Vous dites disposer d’indicateurs évocateurs plutôt inquiétants depuis un an et demie, de quoi parle-t-on exactement ?
Il s’agit essentiellement de collectifs alternatifs qui depuis cette crise sanitaire se sont créés et fonctionnent essentiellement en réseaux. On note une recrudescence, c’est clair.
Vous mettez quoi derrière le terme réseau ?
Je pense aux réseaux de santé naturelle. Cela me gêne toujours de parler des réseaux alternatifs pourtant, il peut y avoir des dérives là aussi. Il est regrettable de voir ces idées récupérées, cela nuit à leur image et c’est dommage, mais c’est une réalité. Cela me désole vraiment de le dire mais tout ce qui est en lien avec l’agroécologie peut se retrouver dans ce genre de déviances, on a eu des signalements dans ce sens. L’univers éducatif peut également donner lieu à certaines dérives.
A quel moment doit-on s’inquiéter ?
A partir du moment où on est en dehors du contrôle de l’inspection académique et lorsque ce qu’on appelle « le socle commun » n’est pas appliqué par exemple. Il existe des dérives par rapport à ce type d’alternatives quand les enfants sont isolés socialement. Il appartient alors à l’Education nationale de contrôler et éventuellement de poursuivre, ainsi qu’aux maires et aux élus.
Quelle approche adoptez-vous concrètement ?
Il faut bien comprendre qu’au départ, on est avant tout observateurs. On réalise un travail de repérages à partir de critères déterminés et on regarde si le ou les parents sont impliqués dans des réseaux déviants et s’ils appliquent les pratiques du mouvement en question. Malgré tout, même avec la plus grande attention, on peut passer à côté… Quand une personne fait la démarche de venir nous voir et exprime ce qu’elle vit, ce qui se passe pour l’enfant, pour elle-même, on peut en arriver au signalement. On les incite à témoigner auprès du procureur de la République avec des faits. Par la suite, on peut accompagner les personnes. On est essentiellement prévenus par téléphone, des SOS que lancent les familles, les proches.
Quels sont les signes de reconnaissance?
Les personnes sont invitées sur la toile, à suivre des séances de pseudo thérapeute, avec une pression de plus en plus forte, prégnante, elles ne pensent alors plus qu’à ça et n’ont plus d’ouverture sociale. Il y a le réseau, le contact avec le ou la pseudo thérapeute et quelquefois également, des rencontres en petits groupes. En Ariège, les marchés sont une autre source d’information très intéressante pour ces collectifs.
Des procédures sont-elles en cours en Ariège ?
On en est au stade d’observations, de recueil d’informations, mais on ne remplace pas non plus la gendarmerie. Souvent, il nous est arrivé en Ariège, que des parents nous demandent de « sortir leur enfant de là ». Mais quand la personne fait partie d’une organisation déviante, d’un groupe sectaire, elle n’a pas conscience de ce qu’elle vit et les parents n’y pourront rien sauf si cette dernière est en état de vulnérabilité au regard de la loi.
Quels profils de personnes sont sous l’emprise de ces organisations ?
Tout le monde, qu’importe le statut social mais beaucoup de personnes en quête de sens à donner à leur vie, isolées. C’est facile pour ces organisations de se regrouper, de partager, enfin… avec une apparente générosité.
Quelle rhétorique est employée?
C’est très subtil. Actuellement, il est beaucoup question d’êtres souverains, de nouveau monde , cela tourne en boucle autour de Big pharma…On relève quand même un certain discours qui fait état d’un engagement exclusif pour le groupe ou la personne. Au final, l’emprise mentale est très progressive, elle répond à un fonctionnement pyramidal avec la promesse d’une vie meilleure. C’est là ou il est important de pouvoir se questionner, retrouver l’esprit critique. Ce qui est très présent dans ce type de collectifs, c’est leur envie de changer le monde. Ce qui peut interpeller aussi, c’est le côté financier.
Quelle attitude conseillez-vous aux proches d’adopter le cas échéant ?
C’est à eux de tenter de faire comprendre ce qui se passe, sans porter de jugement sinon le lien est rompu. Il ne faut jamais aller contre, mais au contraire, échanger, dialoguer, et, progressivement essayer de faire réfléchir la personne, qu’elle retrouve son esprit critique.