Des membres de l’Église de Scientologie de Québec distribuent des dépliants dans des commerces en se faisant passer pour des employés gouvernementaux, confirment deux commerçants.
L’équipe d’Enquête révélait en avril que l’Église profitait de la pandémie pour faire une campagne de promotion souvent critique envers les médias, les politiciens et les médecins. La semaine dernière, des représentants de l’Église se sont notamment présentés avec deux caisses de dépliants à la succursale de la chaîne de produits capillaires Éléganza, aux Promenades Beauport. J’avais voulu bien faire, la prochaine fois, je vais regarder deux fois!, raconte Maeva Guérin, responsable de la boutique Éléganza, soutenant que les deux jeunes femmes affirmaient être envoyées par le gouvernement. Des copies d’un document sur « comment rester en bonne santé » ont été placées dans les sacs de plusieurs clients avant que l’entreprise s’aperçoive qu’ils avaient été produits par l’Église de Scientologie. Le dépliant d’une trentaine de pages rappelle l’importance du lavage des mains, par exemple. On ne s’attendait pas de s’en faire passer une par une institution religieuse, admet Alain Parent, président du Groupe Éléganza. Je trouve ça un peu bizarre de promouvoir quelque chose à travers un mensonge. Habituellement, quand tu te présentes, tu dis la vérité. De promouvoir n’importe quoi, que ce soit un individu, une compagnie ou une religion à travers un mensonge, ce n’est simplement pas correct, insiste-t-il. Contrairement au salon de coiffure, les dépliants sont encore bien visibles à la succursale de la Galette libanaise, sur la rue Saint-Joseph. Deux jeunes femmes se présentant comme faisant partie d’un programme gouvernemental ont laissé documents et masques. « Ça parle de lavage de mains, mais c’est vrai que si elles s’étaient présentées comme étant de l’Église de Scientologie, peut-être que j’aurais été plus turn off », explique Frédéric Pearson, employé du restaurant. Jugeant les documents somme toute inoffensifs, il a décidé de les laisser à l’entrée du commerce. « Je ne voyais rien qui incitait les gens à quoi que ce soit. C’était vraiment juste à des fins d’aider les gens », juge-t-il. Commun à toutes les religionsÉglise de Scientologie, Témoins de Jéhovah, Église adventiste du septième jour et Églises chrétiennes et catholiques s’adonnent toutes à ce genre d’opération à leurs heures, indique Alain Bouchard, coordonnateur du centre de ressources et d’observation de l’innovation religieuse de l’Université Laval. Lorsqu’on regarde un peu l’histoire, on s’aperçoit que les interventions n’ont jamais rapporté beaucoup. Il y a peu de gens qui se sont convertis et même au contraire, ç’a toujours été dénoncé, relate-t-il. Ce qu’on a remarqué, c’est que les stratégies que mettent en place les groupes, c’est de développer des actions qui vont les amener à être reconnus socialement. Alain Bouchard, coordonnateur du centre de ressources et d’observation de l’innovation religieuse de l’Université Laval La pandémie et le recrutementLes groupes religieux tentent d’abord de se normaliser et d’obtenir une reconnaissance sociale. Or, l’exercice n’est pas sans risque. Alain Bouchard cite en exemple le passage de l’acteur John Travolta en Haïti après le tremblement de terre de 2010. L’opération avait été vivement dénoncée à l’époque. Chose certaine, l’incertitude qui plane en raison de la pandémie ne provoquera pas un retour en masse vers la pratique religieuse, loin de là, selon le spécialiste. C’est comme si dans la situation actuelle, les gens prennent une distance face aux institutions et vont se replier plus sur des pratiques personnelles, explique Alain Bouchard. Des recherches ont par exemple démontré une recrudescence de la fréquentation des offices religieux dans les jours suivants le 11 septembre 2001, avant un retour à la normale. Fort probablement que les organisations religieuses vont perdre au change. Au lieu de recruter des gens, ils vont en perdre, parce que le fait du confinement, qu’on ne peut pas se réunir, ça amène les gens à prendre une distance et cette distance-là va rester, analyse-t-il. L’Église de Scientologie de Québec n’avait pas encore répondu à notre demande d’entrevue au moment de la publication de ce texte. source : RADIO-CANADA Carl Marchand le 3 juin 2020 |