[Préambule : En préparation depuis plusieurs jours, cet article sur la résurgence des théories apocalyptiques et la collapsologie en cette période de Covid-19 fait tragiquement écho au drame de Saint-Just. Selon le procureur de Clermont-Ferrand, Frédéric Limole, “persuadé d’une fin du monde prochaine”, a tué par balle trois gendarmes et blessé un quatrième lors de leur intervention dans un hameau du Puy-de-Dôme.]
S’il y a bien un concept ancré dans l’inconscient collectif, c’est celui de l’apocalypse. Cette date fatidique de la fin du monde fait partie intégrante du spectre large des spiritualités et textes sacrés.
Parallèlement, dans le champ lexical du mot épidémie, résonnent des termes tels que la peur, le péché ou la culpabilité ; une influence de l’Occident qui, au fil des siècles, a fait de maladies, comme la peste, un fléau de Dieu destiné à punir les péchés des hommes.
♦ L’apocalypse et la fin du monde dans les religions
Fréquemment dépeinte dans les arts et cultures de notre monde moderne, l’apocalypse désigne le moment de la disparition de l’univers ; ou parfois plus simplement celle de l’humanité. Dans de nombreuses religions, cette fin du monde symbolise la révélation et la venue sur terre d’une ou plusieurs figures divines.
Que ce soit la venue du “Dâbbah minal Ardh” (la Bête de la Terre) selon l’islam, le réveil des morts décrit dans le Talmud, ou encore la pesée des âmes énoncée dans la Bible ; les textes sacrés alimentent le mythe de l’Armageddon ou fin du monde.
En 2012 – année supposée de la fin du monde selon le calendrier maya – l’institut de sondage Ipsos publiait une étude selon laquelle une personne sondée sur sept était convaincue d’assister à la fin du monde.
Dans certains courants religieux, l’apocalypse est omniprésente ; comme chez les Témoins de Jéhovah. Ces derniers ont d’ailleurs « prédit » à quatre reprises la fin du monde ; respectivement en 1874, 1914, 1925 et 1975.
L’hindouisme et le bouddhisme se distinguent par une approche différente de la notion de temps. Les concepts de création ou d’avenir cèdent leurs places aux Kalpa ; des cycles continus prenant la forme de grandes ères cosmiques. Par ailleurs, selon ces croyances, il n’existerait pas un seul univers ; mais une multitude d’univers aux temporalités propres.
♦ Quid des sectes apocalyptiques et millénaristes ?
Deux types de mouvements aux dérives sectaires ancrent leur dogme sur la fin du monde.
- Les sectes apocalyptiques fondent leur vérité sur l’imminence de cataclysmes à l’origine de la fin du monde. Bien évidemment, seuls les adeptes observant les préceptes du “guide spirituel” seront sauvés.
- Variantes des précédentes, les sectes millénaristes annoncent cycliquement des événements catastrophiques suivis du retour de l’Élu pour un «millenium» ; mille ans de bonheur et de prospérité pour ceux qui auront été fidèles aux commandements. Par extension, ce terme s’applique souvent aux mouvements sectaires qui prophétisent une date précise apocalypse.
Un des exemples les plus tragiquement célèbres est celui de la secte du Temple du Soleil. Établie en Guyane, la communauté avait défrayé la chronique en 1978 quand 923 adeptes avaient perpétré un suicide ou massacre de masse pour échapper à “un complot international apocalyptique imminent”.
♦ La collapsologie, un courant en vogue en Occident
Mais craindre la fin du monde n’est pas réservé aux seuls croyants ; de nombreux mouvements survivalistes bénéficient d’une exposition médiatique grandissante. Sans contiguïté avec un jugement divin, leurs membres se préparent très concrètement aux prochains drames épidémiologiques, nucléaires ou environnementaux ; voire à l’effondrement de la civilisation telle qu’on la connaît.
Construction d’abris fortifiés, stockage des vivres ou d’armes, réclusion dans des régions isolées, tous ces préparatifs sont réalisés en vue d’un Armageddon imminent. En hausse constante depuis plusieurs décennies, ces adeptes forment un courant appelé “la collapsologie”. Parfois décrite comme une philosophie de vie, cette assertion rencontre un fort succès en Occident.
Selon une enquête commandée par la fondation Jean Jaurès en février 2020, c’est en France et en Italie qu’elle reçoit le plus d’écho. 71% des Italiens et 65% des Français y adhèrent ; pour seulement 56% des Britanniques et 52% des Américains.
♦ Vers une fin du monde post-Covid ?
Avant l’apparition de la pandémie du Coronavirus, les collapsollogues imaginaient principalement deux scénarios. Le premier se basait sur une dégradation progressive de nos conditions de vie ; dégradation due à l’apparition de guerres ou conflits majeurs. Quand le second scénario mettait en avant la réduction drastique de la biodiversité conduisant à une raréfaction des ressources. Mais la Covid-19 a changé la donne et impacté tous les discours fatalistes.
Dans une vidéo, toujours disponible, mise en ligne le 18 mars sur le site officiel des Témoins de Jéhovah, Stephen Lett, membre du Collège central, la plus haute autorité de l’organisation, déclarait au sujet de l’actuelle pandémie.
L’expansion de cette maladie est une source d’inquiétude pour tous ; mais ce n’est pas une surprise : “Jésus avait annoncé que les épidémies feraient partie des signes des derniers jours”. Selon lui, “ces événements prouvent plus que jamais que nous vivons la fin de la fin des derniers jours ; juste avant le dernier des derniers jours”.
Stephen Lett cite ensuite un verset : “C’est en attendant tranquillement que vous serez sauvés”. De ce fait, il est intéressant de constater que les membres des Témoins de Jéhovah ne grossissent pas les rangs des manifestants anti-masques et respectent les mesures d’isolement.
♦ La Covid-19, une aubaine pour certains mouvements et les marchands du temple
“Cette pandémie est une aubaine pour les mouvements tels que les Témoins de Jéhovah. Ils peuvent dire nous avions raison, faites-nous confiance. La communauté entretient ce sentiment. Parce que plus les gens ont peur, moins ils raisonnent”, déclarait en mai dernier Daniel, ancien membre des Témoins de Jéhovah sur France info.
Du côté des survivalistes, ces temps de crise sont synonymes d’un regain d’intérêt pour les méthodes de survie. Parallèlement, l’entreprise américaine Vivos, spécialisée dans les bunkers et autres abris anti-catastrophes, a vu ses ventes grimper de 500 % en 2020 selon le New Zeland Herald. Sur environ 23 km² dans le Dakota du Sud, la société Vivos a racheté à l’armée américaine 575 bunkers en acier et béton armé construits sous terre. En cas de cataclysme, le village baptisé Vivos xPoint peut abriter jusqu’à 5.000 personnes dans ces petites forteresses tout confort ; chacune pouvant accueillir entre dix et vingt individus.
♦ De l’an Mil au bug de l’an 2000, des fins du monde innombrables
De l’Apocalypse selon Jean claironnant le retour de Satan mille ans après l’incarnation du Christ, au bug de l’an 2000 au crépuscule des années 1990, au 21 décembre 2012 interprété par certains comme la fin du calendrier maya et donc de toute chose, l’humanité aurait dû s’éteindre à maintes reprises depuis des siècles.
Faut-il voir dans cette nouvelle pandémie mondiale la fin de notre ère ? Les discours alarmistes trouvent-ils une caisse de résonance particulière avec les nouvelles technologies ? Ces théories sont à l’origine de nombreux drames humains ; la preuve en est avec la tragédie de Saint-Just