Compte rendu d’un colloque organisé par la FECRIS »
La Fédération européenne des Centres de recherche et d’information sur le sectarisme (FECRIS) organisait, le 25 mars dernier, à la Fondation universitaire de Bruxelles, un colloque sur “L’internationalisation des sectes: un danger pour les droits humains en Europe?” Douze intervenants se sont succédé à la tribune pour tenter de répondre à cette question. Bref compte-rendu.
Les Sectes Plus redoutables que jamais
Un constat s’imposait à tous à l’issue du colloque organisé, le 25 mars dernier, par la FECRIS:l’activité des groupes sectaires est loin d’avoir diminué ces dernières années, même si elle est peut-être devenue moins visible. On comprend, dès lors, l’intérêt d’une telle réunion,dans la mesure où elle permet de mieux comprendre le fonctionnement des organisations sectaires, mais aussi d’identifier les méthodes utilisées par celles-ci pour exploiter les faiblesses de nos régimes démocratiques. Ainsi,plusieurs intervenants ont-ils pointé du doigt le lobbying effréné de certaines sectes auprès des décideurs politiques et économiques.
Pressions américaines
En fait, leur objectif est assez simple à comprendre. Ce que veulent avant tout les sectes,c’est améliorer leur image et obtenir une reconnaissance officielle, en recrutant des célébrités (Tom Cruise, John Travolta, Sophie Favier…),en portant attention aux plus démunis ou en prenant parti pour de nobles causes, telles que la lutte contre la drogue, l’assistance aux victimes des catastrophes naturelles, l’aide aux détenus dans les prisons, et bien sûr le respect de la liberté religieuse, qui constitue leur principal cheval de bataille. L’ennui, c’est que ces groupes bénéficient d’un large soutien de la part des pays scandinaves et anglo-saxons, très attachés à la liberté de culte. Le Sénat américain a ainsi adopté en novembre1998 une loi sur la liberté de religion dans le monde, prévoyant des sanctions à prendre contre tout pays convaincu de “persécutions religieuses”, même lorsque celles-ci s’exercent à l’encontre de mouvements tels que l’.Église de Scientologie.
Voilà pourquoi la Française Catherine Picard, présidente de l’Union nationale des Associations de défense des familles et de l’individu (UNADFI), estime qu’il est grand temps que l’on réglemente la pratique du lobbying, car celui- ci est “anti-démocratique” et “permet à des mouvements antisociaux et totalitaires de légitimer leur action”.
Son compatriote Jean-Pierre Jougla, avoué à la Cour d’Appel de Montpellier et également membre de l’UNADFI, a tenu, quant à lui, à faire part de ses inquiétudes. Il a effectivement le sentiment que les groupes sectaires ont de moins en moins peur d’avancer à visage découvert. Sans doute, estime l’expert, parce qu’ils ont déjà partiellement atteint leur objectif qui est de rendre perméable à leurs doctrines le mode de pensée de nos contemporains. “Dans leur logique”, explique l’expert, “ce qui s’applique à leurs membres doit pouvoir être appliqué à la société tout entière.
” Autre danger mis en avant par les intervenants: le fait que certains grands mouvements sectaires fassent parfois mine de disparaître, dans le seul but de mieux réapparaître plus tard. Comment? En se scindant en une myriade d’associations et de petits groupes locaux particulièrement difficiles à appréhender. Ou en développant de nouvelles formes d’embrigadement, comme la formation professionnelle, le coaching, les régimes diététiques ou encore l’accompagnement psychologique. À ce sujet, l’exposé du psychiatre allemand Günther Klosinsky était particulièrement édifiant. D’après lui, certaines psycho-sectes font effectivement un usage abusif de psychothérapies insolites, comme la technique du rêve éveillé centré sur un thème, dont les conséquences peuvent être dramatiques pour les personnes qui y recourent.
L’Italienne Maria Pia Gardini a également suscité une vive émotion au sein de l’auditoire en racontant comment sa fille de 19 ans, toxicomane, s’est retrouvée prisonnière de l’.Église de Scientologie après avoir participé à un programme de désintoxication chez Narconon, l’une de ses sociétés écran.
Des exemples qui montrent combien la vigilance s’impose aujourd’hui plus que jamais. Car en ces temps de mondialisation, les organisations sectaires semblent particulièrement bien s’adapter – et même parfois mieux que ne le font parfois les religions traditionnelles – aux préoccupations de l’homme moderne et aux avancées technologiques.
Pascal ANDRÉ
Des lacunes dans la lutte anti-sectes
Hasard du calendrier ou pas, la FECRIS a été particulièrement bien inspirée en programmant son colloque sur l’internationalisation des sectes le 25 mars dernier. Deux jours plus tôt, le Groupe de travail chargé d’assurer le suivi des recommandations de la Commission parlementaire “Sectes” présentait en effet son rapport à la Chambre des Représentants de Belgique. Un texte documenté et instructif,qui met notamment en lumière de nombreuses lacunes dans la lutte contre les groupes sectaires nuisibles.
Ce constat est d’autant plus inquiétant que les sectes ont plutôt tendance à se multiplier, ces dernières
années. Ainsi, le Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles signale
qu’il a été amené, depuis 1999, à examiner les agissements de 598 groupements, dont seulement 94
avaient été cités lors des travaux de la commission d’enquête parlementaire de 1997.
Heureusement, le Groupe de travail propose des modifications de loi pour remettre en selle la lutte
anti-sectes. La plus spectaculaire d’entre elles est sans doute la proposition de loi qui vise à introduire
une nouvelle disposition dans le code pénal afin de “réprimer les manoeuvres de contrainte psychologique ou physique, ainsi que l’abus de la situation de faiblesse de l’individu ou de son état
d’ignorance”.
Mais ce n’est pas tout. Le groupe de travail veut également modifier la loi pour abaisser le seuil de l’infraction, afin de rendre possible une intervention des forces de l’ordre avant que des dégâts réels (enlèvements de mineur, ponction des comptes…) se produisent.
P. A.