Les sectes s’intéressent aux enfants par de multiples biais, a expliqué mercredi le président de la Miviludes Jean-Michel Roulet aux députés d’une commission d’enquête sur les sectes qui entamait ses auditions à l’Assemblée nationale.
"Aujourd’hui, le phénomène sectaire s’est beaucoup dilué et les enfants ne sont à l’abri sur aucun point du territoire, qu’ils résident dans les grandes villes ou à la campagne", a-t-il dit.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires avait mis l’accent dans son rapport 2005 sur ce phénomène, qui concerne des dizaines de milliers d’enfants –entre 60.000 et 80.000 avec les Témoins de Jéhovah, selon Emmanuel Jancovici, chargé de mission sur les dérives sectaires au ministère de la Santé.
La nouvelle commission est importante pour éclairer l’opinion publique et avertir les mouvements sectaires de l’intérêt maintenu des parlementaires, après "le grand retentissement" des deux premières commissions de 1995 et 1999, selon M. Roulet. Créée le 28 juin et présidée par Georges Fenech (UMP, Rhône) avec pour rapporteur Philippe Vuilque (PS, Ardennes), elle doit remettre son rapport en décembre.
"Il ne faut pas effrayer les parents en disant qu’il y a un gourou derrière chaque arbre (…), mais il faut que chacun prenne conscience que le danger existe", a dit M. Roulet. "Il n’y a rien à restreindre en matière de liberté de conscience, mais on ne peut au nom de cette liberté porter atteinte à la dignité et la santé morale et physique des personnes".
Il a incriminé "ceux qui prennent les jeunes pour cible pour les robotiser et les exploiter, en faire des +esclaves heureux+ comme disait le fondateur de la scientologie Ron Hubbard".
Les dérives sectaires peuvent surgir dès l’accouchement en passant par l’adoption, la garde maternelle, l’éducation, les séjours linguistiques, les activités artistiques mais aussi la santé ou les loisirs et surtout l’internet, a-t-il expliqué.
L’Eglise de scientologie, qui compte selon lui quelque 2.000 adeptes en France, vient d’ouvrir deux centres de soutien scolaire à Paris dans le XVIIe et le XIIe et s’implante dans les domaines de l’humanitaire et des droits de l’Homme, thèmes porteurs auprès des jeunes.
Dans la santé, outre les refus de transfusions sanguines ou de vaccinations, il a dénoncé les régimes alimentaires carencés, les groupes de guérison par la prière –deux morts en Guyane– ou la "communication facilitée" pour les handicapés.
"Aujourd’hui de très nombreuses personnes se prétendent compétentes, il y a en réalité beaucoup de charlatans qui font courir de graves dangers à notre jeunesse", a-t-il dit. Il a souligné la prolifération des psychothérapeutes et des méthodes de "mieux être" passées de 80 il y a vingt ans à 200 aujourd’hui.
Sur la quarantaine d’enquêtes judiciaires en cours en matière de sectes, un tiers concerne des enfants, a-t-il estimé. Il a rappelé les difficultés pour saisir la justice, en raison des réticences des familles et du fait que les magistrats n’appréhendent pas forcément l’aspect sectaire de certains délits.
Il a suggéré que les délais de prescription pour les violences aux mineurs "ne courent qu’à partir du moment où ils deviennent majeurs ou ne sont plus sous emprise". Il a aussi proposé que le ministère de la Jeunesse et des Sports puisse contrôler les centres de loisirs ou de vacances en deça du seuil de sept jours, contourné par les sectes qui limitent souvent leurs séjours et stages à cinq jours.
Source : La Croix