Un homme de la Mauricie converti aux théories complotistes a été arrêté avec une arme d’assaut semi-automatique, un chargeur à haute capacité interdit ainsi que 13 bombes artisanales prêtes à être utilisées.
Le 9 janvier dernier, quelques heures avant l’entrée en vigueur du couvre-feu au Québec, Martin Clermont, 45 ans, a été accusé de menaces envers des membres de sa famille, de possession d’explosifs et d’un chargeur d’arme à feu prohibé. Le résident de Louiseville a également été accusé de possession de stupéfiants. Selon l’enquêteur Francis Lemieux, qui a témoigné plus tôt cette semaine lors de son enquête sur remise en liberté à Trois-Rivières, sa famille avait remarqué qu’il n’était pas dans son état habituel. Le 7 janvier, au lendemain de l’assaut du Capitole par les partisans de Donald Trump à Washington, ils se sont rendus au poste local de la Sûreté du Québec. 1000 munitions Les policiers sont intervenus à sa résidence le jour même. À leur arrivée, ils ont découvert un arsenal inquiétant : un fusil semi-automatique CZ-858 avec un chargeur interdit à haute capacité, 1000 munitions de divers calibres ainsi que 13 engins explosifs artisanaux, des « bombes tuyaux » (pipe bombs). Le CZ-858 a aussi servi lors de l’attentat au Metropolis et de la tuerie à la grande mosquée de Québec. Les bombes tuyaux retrouvées chez Clermont étaient remplies de poudre noire explosive et de billes d’acier. « La SQ nous a fait évacuer nos résidences en nous disant qu’il y avait des bombes dans le garage voisin », a raconté une voisine de l’accusé, qu’a rencontrée notre Bureau d’enquête. Libéré sous conditions Selon l’enquêteur Lemieux, Clermont aurait aussi menacé de « fuir » dans les bois avec l’un de ses fils, qu’il considère comme « l’élu ». Il disait craindre un « bris de normalité » causé par la pandémie. Le père de famille, qui a reconnu prendre des médicaments pour des problèmes de santé mentale, a été jugé apte à comparaître après une évaluation psychiatrique. Son avocat a tenté de convaincre le tribunal que l’attirail de l’accusé pouvait servir à la survie en forêt et que Clermont n’avait proféré aucune menace directe envers quiconque. Le juge a autorisé sa remise en liberté sous certaines conditions, notamment de ne pas consommer de drogues et de remettre ses armes blanches à la police. Le lendemain de sa libération, l’homme de la Mauricie s’est épanché sur les réseaux sociaux. « À tous ceux qui ont quelque chose à dire, qu’ils viennent me le dire en pleine face », écrit-il en lettres majuscules avant de s’en prendre aux « merdias », reprenant à son compte le jeu de mots utilisé par beaucoup d’opposants aux mesures sanitaires. Adepte de théories du complot Depuis le début de la pandémie, Martin Clermont a relayé différentes théories du complot sur les réseaux sociaux. « Il faut avancer le GRAND RESET au plus vite pour enfin être libre et heureux !!! » a-t-il écrit deux semaines avant Noël. La COVID, un « génocide » Le « grand reset », ou la grande réinitialisation, est une initiative du Forum économique mondial pour relancer l’économie sur de meilleures bases après la COVID-19. Les mouvements complotistes croient que les gouvernements ont planifié la pandémie pour créer ce « grand reset », et non l’inverse. En cour, l’enquêteur de la Sûreté du Québec Francis Lemieux a raconté comment Clermont avait été « dur à suivre » en interrogatoire. « Il disait que la COVID, c’était un génocide mondial appuyé par le vaccin », raconte le policier. Clermont aurait aussi soutenu que la nouvelle technologie cellulaire 5G visait à « nous contrôler ». En vidéoconférence avec le tribunal, l’accusé a nié avoir tenu de tels propos et a tenté de justifier certaines de ses prises de position. « Si c’est d’être complotiste de se poser des questions, il y en a une gang qui sont complotistes », a-t-il dit. Survivaliste Au poste de police, Clermont se serait décrit comme un adepte du « survivalisme ». Cette pratique vise à se préparer à survivre à une catastrophe éventuelle en fabriquant des abris, en accumulant des denrées, et parfois des armes pour se protéger. Sur Facebook, l’accusé a aussi relayé des théories du complot comme celle des « chemtrails » (des produits chimiques qui seraient répandus dans l’atmosphère par les avions) et celle de la 5G. Notre Bureau d’enquête a pu s’entretenir brièvement avec la femme qui partage son appartement de Louiseville. Elle nie que Clermont ait possédé des explosifs illégaux. « Mon chum ne ferait jamais ça, ce n’était pas des bombes qu’il y avait dans le garage », a-t-elle affirmé, avant de traiter les médias de « menteurs » et de « poubelles ». Pris dans une spirale infernale La spirale qui a entraîné Martin Clermont dans l’univers complotiste s’est accélérée en raison de la pandémie de COVID-19 et des nombreuses publications des gourous complotistes, selon son frère, qui l’a dénoncé à la police. René Clermont habite juste à côté, sur une petite rue résidentielle à Louiseville. Il loue à son frère cadet un modeste appartement au bas d’un triplex dont il est le propriétaire. Au cours des jours précédant son arrestation, Martin Clermont avait tenu des propos qui démontraient une perte de contact avec le monde réel. « As-tu reçu un message de la part des extra-terrestres ? Moi, ils me laissent des messages sur ma boîte vocale », aurait-il dit à son frère. « C’est triste » René Clermont avait déjà constaté que depuis mars dernier, Martin consultait beaucoup de sites qui véhiculaient des théories du complot. « Tout le monde a le droit de penser ce qu’il veut, mais il y a des gens comme mon frère qui sont vraiment affectés par ça », déplore-t-il. « C’est triste, on l’aime tous, Martin, mais à cause de ses propos on était inquiets. Au lendemain du soulèvement au Capitole, il voyait la guerre civile s’en venir. En plus, il y avait la question du vaccin. Il croyait en premier qu’il y avait une puce dedans et ensuite qu’il pouvait modifier le code génétique », raconte son frère sur un ton affecté. « Je lui ai dit : “Martin ! Tu as le droit de croire ce que tu veux, mais…” » Puis dans les heures qui ont précédé son arrestation, Martin Clermont a commencé à déjanter complètement, allant jusqu’à menacer de mort trois membres de sa famille. C’est à ce moment que son frère s’est rendu voir la Sûreté du Québec. Bipolarité « Quand il s’est fait arrêter, il avait droit à un appel et il a appelé son fils, et il pleurait, il venait de se rendre compte de ce qui était en train de se passer. On braillait toute la gang », se rappelle René. Il savait que son frère avait reçu un diagnostic de bipolarité, qu’il était en possession d’armes et que ses problèmes de consommation de drogues dures exacerbaient son caractère. « Des fois je le voyais passer la nuit dans le garage à travailler sur ses affaires. Je le croisais le lendemain matin et tu voyais que ça ne marchait pas pantoute dans sa tête », affirme le frère de l’accusé sur un ton bienveillant. Sur un pied d’alerte Les différents services de renseignement criminel au Canada sont sur un pied d’alerte depuis l’assaut des partisans de Trump au Capitole au début janvier. « Les gens que nous surveillons ont souvent des problèmes de santé mentale », explique une source au fait des efforts d’enquête pour traquer les Québécois qui pourraient se radicaliser en adhérant à certaines théories complotistes. Selon cette source, les adeptes en détresse des thèses conspirationnistes voient leur état exacerbé par la pandémie et le soulèvement au Capitole. source : TVA Nouvelles Félix Séguin, Hugo Joncas et Andréa Valeria | Bureau d’enquête le 22 janvier 2021 e https://www.tvanouvelles.ca/2021/01/22/un-complotiste-antivaccin-arrete-avec-un-veritable-arsenal-1
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