Un homme doit comparaître lundi 16 septembre au tribunal de Bourg-en-Bresse (Ain), pour agression sexuelle sur une fille de 13 ans, avec qui il avait noué une relation sur un jeu en réseau. Ce type de « pédopiégeage », difficile à détecter, constitue un immense défi pour les policiers.
Il était venu spécialement de Belgique pour la rencontrer. Un homme de 55 ans est détenu à Bourg-en-Bresse (Ain) depuis le 17 août dernier, après avoir tenté d’embrasser une jeune fille de 13 ans. Il avait noué une relation avec elle par le biais d’un jeu pour enfants sur internet, dans ce qui s’apparente à du « pédopiégeage », selon un terme policier.
Ils s’étaient « fiancés virtuellement »
Le quinquagénaire jouait depuis plusieurs semaines avec la jeune fille sur le forum d' »Animal Crossing ». Dans ce jeu accessible dès 5 ou 6 ans, les joueurs apparaissent sous la forme de petits animaux virtuels. L’homme et la fillette s’y étaient virtuellement « fiancés ». La démarche de l’accusé correspond à une tentative de « pédopiegeage » : elle croyait avoir à faire à un autre joueur de 14 ans. Après quelques échanges, l’homme lui révèle son âge et ils échangent photos et numéros de téléphone portable.
L’agresseur présumé lui donne ensuite rendez-vous samedi dans une boutique de jeux vidéos à Bourg-en-Bresse. Il tente de l’embrasser. Les parents de la jeune-fille, qui se trouvaient à proximité, interviennent et préviennent la police.
Actuellement en détention, il est poursuivi par le parquet de Bourg-en-Bresse pour « agression sexuelle ». Après l’analyse de son téléphone portable, il est aussi poursuivi pour « détention d’images à caractère pédopornographique ».
Il sera jugé le 16 septembre prochain, devant le tribunal correctionnel de Bourg-en-Bresse, après une expertise psychiatrique.
Un membre du parquet de l’Ain explique : « quand nos enquêteurs se connectent sur certains forums de jeux, avec un profil qui correspond à celui d’une fillette de 14 ans, aussitôt il y a 4, 5, 6 personnes qui entrent en contact, et proposent des relations sexuelles. » Dans ce cadre, certains individus se limitent à des échanges de messages avec les mineurs, d’autres tentent de les rencontrer, et des prédateurs usent du chantage avec des photos ou videos compromettantes, pour tenter de contraindre leur victime à leurs volontés.
Les services de police submergés
Le parquet de Bourg-en-Bresse rapporte qu’il engage des poursuites pour des affaires de pédopornographie très fréquemment : « tous les mois, des individus sont concernés » par des enquêtes, signalements ou poursuites liées à des échanges ou consultations d’images pédopornographiques. La Police Judiciaire ou la Brigade des mineurs peuvent mener des enquêtes, mais pour prévenir le pédopiégeage, les recherches sont plus complexes. Dans la gendarmerie comme dans la police, seuls certains services spécialisés, de quelques personnes seulement, sont par exemple habilités à réaliser certaines opérations sensibles, comme la possibilité de se faire passer pour un mineur, ou de surveiller le Darknet.
A Lyon, la Sûreté Départementale a lancé il y a 2 ans une cellule « Investigateurs en Cyber Criminalité » (ICC). Mais elle ne compte que 3 personnes actuellement, et n’enquête pas uniquement sur les réseaux pédophiles. Elle doit aussi intervenir pour des affaires criminelles ou encore financières.
Nouvelles pratiques, nouveaux défis
« On essaie de cibler les plus actifs, les personnes qui échangent le plus d’images », admet-on à la Brigade départementale de protection de la famille de Lyon. Les policiers adaptent leurs méthodes en fonction des évolutions des pratiques. Au fil du temps, des réseaux sont plus ou moins affectionnés par les pédophiles potentiels : après les forums de la radio Skyrock, puis les prises de contacts sur Facebook, certains forums de jeux en ligne sont désormais particulièrement infestés. Les harceleurs cachent mieux leurs données, leur identité, leur localisation. Face à un réseau internet ne connaissant pas les frontières, les policiers travaillent par ailleurs en lien avec les services étrangers. Les services nationaux, mais aussi la CIA ou les renseignements anglais ont parfois alerté les services rhône-alpins de certains suspects localisés sur leur territoire. Et Interpol est régulièrement sollicité.
La prévention avant tout
Les chiffres d’Interpol permettent d’ailleurs d’illustrer une évolution quantifiable dans un monde particulièrement obscur. Elle compile le nombre de mineurs victimes identifiés sur des images ou vidéos en circulation dans 49 pays : en 2002, 138 victimes avaient été formellement identifiées, 1 523 en 2009, et… 10 000 en 2017. Les chiffres démontrent l’amélioration des investigations policières internationales en la matière, mais peut-être aussi l’explosion du nombre de victimes. « On a interpellé un individu qui avait harcelé des dizaines d’adolescentes, témoigne un policier lyonnais, « en liant une relation virtuelle, en leur demandant des photos dénudées, puis en faisant du chantage avec. » Les autorités ne pouvant tout voir, charge aux parents de prendre conscience de l’ampleur du risque. Un policier relate : « lors d’une intervention dans une école, on avait demandé aux élèves s’ils avaient déjà eu des propositions indécentes sur internet. Près des trois quart des élèves ont levé le doigt. Il faut que les parents soient plus attentifs. »