Réunis en assemblée générale, les délégués de la Fédération protestante de France devraient voter vendredi 10 mars l’adhésion définitive de cinq nouvelles Églises dont une évangélique
Ces Églises ne sont pas inconnues de la vénérable Fédération, qui a célébré en octobre dernier son centenaire. La procédure de leur adhésion a commencé, en 2000, par un travail de rencontres sur le terrain. En 2003, l’assemblée générale de la FPF les avait accueillies comme membres, tout en demandant deux années probatoires. Le vote de vendredi doit donc clore ce processus par une adhésion définitive, recommandée par le Conseil de la Fédération le 21 janvier.
L’adhésion de ces Églises ne va toutefois pas bouleverser le paysage, ni les équilibres de la FPF, où cohabitent déjà 17 Églises et 78 communautés, institutions, œuvres et mouvements, de courants très variés (lire La Croix du 22 octobre 2005). Depuis l’abandon de la candidature des Assemblées de Dieu en 2003, le processus d’élargissement ne concerne que de petites Églises. À l’exception de l’Union des fédérations adventistes de France (123 lieux de cultes), elles animent moins de 30 lieux de culte chacune, à peine une dizaine pour la CÉPÉE et l’Église Foursquare-France.
20 000 nouveaux membres
Au final, ce sont toutefois 20 000 nouveaux membres qui vont se retrouver au sein de la FPF via ces Églises. Un chiffre qui peut être doublé pour tenir compte de l’influence réelle de ces Églises, mais qui demeure faible comparé aux 800 000 fidèles indirectement fédérés à la FPF par leur Église ou association. «L’adhésion de ces nouvelles Églises renforcera un peu le pôle pentecôtiste, sauf en ce qui concerne l’Église adventiste, qui fonctionne plutôt comme une passerelle entre les Églises historiques et les Églises évangéliques», souligne le pasteur Jean-Arnold de Clermont, président de la FPF.
L’Église adventiste, née en 1864 aux États-Unis, se rattache à un courant évangélique radical caractérisé par son fondamentalisme et son rigorisme doctrinal et moral. Elle se distingue par la place qu’elle accorde aux écrits d’Ellen White (1827-1915), prophétesse et visionnaire, dont l’autorité fait parfois concurrence au texte biblique. Un problème sur lequel la FPF n’a d’ailleurs pas manqué d’interpeller les adventistes au cours du processus d’adhésion. Les autres Églises adhérentes sont de sensibilité charismatique. Elles proposent une spiritualité centrée sur l’Esprit-Saint, compris comme une force agissante qui se manifeste par des miracles, des guérisons, le parler en langues ou la prophétie.
Pour entrer dans la Fédération protestante, ces Églises se sont toutefois pliées aux exigences de la charte commune. Ces critères, modestes mais concrets, permettent de s’assurer de la possibilité d’un travail commun : reconnaissance des grands principes du protestantisme qui se concrétise par un accueil mutuel à la Cène, acceptation du dialogue et de l’interpellation réciproque, participation financière au fonctionnement de la FPF, collaboration dans les instances fédératives et adhésion à l’orientation œcuménique de la Fédération. Le statut même de la FPF, qui n’est ni une communion d’Églises, ni une « super-Église », permet la cohabitation d’Églises ayant des options théologiques et morales divergentes, voire opposées.
La FPF ne cherche pas à tout prix à unifier la diversité protestante
Le risque de s’en tenir à un patch work de dénominations reste pour cela bien réel. Pour son président, la FPF ne va d’ailleurs « pas assez loin » dans l’interpellation réciproque et le rapprochement des points de vue. « La Fédération n’est pas un lieu qui cherche à tout prix à unifier la diversité protestante, admet Jean-Arnold de Clermont. Mais encore faut-il que cette diversité soit une diversité réconciliée. » Une phase d’approfondissement pourrait donc suivre la phase d’élargissement et amener l’ouverture de chantiers de réflexion sur le baptême – et le re-baptême, pratiqué dans de nombreuses Églises évangéliques –, l’éthique familiale et sexuelle, ou encore la lecture de la Bible.
« Nous n’avons pas fait les efforts suffisants pour nous interpeller les uns les autres sur les questions éthiques, note Jean-Arnold de Clermont. Sur ce dossier, nous sommes plus côte à côte que jouant le jeu de la Fédération protestante. » Le chantier touchant à la diversité des lectures de la Bible n’est pas moindre. «Nous avons fondamentalement besoin de travailler notre rapport à l’Écriture et, j’ajouterais, notre rapport critique à l’Écriture. Dans la lecture de la Bible, nous avons des approches culturelles extrêmement différentes. Elles sont, je pense, plus importantes que nos différences théologiques. Il y a là tout un travail.»
Pour rendre possible cette interpellation mutuelle, la Fédération protestante de France est prête à assumer « un déficit d’image ». En accueillant les courants évangéliques et pentecôtistes, elle accepte le risque de troubler ceux qui associent spontanément protestantisme français et dialogue avec la modernité. «Nous avons à faire entendre que les Églises évangéliques qui entrent à la Fédération ne sont pas forcément des Églises conservatrices, qui vont tirer la Fédération protestante vers le bas, souligne Jean-Arnold de Clermont. Elles viennent à la Fédération protestante, parce que les débats de la fédération sont aussi les débats qu’elles ont en interne.» Une option courageuse ou compromettante, selon les points de vue. Une posture en tout cas délicate, compte tenu des craintes et du rejet que suscitent aujourd’hui les courants évangéliques américains.
Élodie MAUROT la croixle 09/03/06