Le livre préfacé par Marie-Claude Barrette fait suite au documentaire Cultes religieux : des enfants oubliés diffusé il y a quelques mois sur illico, et auquel Lorraine Derocher avait participé à titre de chercheuse. Des gens qui ont vécu leur enfance au sein de communautés sectaires y racontaient leur parcours, et leurs témoignages étaient complétés par les propos de spécialistes de la question.
Dans Ces enfants oubliés, Lorraine Derocher explique le phénomène des sectes et le rôle des parents dans les communautés sectaires et fournit de nombreuses explications sur ce sujet méconnu. Elle invite les parents à être « religio-responsables » et indique comment agir avec des gens qui sont sortis de ces communautés.
Les témoignages qui sont présentés dans ce livre sont bouleversants et montrent toute la détresse des gens qui ont grandi dans ces communautés sectaires et vécu « une enfance en captivité ».
Mose J. Gingerich partage son vécu au sein et hors d’une communauté amish de l’Old Order. Jordan Vilchez a échappé au massacre de la secte de Jim Jones à Jonestown, en Guyane en 1978, mais y a perdu des membres de sa famille. Annie Pelletier s’est fait « exclure » des témoins de Jéhovah à l’âge de 19 ans. Leurs témoignages invitent à réfléchir et à agir.
Les enfants
« Ici, on parle vraiment des enfants. Il n’y a pas grand monde qui parle des enfants. Souvent, on parle des chefs, on va parler des atrocités, etc., mais là, on parle des enfants », commente Lorraine Derocher.
« Je pense que ce qu’il faut retenir, c’est qu’il faut s’interpeller devant cette problématique. Le fil conducteur du livre, c’est : qu’est-ce qu’on peut apprendre de ceux et celles qui ont vécu leur enfance dans des communautés sectaires. C’est vraiment à cette question-là que j’ai essayé de répondre dans le livre. Et moi, je me fais porte-parole de ces gens-là qui ont collaboré. »
Lorraine Derocher rappelle qu’il y a bel et bien des sectes au Québec.
« On n’a pas de statistiques. Si on résume très brièvement, un groupe sectaire, c’est un groupe qui est en rupture contestataire contre les valeurs de la société. Évidemment, il y a divers degrés. Il y en a qui sont totalitaires, il y en a qui sont complètement fermés et d’autres qui sont un petit peu plus ouverts, mais qui développent quand même un esprit sectaire. Il y en a au Québec, il y en a partout. Je ne suis pas capable de vous donner de chiffres, mais je peux vous dire que des enfants adultes – des gens qui sont sortis de ces milieux-là –, il y en a beaucoup. Ça fait 17 ans que je travaille sur cette problématique et je n’arrête pas. »
« Il y a des jeunes qui sont mal pris. Il y a des jeunes qui ont besoin d’aide. C’est peut-être ça aussi le message que j’essaie de dire : il faut s’interpeller individuellement et collectivement. »
Mme Derocher rappelle que les jeunes qui sortent des groupes sectaires sont en détresse, ne sont pas bien outillés et ont grandement besoin d’aide.
« Ce sont des prisons pour enfants. Ce sont des jeunes qui sont très isolés de la société. » Elle ajoute qu’il y a des jeunes qui sortent et qui restent en contact avec la communauté pour aider d’autres jeunes à sortir. »
♦ Lorraine Derocher est experte dans l’intervention en protection de la jeunesse en contexte sectaire. ♦ Elle est membre du Centre de recherche sur l’enfance et la famille (Université McGill) et professeure associée à l’Université de Sherbrooke. ♦ Elle a publié plusieurs ouvrages de référence, notamment un guide d’intervention.
EXTRAIT
« Combien y a-t-il d’enfants dans les sectes ? Combien y a-t-il de sectes ? » Combien de fois ai-je été interpellée à ce sujet ! En fait, il existe trop peu de statistiques sur les groupes sectaires pour être en mesure de répondre à ces questions. Mais ce que je sais, par ailleurs, c’est qu’il en existe aux quatre coins du globe. Il n’y a qu’à lire les journaux pour constater qu’un peu partout se trouvent des mouvements sectaires de toutes sortes dans lesquels grandissent des enfants. Ce que je sais également, c’est que de plus en plus d’adolescents et de jeunes adultes quittent leur communauté et tentent d’exposer au monde ce qu’ils ont vécu. Ce que je sais aussi, c’est que la société n’est pas prête à les accueillir. »
source :
Journal de Montréal
MARIE-FRANCE BORNAIS
Samedi, 30 avril 2022