’est pas mort, on s’interroge s’il veille à ce que ses nouveaux disciples prennent bien leurs gouttes à intervalles réguliers. Philippe Ardent – Pour aller plus loin : 719. Golias Hebdo n° 719 (Fichier pdf) – Illustration : DR
- Cf. Louis Fraysse – Timothée de Rauglaudre : « Face aux dérives sectaires, l’Etat se doit d’être en première ligne » Réforme, 15 décembre 2021. En ligne : https://www.reforme.net/societe/2021/12/15/timothee-de-rauglaudre-face-aux-derives-sectaires-letat-se-doit-detre-en-premiere-ligne/
- Cf. Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Le Nouveau Péril sectaire, Paris, Robert Laffont, 2021.
- Cf. Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre, Ibid, p 203.