Une affaire d’enfant séquestré qui passionne les Tchèques depuis la mi-mai vient de déboucher sur la mise en cause d’une secte issue du « Mouvement de Graal », assortie d’une histoire rocambolesque d’identité usurpée.
«C’est une affaire qui sort largement de l’ordinaire, une affaire particulièrement complexe », a confié à l’AFP la porte-parole de la police de Moravie du Sud, Jana Sipkova. Ses rebondissements font la une de la presse locale depuis la découverte du petit Ondrej, le 10 mai, sur alerte d’un voisin qui avait capté par hasard le signal de la surveillance vidéo installée par la mère dans sa maison de Kurim (est du pays). La mère, une étudiante en pédagogie de 30 ans, a été incarcérée, tout comme sa sœur, qui était au courant des traitements infligés au garçon de 8 ans retrouvé nu, pieds et poings liés, dans un réduit obscur. L’enquête a révélé que les deux sœurs appartenaient à une secte qui préconise la soumission totale par le biais d’épreuves physiques, selon la presse.
À l’histoire d’Ondrej, qui a profondément ému l’opinion publique du fait de la diffusion des images vidéo choquantes, s’est greffée une incidente surprenante : la police a découvert que sa sœur de 13 ans, Anna, portait une fausse identité et surtout… n’était pas une enfant mais une femme de 32 ans. La supercherie a été découverte après sa fugue du foyer où elle avait été placée en même temps qu’Ondrej et son frère Jakub. « À la demande des autorités, on a accueilli ce qu’on croyait être une enfant dans un état pas très bon. Son dossier était accompagné par tout un tas d’expertises élaborées par des spécialistes, on n’avait pas le droit de douter », a expliqué Ditta Pokorna, la directrice du foyer jointe par l’AFP. La nouvelle pensionnaire qui cachait son visage sous un petit chapeau s’évertuait à fuir tout contact au foyer et le personnel a « commencé à avoir des soupçons, mais tout à coup elle n’était plus là », comme le dit la directrice.
Sa fugue a entraîné un avis de recherche doublé d’une vérification d’identité. Dans un premier temps, les enquêteurs ont fait le lien avec une petite Tchèque portée disparue depuis 1996 à l’âge de 4 ans. Condamné pour meurtre bien que le corps n’ait jamais été retrouvé, le père, qui se trouve en prison depuis, a toujours nié les faits. Cette piste semble moins d’actualité depuis qu’« Anna » a été identifiée comme étant Barbora Skrlova, une étudiante tchèque aux traits enfantins qui, selon le quotidien Dnes, était destinée à devenir la divinité de la secte dont son père serait le chef. La fausse identité de Barbora aurait été créée l’an dernier avec l’aide de la fille d’un autre adepte, comédien de profession : c’est cette enfant de 13 ans qui aurait incarné Anna auprès des autorités lors de la procédure d’adoption, selon la presse.
Selon la presse, le groupe de Kurim serait une branche dissidente du « Mouvement de Graal ». Présent dans une vingtaine de pays, le mouvement qui compte actuellement plus de 9 000 adeptes a été fondé en 1924 à partir des thèses ésotériques d’un Allemand nommé Oskar Ernst Bernhart, alias « Abd Ru Shin ». « Toute information publiée soulève une vague de spéculations et d’hypothèses : pour l’enquête, ce n’est pas idéal », a commenté le porte-parole de la police.
Cette semaine, la confusion s’est encore accrue quand une lettre signée « Anna », écrite d’une main enfantine, est parvenue au chef de l’État, Vaclav Klaus. La missive qui s’efforce d’excuser la mère d’Ondrej a été rédigée par quelqu’un qui connaît la famille et la vie au foyer, selon la police. Seule certitude, le petit garçon et son frère vont bien. « Ils jouent dans le jardin, travaillent dans un atelier de peinture et commencent à s’habituer au collectif », selon la directrice du foyer.
L’ORIENT – LE JOUR : 31 mai 2007 (quotidient libanais)