Le plus étrange n‘est pas que Raël saisisse l‘opportunité de la vague médiatique induite par les 220.000 exemplaires vendus du Traité d‘athéologie ou le succès de l‘Université Populaire de Caen pour déclarer de Miami qu‘il me nomme "prêtre honoraire" de sa tribu de demeurés mais bien plutôt que chaque désir de ce crétin soit amplifié par la presse qui se précipite pour lui tendre micros, caméras, porte voix et occasion de caisse de résonance à ses propos d‘abruti.
Que cet allumé croie aux soucoupes volantes, au clonage de science fiction,aux partouzes mystiques, qu‘arborant son crotin capillaire et sa tenue de cosmonaute comme un viatique, il s‘appuie sur le génie sans fond de Michel Houellebecq, consentant – pas pour le génie, mais pour le compagnonnage -, rien de très étonnant. Mais que les journalistes lui déroulent le tapis rouge, installent sa tribune et portent ses valises voilà qui m‘inquiète plus…
Le Monde ouvre le bal : normal, depuis un an, ils torpillent ce que je suis, ce que je fais, ce que j‘écris. En un peu plus de douze mois un compte rendu venimeux, un portrait perfide, un dossier à charge, un autre compte rendu cette fois ci non plus venimeux mais franchement diffamant (par un plumitif bien connu pour, entre deux ménages, trois renvois d‘ascenseur, un copinage utile à sa carrière, défend l‘idée que « boire en pissant » constitue une réelle expérience philosophique ! Bien. Mais cela ne suffit pas, alors ce journal coiffe les autres et arrive premier dans l‘annonce de l‘information : « Michel Onfray raëlien d‘honneur malgré lui ».
Et si c‘était Le Monde qui, en se précipitant pour donner un écho aux sottises de Vorilhon, se faisait raëlien malgré lui ? Car ce demeuré dispose pour seul crédit de celui que lui accordent les médias.
Les journalistes, excellant dans la juridiction d‘exception, ne supportent pas qu‘on leur fasse remarquer qu‘on les aime s‘ils informent, mais moins quand ils désinforment. Par exemple, quand Raël annonce à tous les gogos à caméras et à micro, peu de temps après le séquençage du génome humain, que sa tribu de crétins a réussi le clonage d‘un enfant, on lui ouvre le canal médiatique planétaire : une de journaux, pages entières des quotidiens, dossiers des magazines, comptes rendus, journal de 20 heures avec une communicante peroxydée sur le retour d‘âge pérorant sans contradicteur scientifique. Tapis rouge pour les extravagances raëliennes… Plus tard, on constate qu‘il en va d‘un coup de pub et que les nigauds interplanétaires grugent les journalistes. Où est l‘autocritique ?
Nulle part. On l‘attend encore…
Europe 1, le service culturel de France Inter – qui m‘ignore depuis au moins une dizaine d‘années…-, France 3 Normandie œ fort discrète avec la centaine de conférences annuelles de l‘Université Populaire depuis 2002, mais prompte à tourner un sujet avec le premier hystérique détracteur de l‘Up qui enfile les contrevérités…-, tous laissent des messages sur mes téléphones, abreuvent mon éditeur de coups de fil, veulent tout de suite me joindre et attendent ma réaction.
L‘un à qui je refuse de tomber dans le piège tendu par Raël me reproche de ne pas « jouer le jeu démocratique » ! Singulière conception du jeu démocratique : l‘un vous insulte, la presse nationale relaye l‘insulte, elle vous demande ce que vous en pensez, et voilà un traitement équitable : une minute pour l‘insulteur, une pour l‘insulté, un partout. Embrassons nous Folleville… Reste le crachat sur le visage.
Jadis Ouest-France – Ouest Eclair sous Pétain -, caviarde un texte explicitement demandé par ses services lors du référendum sur l‘Europe. Je défends le Non. Le journal le Oui. Une note anonyme ajoutée à mon texte laisse croire que je m‘oppose à la liberté de conscience, de religion et d‘expression. Quand le jour même je demande une explication au directeur politique de Rennes, il me raccroche au nez après m‘avoir insulté…
Je fais face à une série de mails dans la journée de lecteurs s‘inquiétant de mon attaque contre la liberté de conscience et d‘expression… Un démenti ? Jamais. Un correctif ? Pas plus. Je l‘ai demandé, mais jamais obtenu.
Le même journal reprend l‘information donnée par Raël dans ses pages nationales sans m‘avoir consulté et, perfidement, signale que le Traité d‘athéologie sert souvent de références au mouvement raëlien. Ah oui ? Quand ? Où ? Avec quelles thèses ? Le quotidien régional, catholique, pro européen, de droite, n‘a pas aimé le Traité. Dès lors, pour rajouter une couche, rien de tel que de laisser croire à la compatibilité possible de mes thèses avec celles du maître à penser de Houellebecq.
Difficile l‘amour du prochain dans le camp papiste !
Faut-il préciser que je ne crois pas aux soucoupes volantes ? Et que le fait de ne jamais avoir écrit contre cette stupidité dans aucun de mes trente livres ne saurait faire de moi un adepte des voyages interstellaires ? Puis montrer que le transport entre planètes est la condition sine qua non du salut chez les demeurés vorilhonesques.
Faut-il demander qu‘on lise Féeries anatomiques pour constater que j‘ai montré que le clonage reproductif ne générait pas de l‘Autre mais du Même et que, conséquemment, il ne présentait aucun intérêt ?
Et enfoncer le clou en signalant que Raël, lui, ne croit au salut que par le clonage ? Faut-il inviter à lire le Traité d‘athéologie pour constater que j‘y écris qu‘une secte, c‘est une religion qui n‘a pas réussi et que, dans ce livre, je ne sauve aucune religion.
Faut-il inviter à lire Politique du rebelle pour constater que j‘y développe sur plus de trois cents pages l‘idée de Nietzsche qu‘« il m‘est odieux de suivre autant que de guider » et qu‘on imagine mal une secte fonctionner sans gourou guideur et sans gogos guidés ?
L‘idée même d‘avoir à se justifier me dégoûte. Mais elle est moins du fait de ce pauvre type et des acéphales qui le suivent – Houellebecq compris – que des journalistes complaisants qui accompagnent les moindres faits et gestes de ce malade mental qui, malgré son délire, manifeste une sagacité bien plus grande que les gratte -papier sur le fonctionnement de la mécanique médiatique. Si les médias ne lui servaient pas de porte voix, il ne serait qu‘un abruti dans l‘ombre – comme il en existe des dizaines de milliers.
Ce type est nauséabond, mais plus puants encore ceux qui colportent les immondices qu‘il charrie. S‘il existe des « prêtres honoraires » à la secte, nul doute qu‘on peut proposer des noms de journalistes et des supports qui les appointent…
Michel Onfray
vendredi 7 avril 2006