Un an de prison avec sursis a été requis, mardi contre la femme gourou Éliane Deschamps jugée à Dijon pour dérives sectaires, et qui, selon l’accusation, a enfermé ses adeptes dans une « prison spirituelle » au nom de la Vierge Marie.
« Tout cela est une vaste supercherie », affirme Pascal Labonne-Collin pour le ministère public, à propos des messages qu’Éliane Deschamps dit recevoir de la Sainte Vierge tous les 15 du mois à 00H06.
Dès 2002, comme l’a rappelé le procureur adjoint, « l’archevêque de Dijon avait interdit à la prévenue de faire du prosélytisme autour de ces apparitions, qu’il considérait farfelues ».
Mais ces apparitions, que « la gourelle théâtralise, attirent du monde » dans la communauté dont le nom « Amour et Miséricorde » masque un « abus de faiblesse parfaitement constitué », a-t-il souligné.
Par la « soumission », la prévenue a enfermé les membres de sa « secte » dans une « prison spirituelle » de laquelle « on ne peut s’extraire ». Elle « les menace d’exclusion, de bannissement et mène des procès quasi-staliniens où on accuse en public », selon l’accusation.
Le procureur adjoint a cependant estimé que l’état de santé de la prévenue, âgée de 67 ans, était incompatible avec un emprisonnement, requérant donc du sursis, tout comme pour son co-prévenu, sa « petite main », Daniel Delestrac, 75 ans.
A rebours de ceux qui ont dénoncé des abus, des membres actuels de la communauté sont venus mardi devant le tribunal pour jurer de leur « liberté » et saluer la « générosité »d’Éliane Deschamps.
« Il n’y a pas eu d’emprise », a ainsi assuré à la barre Anne-Marie Antiphon, 61 ans, en affirmant être « libre ». Démentant les accusateurs, elle assure qu’il n’y avait « pas du tout » d’esclavage – « les tâches étaient partagées » – ni « punitions ».
« Je ne suis pas sous influence », a lui aussi affirmé Julien Guyader, 45 ans, démentant les déclarations de sa mère, Marie-France de Beaucourt, qui dit ne pas l’avoir vu depuis quinze ans en raison de « l’emprise de la secte ».
« Je ne suis pas enfermé » dans ce « groupe de prière », aujourd’hui installé à Petit-Noir (Jura), martèle-t-il.
Rodolphe Bosselut, un des avocats des parties civiles, a fustigé ces témoignages positifs relevant, selon lui, d’une « entreprise de cosmétique » destinée à masquer une « emprise ».
Citant le dossier, l’avocat a évoqué les affirmations d’un prêtre qui a, en 2003, visité la communauté et acquis la conviction que sa fondatrice était « une manipulatrice ».
– « L’ordre divin » –
« On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre », a poursuivi l’avocat, en qualifiant de « produit d’appel » ce qu’Eliane Deschamps décrit comme des apparitions de la Vierge.
« Insidieusement », « l’obéissance » s’instaure, ainsi que la « dévotion », accuse Me Bosselut, balayant les très rares démentis de la prévenue.
Et les récalcitrants ont « des claques », « doivent recopier sans fin des écritures », ou, par exemple, « laver le linge de toute la communauté, à la main », poursuit le conseil.
Les adeptes sont « des objets entre les mains » d’Éliane Deschamps, a abondé Loïc Duchanoy, autre avocat des parties civiles, évoquant un « conditionnement » au profit de celle qui dit: « j’ai une position dominante; je suis celle qui voit la Vierge; je parle pour le Christ; j’ai une légitimité énorme ».
La femme gourou peut ainsi se permettre une « immixtion forte dans la vie privée » des adeptes. L’une reçoit « l’ordre divin de quitter son mari », ce qu’elle a fait. Une autre se voit interdire de demander une péridurale lors de son accouchement, poursuit Me Duchanoy.
Privés de « leur vie normale », les adeptes forment la « cour » de la voyante, répondant à ses moindres caprices: ils doivent la « masser », « lui ramener 5.000 escargots », lui acheter « des centaines de chapeaux »… Et l’entretenir financièrement, selon l’avocat.
La prévenue est restée de marbre, assise dans un fauteuil roulant et reliée à une bouteille d’oxygène.
Il est probable que le jugement soit mis en délibéré.
source : https://information.tv5monde.com/info/sursis-requis-contre-la-femme-gourou-jugee-pour-derives-sectaires-433658