Parmi les mesures annoncées à la suite de l’assemblée plénière consacrée en partie à la lutte contre les violences sexuelles dans l’Eglise, les évêques ont annoncé la création de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) avec à sa tête, Marie Derain de Vaucresson, ancienne défenseure des enfants et juriste

Marie Derain de Vaucresson a été nommée par la Conférence des évêques de France (CEF), présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) créée dans le sillage de la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Eglise. Cette ancienne défenseure des enfants, juriste de formation, a pour mission, à travers cette nouvelle instance, de mettre en place une procédure de réparation pour les personnes victimes d’abus de la part d’un clerc ou d’un laïc. Les victimes qui le souhaitent pourront s’adresser à l’Inirr dès janvier prochain. 

Marie Derain de Vaucresson avait donc tout de la candidate “parfaite” pour ce poste, à en croire son parcours professionnel et personnel. D’une part, son statut de défenseure des enfants garantissait à l’Eglise une “part d’indépendance”, affirme celle qui travaille depuis plus d’une vingtaine d’années au ministère de la Justice, notamment dans des missions auprès de victimes. Par ailleurs, son engagement dans l’Eglise est de notoriété publique. Elle a ainsi été un temps vice-présidente des Scouts et Guides de France. 

“Je suis prête aussi à assumer les critiques”

Dans ce nouveau chapitre qui s’ouvre au moins pour les trois prochaines années, Marie Derain de Vaucresson travaillera à construire une justice restaurative qui “a pour principe de considérer que la relation entre la victime et l’auteur des abus puisse être réparée”. “Nous accueillerons la demande de la victime et nous demanderons un certain nombre de pièces qui permettront de vérifier, en les croisant, la vraisemblance des faits”, affirme-t-elle. “Nous partons du principe qu’un malaise exprimé par une victime dit forcément des choses”. “J’ai d’ailleurs accepté de répondre à cette demande parce que c’est un moyen d’être aux côtés des victimes. J’ai vu trop de victimes laissées sur le bord de la route sans qu’aucune réponse ne soit apportée. Je suis prête aussi à assumer les critiques”, poursuit-elle.

Dans cette démarche de réparation, un grand nombre de personnes contributrices, à la fois bénévoles et salariées, seront sollicitées. Elles interviendront dans la phase d’enquête, travailleront sur un certain nombre de documents (les archives de la CIASE par exemple) et sur la phase de médiation avec les victimes. “La fonction de médiateur ne s’improvisant pas, ces accompagnants devront suivre une formation spécifique pour le devenir”.

Une démarche de réparation qui ne substitue pas à la justice étatique

Si cette mission ressemble en de nombreux points aux méthodes opérées par le corps judiciaire, “la démarche de réparation reste bien à côté de la justice étatique, elle ne s’y substitue pas”, précise la juriste. “Nous n’apportons pas de vérité ferme et définitive”. A ce titre, il semble difficile pour l’heure de chiffrer un niveau d’indemnisation précis. “Nous n’aurons pas de prix de la douleur calculé sur des critères judiciaires comme aux Etats-Unis. Et d’ailleurs, je ne me préoccupe pas en première ligne des questions financières. Nous ne serons pas fixés sur cette question dans les semaines qui viennent. Les premières demandes pourront aboutir début 2022.

Elle salue tout de même les mesures annoncées par l’Eglise en matière de réparation financière qui traduisent une volonté de “mutualisation et de responsabilité assumée”. Le principe de faire payer ceux qui n’ont pas fauté pour ceux qui ont fauté semble “juste”, d’après elle : “Nous avons tous notre part de responsabilité. C’est le cas quand des paroisses ont refusé de voir qu’il y avait eu des abus sur des enfants.Après, si certains veulent contribuer via des dons, je le respecte. En revanche, je serais choquée si la puissance publique assumait indirectement la prise de responsabilité de l’Eglise à travers un reçu fiscal. C’est l’institution seule qui doit assumer. »
Pour l’heure, la juriste indique que “de nombreuses victimes ne souhaitent pas être indemnisées, la plupart tient avant tout à la notion de réparation humaine”. Certains plaident par exemple pour une démarche mémorielle notamment à travers l’inscription de leurs noms à un endroit symbolique dédié aux victimes d’abus sexuels dans l’Eglise. “Il y a autant de propositions variées qu’il y a de victimes”, indique-t-elle.

source : https://radionotredame.net/2021/actualite/pedocriminalite-dans-leglise-nous-avons-tous-notre-part-de-responsabilite-marie-derain-de-vaucresson-352427/