Le pianiste Riopy a survécu au cauchemar de son enfance dans une secte grâce à sa musique.Aujourd’hui, ce compositeur, encore peu connu en France, est l’artiste classique le plus écouté aux États-Unis. Un parcours hors normes qu’il a raconté ce dimanche à Audrey Crespo-Mara dans « Sept à Huit ».
son histoire pourrait faire l’objet d’un roman. Entraîné tout petit par sa mère dans une secte des Deux-Sèvres (Nouvelle-Aquitaine), le pianiste Riopy voit aujourd’hui ses albums cartonner, streamés par des millions de personnes. Ce compositeur français se paye même le luxe de signer des bandes-annonces de films oscarisés (« Shape of Water », « The Danish Girl »). Une belle revanche sur une vie mal commencée. « Ça va faire cliché, mais la musique m’a sauvé la vie », avoue-t-il tout de go face à Audrey Crespo-Mara, dans la vidéo de « Sept à Huit » à regarder en tête de cet article. Et d’ajouter : « Sinon, aujourd’hui je serais mort ; c’est vraiment un besoin vital parce que quand je joue de la musique, quand je crée, je suis dans un monde à part. Et dans ce monde-là, je me sens en sécurité ».
Je n’avais pas le droit d’appeler ma mère maman. C’était beaucoup de manipulations, beaucoup de violences verbales et physiques.
Riopy
Il faut dire que l’autre monde, celui qui fait peur, qui sépare la famille et casse la personnalité, était celui instauré par une gourou, sans foi ni loi, auprès de laquelle il a été obligé de grandir. « Je n’avais pas le droit d’appeler ma mère maman. C’était beaucoup de manipulations, beaucoup de violences verbales et physiques. On vous rasait les cheveux parce qu’on disait : ‘tu as le mal en toi' », explique-t-il. Un monde fait essentiellement de contraintes. « Si je m’asseyais à table, il fallait que je fasse attention à la façon dont je m’asseyais, dont je mettais ma chaise, dont je prenais mon verre, sinon je me faisais taper dessus. Tout était contrôlé. Parfois, on me mettait sur une chaise et on me disait : ‘Tu ne bouges pas’, et cela pouvait durer toute la journée », détaille-t-il.
Dans cette vie faite d’astreintes, le jeune homme va développer des TOC (Troubles Obsessionnels Compulsifs). Mais loin de l’handicaper, il confesse que cela l’a aidé à survivre. « Ils m’ont aussi aidé pour ma musique parce que je compte absolument tout, tout le temps. Et sur cette chaise, je me mettais à compter tout ce qu’il y avait autour de moi. Mais comme c’est quelque chose que j’ai toujours eu, pour moi, ce n’est pas fou », dit-il. Coupé du monde, Riopy (de son vrai nom Jean-Philippe Rio-Py) n’a accès ni à la télévision, ni à la radio, et la musique était interdite. Il y avait toutefois un piano abandonné auquel il s’intéresse dès l’âge de deux ans. « En tapant sur les touches, j’entendais des sons et je me disais que c’était joli. Je revenais le lendemain et c’est comme ça que j’ai appris le piano », raconte-t-il, ajoutant : « en jouant, je ne pensais plus à rien, il n’y avait plus d’injustice et du coup, je partais dans mon monde ».
Une musique qui procure des émotions
Le jour de ses 18 ans, Riopy s’échappe de cette secte. Une journée marquée au fer rouge où il « n’a jamais autant pleuré de sa vie ». « J’avais des frères et sœurs plus petits et je savais que je ne les reverrais pas, qu’on m’en empêcherait », se remémore-t-il. Commence pour lui un véritable parcours du combattant où les repères manquent cruellement. Reste une petite musique tapie quelque part au fond de sa tête. « C’est toujours ça qui m’a donné de l’espoir. J’en étais sûr : je serais pianiste, compositeur », lâche-t-il. Direction Londres, en Grande-Bretagne, où il fait le tour des pianos-bars, mais il ne rentre dans aucune case.
Puis un jour, il y a dix ans, la chance sourit enfin. Riopy fait la connaissance d’un jeune producteur de cinéma, voisin de la rédactrice en chef du magazine Vanity Fair. Cette dernière lui demande de venir jouer lors d’un dîner mondain. « J’étais mort de trouille, c’était surréaliste en fait », assure-t-il. Pour autant, le succès est au rendez-vous. Mais il n’y a pas que le public qui est conquis, Chris Martin, le leader de Coldplay, présent dans la salle, est aussi sous le charme. « Trois semaines plus tard, il m’offrait un piano », raconte-t-il. Riopy commence alors à composer pour des publicités, des bandes originales de films, devenant le pianiste numéro un aux États-Unis et l’artiste classique le plus écouté.
Même des neuroscientifiques s’intéressent à lui et estiment que sa musique produit des effets mesurables sur les émotions. « Ça modifie les ondes cérébrales et du coup, ça apaise les gens. On peut le voir avec des scanners du cerveau. Et ce qui est rigolo, c’est que sans la science, c’est déjà ce que ça me faisait petit », souligne-t-il.
Aujourd’hui, Riopy vit de sa musique et il est l’heureux papa de deux enfants, âgés de deux et trois ans. Son art l’a aidé à combattre ses vieux démons et maintenant, il est bien décidé à panser les plaies des autres, au travers de ses notes de musique. « Jouer de plus en plus, ça me procure énormément de bien parce que je vois que ça fait du bien aux gens. En fait, je me sens bien quand je fais du bien », reconnaît-il. Et comme une success-story a forcément un happy end, Riopy a renoué avec sa mère et ses frères et sœurs, tous échappés de la secte, après en avoir été séparé pendant presque vingt ans.
source : https://www.tf1info.fr/culture/video-replay-tf1-sept-a-huit-d-une-secte-des-deux-sevres-a-hollywood-le-pianiste-riopy-raconte-son-incroyable-histoire-2215327.html
V. Fauroux | Interview Sept à Huit Audrey Crespo-Mara